Le Temps: Les «Annales de l’Académie américaine des sciences» («PNAS») a publié lundi une étude néo-zélandaise montrant que les performances intellectuelles des personnes ayant fumé régulièrement du cannabis durant leur adolescence sont diminuées. Cette baisse est-elle notable et, surtout, signifie-t-elle que le cannabis induit une mort des neurones?

Christian Lüscher: Les tests utilisés pour évaluer les capacités cérébrales des sujets sont tout à fait pertinents et montrent une diminution significative de ces facultés. Cette étude a le mérite de montrer un effet quantifiable sur les capacités intellectuelles. Il faut cependant souligner que, même si elle n’est pas souhaitable, une diminution de quelques points de QI ne représente pas un état de régression mentale important. Et, non, le cannabis ne tue pas les neurones. Nous savons maintenant que la baisse de performance induite par le cannabis est due à une perturbation de la communication entre les neurones.

– Pensez-vous, comme semble le montrer cette étude, que les effets du cannabis puissent être irréversibles alors que le cerveau est connu pour être un organe très plastique?

– Les conclusions sur la persistance des effets sont peut-être spéculatives mais il est certain que l’adolescence est un moment clé dans le développement cérébral et que tout ce qui peut perturber ce dernier peut avoir des conséquences à long terme. Il faut cependant rappeler que les résultats de cette étude concernent des personnes ayant fumé de manière régulière dans leur jeunesse (et, pour certains, bien après).

– Cette étude vous semble-t-elle fiable et apporte-t-elle un éclairage nouveau sur la dangerosité du cannabis?

– Elle a été très bien faite et fort bien contrôlée. Bien évidemment, on souhaiterait toujours étudier plus de personnes et de paramètres pour minimiser les biais, mais il faut saluer la prouesse réalisée par ces chercheurs qui ont réussi à suivre pendant plus de vingt ans une cohorte de 1000 personnes. Ces résultats ont le mérite de montrer que l’usage du cannabis dans une période cible telle que l’adolescence peut avoir de graves conséquences. Cela a des implications, non seulement pour nous scientifiques, mais aussi pour les politiques qui trouveront là des arguments à prendre en compte dans le débat sur le statut légal de cette drogue et dans l’orientation future de la politique de santé publique.