Les jeunes font «Le Temps»
En marge de la conférence de l’ONU sur le climat, qui se tient du 6 au 18 novembre à Charm el-Cheikh, Le Temps a invité une douzaine de jeunes de toute la Suisse romande à prendre les rênes d’une opération spéciale. Âgé·es de 17 à 23 ans, elles et ils ont collaboré avec la rédaction en choisissant les sujets que les journalistes ont ensuite traités.
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Vous arrive-t-il de ne plus savoir ce qu’il faut penser du changement climatique, après avoir consulté des informations qui vous paraissent contradictoires? Sachez que cela ne doit rien au hasard. La propagation de fausses informations fait partie des stratégies des lobbys des énergies fossiles, dans l’objectif de semer le doute au sein de la société et ainsi d’éviter que des mesures soient prises pour limiter nos émissions de CO2. Par ailleurs, les informations erronées sur le climat sont largement relayées, voire mises en avant, par les réseaux sociaux, et peuvent prendre un aspect on ne peut plus sérieux et crédible.

Heureusement, il existe une boussole pour s’orienter dans les méandres du réchauffement: les travaux du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Tirons les choses immédiatement au clair: le GIEC n’a rien d’un petit groupe de scientifiques isolés et orientés qui feraient la pluie et le beau temps sur la question climatique. Il comprend au contraire des centaines de chercheurs issus du monde entier et qui se renouvellent au fil des années. Leur travail (bénévole) consiste à passer en revue toutes les études sur le climat. Tous les sept ou huit ans, ces experts publient un rapport afin de faire le bilan de l’état des connaissances. Voici ici un condensé de leurs conclusions.

1) Le climat se réchauffe

Les relevés montrent que la température moyenne globale de la planète a augmenté de 1,1 °C environ depuis l’époque de la révolution industrielle. Cela peut paraître peu, mais en fait c’est énorme. Jamais, au cours des 10 000 dernières années, le climat ne s’était transformé à ce point et surtout aussi vite, en seulement quelques décennies. On le sait grâce aux recherches en paléoclimatologie, qui ont pour objet la reconstitution des climats du passé, grâce à des «archives naturelles» telles que les cernes des arbres, les sédiments des fonds des lacs et les carottes de glace prélevées dans les pôles. Le réchauffement n’est pas homogène partout sur la Terre: certaines régions sont plus durement touchées que d’autres. Par exemple, l’Arctique se réchauffe quatre fois plus vite que le reste de la planète.

2) Les conséquences du changement climatique sont multiples

Le changement climatique ne se limite pas à une augmentation des températures. Il entraîne également une multiplication des événements extrêmes (canicules, sécheresses, pluies torrentielles, etc.), dont les conséquences peuvent être dramatiques. L’augmentation des températures occasionne la fonte des calottes polaires et des glaciers, mais aussi l’élévation du niveau des mers, qui met en péril le mode de vie des nombreuses personnes résidant sur les côtes. Elle menace également la survie de certains écosystèmes fragiles, par exemple les coraux. Tous les milieux naturels se transforment. Le changement climatique s’accompagne d’une acidification des océans, qui a de forts impacts sur les ecosystèmes marins. Certains scientifiques redoutent par ailleurs que le système climatique atteigne des points de bascule abrupts et irréversibles, qui pourraient par exemple entraîner la transformation de la forêt amazonienne en savane. La probabilité que cela se produise fait l’objet de discussions.

