Lire aussi: Ce qu’il faut savoir sur les autotests, bientôt en pharmacie
En cas de faux pas, le test indique un code d’erreur, il est alors invalide. A noter que le personnel en pharmacie ne nous a donné que des informations rudimentaires, avant de nous renvoyer vers un mode d’emploi en ligne hébergé sur le site de Roche, le laboratoire derrière les autotests actuellement disponibles.
Ces tests ne sont pas aussi fiables que les tests PCR ou les tests antigéniques rapides, notamment parce que seule la partie antérieure du nez, qui contient moins de virus, est investiguée. Conséquence d’une moindre sensibilité et spécificité, un certain nombre de personnes seront des «faux positifs» (saines, mais dont le résultat est positif) ou des «faux négatifs» (infectées, mais au résultat négatif).
L’écouvillon, pas sans risque
Dans une tribune publiée la semaine passée dans les colonnes du Temps, Nicolas Vuilleumier, chef de service de médecine de laboratoire aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) et président de l’Association des laboratoires médicaux de Suisse, estimait ainsi que compte tenu de la sensibilité des tests et du taux de positivité actuel dans le pays, ce seraient «40 000 individus infectés mais non détectés, susceptibles de faciliter la transmission de la maladie», qui pourraient circuler en Suisse. «La stratégie proposée va à l’encontre des exigences analytiques usuelles du dépistage», assène-t-il.
Autre grief lié aux auto-prélèvements: ils pourraient, dans certaines conditions, être dangereux, a alerté l’Académie française de médecine dans un communiqué paru le 8 avril: face à «la multiplication et la répétition des prélèvements, parfois effectués dans des conditions inadaptées», l’institution rapporte la survenue «de graves complications décrites dans la littérature, notamment des brèches de l’étage antérieur de la base du crâne associées à un risque de méningite». Trop profond ou mal pratiqué, un écouvillonnage pourrait donc avoir des conséquences pour la santé – un risque non négligeable compte tenu des dizaines de millions d’autotests qui seront effectués en Europe dans les semaines qui viennent.
Auteur d’un article critique sur les autotests en médecine paru dans la Revue médicale suisse, Nicolas Senn, directeur du département de médecine de famille au Centre universitaire de médecine générale et santé publique à Lausanne (Unisanté), estime cependant que «les auto-prélèvements bien que moins performants que lorsque pratiqués en milieu médical, donnent de bons résultats et sont relativement faciles à réaliser, comme l’a montré l’utilisation d’autotests sanguins dans le cas du paludisme».
Lire aussi: Derrière l’espoir, les limites des autotests
Le scientifique relève toutefois que nombre d’autotests sur le marché relèvent principalement du marketing. Selon lui, un autotest est justifié «s’il pose un diagnostic fiable et s’il est pertinent en termes de santé publique», poursuit-il. Les autotests Covid-19 remplissent sans doute le premier critère (la sensibilité et la spécificité des tests de Roche vont au-delà des recommandations de l’Organisation mondiale de la santé). Mais pour le second, c’est moins certain. La population ayant déjà un accès facilité au dépistage, l’apport supplémentaire des tests à la maison s’avère flou.
Des «cacahuètes»
En Allemagne, l’utilisation des autotests s’est avérée décevante. Leur sensibilité en situation réelle – en prenant en compte les aléas des prélèvements, la mauvaise interprétation des résultats, etc. – ne serait que de 30 à 50%, selon les dires d’une source scientifique crédible.
Autre faiblesse soulignée par le professeur Vuilleumier, la Suisse n’a mis sur pied aucun système de remontée d’information. En cas de résultat positif, seuls un dépistage par PCR et un isolement sont préconisés. Impossible dans ces conditions d’avoir une idée de l’impact précis de ces tests sur l’épidémie. Au Royaume-Uni, où chacun reçoit deux autotests par semaine depuis le 9 avril, il est pourtant possible de saisir les résultats sur un site internet ou de les transmettre en appelant un numéro dédié. Handicapée par son sempiternel retard en termes de numérisation, la Suisse compte sur le bon vouloir et la discipline de chacun.
Les autotests conservent néanmoins quelque intérêt dans des cas précis. Ils permettront sans doute de casser des chaînes de transmission, et de se rassurer en se sachant négatif avant de rendre visite à des proches vulnérables. Mais il n’y a pas grand-chose à en attendre en termes d’impact épidémique, estime le responsable du groupe d’expert diagnostic et testing de la task force scientifique Covid-19, Didier Trono: «Ce sont des cacahuètes qu’on vous ressert parce que le dîner – en l’occurrence les vaccins – est en retard, ironise-t-il. Mieux vaut ne pas se laisser distraire par cet effet de manche qui n’aura aucun impact sur l’épidémie au-delà de l’anecdote.»