De Copenhague à Sion, une enquête cartographie la contamination aux PFAS
Santé publique
Une enquête de plusieurs médias révèle l’ampleur de la contamination aux PFAS en Europe: des milliers de substances chimiques, résistantes et toxiques polluent les sols et les cours d’eaux

Dix-sept médias, dont Le Monde et le Guardian, ont publié jeudi les conclusions d’une enquête de plusieurs mois sur un mal méconnu: la contamination de l’Europe aux PFAS. Derrière cet acronyme, se cache une famille de milliers de produits chimiques, des substances per- et polyfluoroalkylées: «des polluants éternels».
Baptisée «Forever Pollution Project», en allusion à ces composés chimiques de synthèse quasi indestructibles et développés depuis les années 1940 pour résister à l’eau et à la chaleur, l’enquête s’appuie sur des méthodologies d’experts, des données et des «milliers de prélèvements environnementaux» ayant permis de réaliser la première cartographie européenne des sites contaminés et suspectés de l’être.
Les médias ont privilégié une approche prudente. Le manque de données dans chacun des pays européens indique des résultats qui sous-estiment le nombre de sites contaminés, précise le quotidien français.
A quoi servent les PFAS?
Ces molécules sont utilisées pour fabriquer les objets de notre quotidien, de la poêle en Teflon, au fil dentaire. «Le Teflon, le Scotchgard, le célèbre imperméabilisant textile, et le Gore-Tex, ce sont eux», écrit Le Monde. Les PFAS sont utilisés «en masse» pour fabriquer les plastiques de hautes performances, des peintures et des vernis, des pesticides, mais aussi les traitements antiadhésifs, antitaches et imperméabilisants qui recouvrent nos ustensiles et nos textiles quotidiens, ajoute le journal.
Quels risques pour la santé?
Les PFAS sont soupçonnés de provoquer de multiples maladies aux personnes exposées: les employés d’usines qui utilisent ces composants et les riverains, résume Le Monde. Certaines molécules augmenteraient les risques de problèmes cardiovasculaires, de cholestérol ou de problèmes de fertilité, expliquent le Guardian et Le Monde.
La communauté scientifique s’inquiète particulièrement des PFOS et des PFOA, des PFAS interdits depuis 2011 et 2021 en Suisse. Ils seraient liés à des risques de cancers du rein et des testicules. «Les niveaux de PFOS et de PFOA dans le sang des populations ont tendance à décliner depuis leurs interdictions respectives», écrit Le Monde. Le journal met toutefois en garde: «Mais ces PFAS à «chaîne longue» (composées de plus de six atomes de carbone) ont été remplacées dans les procédés industriels par d’autres PFAS, à «chaîne courte», dont la plupart sont également toxiques; tous sont très mobiles dans l’environnement.»
Combien de sites sont touchés par cette pollution?
Un lac norvégien, les rives du Rhône, le Danube Bleu, une rivière tchèque et des zones immenses entourant la plupart des bassins de la chimie industrielle… L’enquête révèle que 17 000 sites ont été contaminés en Europe. Dont 2100 «hotspots» contaminés à des niveaux dangereux pour la santé, par les polluants PFAS dits «éternels», car ils sont persistants dans l’environnement.
«D’après notre estimation prudente, l’Europe compte plus de 17 000 sites contaminés à des niveaux qui requièrent l’attention des pouvoirs publics (au-delà de 10 nanogrammes par litre). La contamination y atteint des niveaux jugés dangereux pour la santé par les experts que nous avons interrogés dans plus de 2100 points chauds», indique le quotidien français. Ces «hotspots» sont définis par des prélèvements qui dépassent les 100 nanogrammes par litre ou par kilo.
Les journalistes ont également localisé vingt usines de production de PFAS et 230 usines identifiées comme utilisatrices de PFAS. Les usines de production sont principalement localisées en Allemagne, berceau de la chimie industrielle, et en France.
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Quelle est la situation en Suisse romande?
La carte élaborée par Le Monde et ses partenaires montre de nombreux sites contaminés dans le nord de la Suisse, dans la région de Zurich et également le long de la rivière du Glatt, un affluent du Rhin. Le long de ce fleuve, frontière naturelle avec l’Allemagne, se trouvent de nombreux sites dont une contamination a été détectée ou suspectée, notamment dans les alentours de Bâle. La plus grande partie des sites définis comme des «hotspots» en Suisse romande se situent en Valais.
- Genève: des contaminations ont été détectées sur deux sites à Avully. L’un d’eux est considéré comme un «hotspot», avec une concentration de PFAS de 187,4 ng/kg.
- Vaud: Neuf sites sont considérés comme des «hotspots». Ils se situent à Nyon (1011,4 ng/kg), Etoy (749,3 ng/kg), L’Abbaye (943,4 ng/kg), La Sarraz (415,1 ng/kg), Orbe (1122,3 ng/kg), Mathod (1311,6 ng/kg), Pailly (240,1 ng/kg), St. Cierges (1151,3 ng/kg), Payerne (302,8 ng/kg).
- Neuchâtel: La Brévine (1281,1 ng/kg), Le Cerneux-Pequignot (444,8 ng/kg), Coffrane (210 ng/kg), Neuchâtel (401,2 ng/kg).
- Jura: St. Ursannne (1348,7 ng/kg), Cornol (232,2 ng/kg), Chevenez (302,4 ng/kg)
- Fribourg: Attalens (298,4 ng/kg), Ependes (3747 ng/kg), Vallon (619,2 ng/kg)
- Valais: Une quinzaine de sites sont déclarés «hotspots» en Valais, dont cinq à Sion. Les prélèvements s’élèvent dans la localité de 438 ng/kg à 3343,9 ng/kg (un autre site de Sion dépasse les 3000 ng/kg). La concentration la plus élevée du Valais se situe à Obergoms, à l’est du canton: l’un des prélèvements indique une concentration de 14 569,1 ng/kg. La commune connaît un autre hotspot à 157,2 ng/kg.
- Les autres hotspots du Valais: Vouvry (261 ng/kg), deux sites à Monthey, l’un à 1727,3 ng/kg et un autre, dont l’échantillon a été prélevé dans les eaux souterraines, s’élève à 242,8 ng/l. Martigny-Croix (523,5 ng/kg), Bovernier (550,1 ng/kg), Orsières (1062,8 ng/kg), Conthey (467,3 ng/kg), Vétroz (507,5 ng/kg), les prélèvements ont détecté cinq hotspots à Sion: St. Léonard, (2365,4 ng/kg), Ayent (957,3 ng/kg), Mont-Noble (395,5 ng/kg), St-Martin (149,3 ng/kg), Evolène (1120,5 ng/kg), Sierre (937 ng/kg), Loèche (3515,1 ng/kg), Viège (565,1ng/kg), Brig (855,3 ng/kg), Mühlebach (256,8 ng/kg).
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Ces données sont extraites du «Forever Pollution Project» et du site du Monde.