L’association «Aînées pour la protection du climat» a choisi une manière originale de lutter pour le climat: elle a déposé en 2016 une requête devant le Tribunal administratif fédéral, qui accuse le gouvernement de ne pas respecter les objectifs fixés par les accords de Paris. D’autres recours en justice similaires ont déjà fleuri dans le monde, notamment aux Pays-Bas, où une cour a même condamné le gouvernement néerlandais, une première. Raphaël Mahaïm, un des quatre avocats de l’association des «Aînés» et député vert au Grand Conseil vaudois, place son espoir dans la voie juridique.

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En réaction au rapport du GIEC publié lundi matin, de nombreuses associations helvétiques attendent du gouvernement qu’il prenne ses responsabilités face au défi climatique planétaire. L’Alliance climatique s’est jointe à Greenpeace pour dénoncer l’attentisme de la Confédération.

Le Temps: L’Office fédéral de l’environnement (OFEV) a annoncé sa volonté de réévaluer les objectifs, à la lumière du rapport du GIEC. Y croyez-vous?

Raphaël Mahaïm: Il va falloir suivre cela avec attention. La réaction de l’OFEV prouve bien que ce qui est prévu est insuffisant. La révision de la loi sur le CO2 ne permettra d’ailleurs pas d’honorer les engagements de l’Accord de Paris.

L’Agence internationale de l’énergie a pourtant salué les progrès de la Suisse en matière de politique énergétique.

Il est vrai que dans certaines politiques publiques, la Suisse fonctionne bien. Elle est parfois pionnière, notamment en matière d’énergie hydraulique. Mais cela ne change rien au fait que la Suisse n’arrive pas à se donner les objectifs de ses ambitions.

Qu’espérez-vous de la révision de la loi sur le CO2?

Que les objectifs ancrés dans la loi soient conformes au consensus international de l’Accord de Paris. Cela dit, la bataille sera dure au parlement, qui ne semble pas avoir pris la mesure du défi.

Quelles révisions le gouvernement devrait-il apporter pour parvenir à ses objectifs?

Il faut un plan climat au niveau fédéral crédible. Nous n’avons jamais eu cela pour l’instant, que des engagements flous.

Qu’est-ce que la requête de l’association «Aîné-es pour la protection du climat» auprès du TAF va changer?

L’idée est de faire constater par un tribunal, au besoin en allant jusqu’à la CEDH, qu’il y a une incompatibilité entre le droit suisse et les objectifs internationaux, voire constitutionnels, de protection de la population contre le réchauffement climatique. Idéalement, cela va forcer le gouvernement à prendre des mesures adéquates.

Nourrissez-vous l’espoir que la justice puisse accélérer les choses là où le processus légal stagne?

Clairement, d’ailleurs je m’engage dans cette cause avec beaucoup d’enthousiasme. Un réseau international d’avocats s’est formé et les choses avancent sur tous les continents. On voit très bien qu’à cause du poids des lobbies et du rythme des institutions, on ne prend pas les bonnes décisions au bon moment. Aux Pays-Bas, malgré le fait que l’Etat ait fait appel, la condamnation de 2015 a eu un impact sans précédent sur la vie politique, plus que tout programme politique ou initiative civique.


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