Le changement d’heure n’a plus rien à voir avec l’énergie
Électricité
Imaginée pour économiser l’éclairage et le chauffage, l’heure d’été n’a presque plus d’impact énergétique. Elle est devenue une question de luminosité, de chaleur et d’adaptation du sommeil au lever du jour

Quand l’Indiana introduit le changement horaire en 2006, la consommation énergétique de cet Etat américain augmente. Les besoins en éclairage sont moindres, mais les dépenses en électricité augmentent d’environ 1%, notamment en raison de l’air conditionné, selon une étude du National Bureau of Economic Research basée sur des millions de factures d’électricité.
Même dans les pays nordiques, où on pourrait s’attendre à des économies maximales, les résultats sont assez décevants, selon une méta-étude publiée en 2016. Au niveau mondial, les auteurs se hasardent à estimer que l’économie d’énergie serait de 0,34%.
Alors que la plupart des pays du monde se sont essayés au changement d’heure, à peine 40% l’observent aujourd’hui. En Afrique, seules les îles Canaries, les enclaves de Ceuta et Melilla et l’archipel de Madère remontent encore leurs horloges. L’Europe – sauf l’Islande, qui conserve le même fuseau horaire toute l’année – avance ses montres d’une heure la nuit prochaine. Retour en trois points sur cette mesure qui vit ses derniers étés.
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1. L’origine
En 1784, Benjamin Franklin avait calculé l’économie en consommation de cire que pourrait réaliser Paris en se levant plus tôt du 20 mars au 20 septembre, mais il ne proposait pas un réel changement d’heure. Les premiers scientifiques à le promouvoir sont le Néo-Zélandais George Hudson (en 1895) et le Britannique William Willett (en 1905). Ce sont les résidents d’une ville de l’Ontario, au Canada, qui ont inauguré la première heure d’été le 1er juillet 1908.
Plusieurs pays européens l’ont établie durant la Première Guerre mondiale. L’Allemagne effectue un premier Zeitumstellung le 30 avril 1916, la Grande-Bretagne vit son premier British Summer Time du 21 mai au 1er octobre 1916, la France suit en 1917 après des débats sur la pagaille que cela provoquerait dans les circuits maritimes. En Russie, l’heure d’été est introduite la même année mais abrogée à peine cinq mois plus tard par le gouvernement soviétique.
Ces différents pays abandonnent petit à petit l’heure d’été après la Seconde Guerre mondiale, avant de la réintroduire dès les années 1970, au moment du choc pétrolier. En 1981, l’Union européenne commence à établir des directives pour harmoniser les heures d’été des pays membres. Pour ne plus être un îlot temporel, la Confédération adopte pour la première fois le changement d’heure la même année, après un échec en référendum en 1978.
2. L’éternel débat
Le changement d’heure est controversé pour ses économies d’énergie limitées, mais aussi pour la «chrono-rupture» qu’il crée deux fois par an. Des chercheurs se sont penchés notamment sur les attaques cardiaques, les accidents de voiture, les accidents du travail, les dépressions saisonnières et même les suicides qui seraient causés par le manque de sommeil dû au passage à l’heure d’été.
Le coût induit par le changement d’heure est difficile à déterminer, mais ses détracteurs le considèrent également comme un gaspillage économique.
En revanche, l’heure d’été aide à compenser le décalage entre lever du soleil et début des journées de travail. Elle allonge les soirées d’été, ce qui est bénéfique au tourisme et réduirait les activités criminelles. Par ailleurs, elle garde l’avantage de réduire l’exposition à la lumière artificielle.
3. L’épilogue?
Après le choc pétrolier, plusieurs grands pays ont aboli l’heure d’été: la Chine en 1991, la Russie en 2011 (avant de passer à une heure d’été permanente en 2014), la Turquie en 2019.
L’Union européenne souhaitait mettre fin à l’heure d’été en 2019. C’était compter sans le cauchemar qu’aurait représenté la réorganisation du trafic aérien. Le dernier passage à l’heure d’hiver devrait avoir lieu en mars 2021. Les Etats membres pourront ensuite choisir de conserver l’heure d’été ou de revenir une dernière fois à l’heure d’hiver en octobre de la même année.
Interpellé par une parlementaire, le Conseil fédéral rappelait il y a deux ans que le changement d’heure a été introduit en Suisse «pour harmoniser l’heure de notre pays avec celles des pays voisins». En 2021, la Confédération devrait donc s’aligner sur les Etats européens.