3) Ces transformations sont causées par nos émissions de gaz à effet de serre

Différents facteurs naturels influencent le climat terrestre. Par exemple, l’activité solaire, ou encore les éruptions volcaniques. Toutefois, ces mécanismes ont été bien étudiés et leurs ressorts sont désormais connus. Aucun d’entre eux n’explique le réchauffement actuel, qui est attribué dans sa totalité à l’activité humaine. La faute revient en particulier à nos émissions de gaz à effet de serre, principalement le CO2. Lorsque nous brûlons des combustibles fossiles comme le charbon, le gaz ou le pétrole, nous relâchons de grandes quantités de ce gaz dans l’atmosphère, alors qu’il était auparavant stocké dans le sous-sol. Les gaz à effet de serre – dont fait aussi partie le méthane, issu notamment de l’élevage et de l'agriculture – s’accumulent dans l’atmosphère où ils retiennent les rayons infrarouges émis par la surface terrestre, emprisonnant ainsi la chaleur sur la Terre, au lieu de la diffuser dans l’espace. C’est le principe de l’effet de serre, connu depuis le XIXe siècle. Les niveaux de gaz à effet de serre ne cessent d’augmenter depuis la révolution industrielle: à cette époque, la concentration de CO2 dans l’atmosphère était de 280 ppm (parties par million), elle se situe aujourd’hui à 420 ppm. La reconstitution des concentrations passées de CO2, grâce à l’étude des bulles d’air enfermées dans les calottes glaciaires, a confirmé qu’elles sont corrélées avec la température: plus il y a de CO2 dans l’atmosphère, plus il fait chaud sur Terre.

4) Il est urgent de réduire nos émissions

Les émissions humaines de gaz à effet de serre ne cessent de croître, malgré un recul transitoire en 2020, en raison de la pandémie de Covid-19. Si rien n’est fait pour les réduire, le réchauffement devrait atteindre environ 3 °C à la fin du siècle, ce qui aurait des conséquences très sévères, en particulier pour les populations pauvres qui ne pourront pas s’en prémunir. Dans le cadre de l’Accord de Paris, la plupart des pays du monde se sont engagés à réduire leurs émissions de CO2 de manière à contenir l’élévation des températures à 2 °C, et même, si possible, à 1,5 °C d’ici à la fin du siècle, afin d’atténuer les effets du réchauffement. Il est encore possible d’y parvenir, mais cela nécessite une réduction rapide, radicale et concertée des émissions de gaz à effet de serre dans tous les secteurs. Des mesures d’adaptation seront aussi nécessaires pour vivre avec les conséquences inévitables du réchauffement. Tout cela exige de revoir nos modes de vie: déplacements, consommation, alimentation, etc. Ces transformations ne sont pas forcément négatives, elles peuvent aussi améliorer notre qualité de vie (air moins pollué, alimentation plus équilibrée, etc.).

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Sur les réseaux, démêler le vrai du faux

Ah bon, le Groenland ne fond pas? Les ours polaires se portent très bien? Le réchauffement n’est pas causé par nos émissions de CO2? Les fausses informations sur le climat sont fréquentes sur internet, et ne sont pas toujours aussi faciles à repérer que ces quelques exemples. Voici quelques trucs pour exercer votre regard critique.

– Cherchez la référence

Les découvertes scientifiques sont d’abord communiquées dans des journaux spécialisés, après une relecture par d’autres chercheurs. Une nouvelle sur le climat doit toujours faire référence à une étude scientifique, dont vous devriez pouvoir trouver le résumé en ligne, grâce à un moteur de recherche.

– Méfiez-vous des experts

Ne vous laissez pas tromper par une barbe blanche et un air confiant, car n’est pas expert qui veut! Un·e spécialiste du climat effectue des recherches sur ce sujet et les publie dans des revues scientifiques. Alors, si vous avez un doute sur la personne qui s’exprime, cherchez son titre exact. Elle devrait être rattachée à un organisme ou à un institut de recherche établi.

– Vérifiez qui publie

Connaissez-vous la personne ou le média qui relaie l’information que vous êtes en train de lire ou de visionner? Si oui, s’agit-il de quelqu’un de confiance? Si non, regardez les autres publications de son compte: cela permet de se faire une idée de la qualité des contenus partagés. Vous pouvez aussi chercher si la même information a été publiée par d’autres médias que vous connaissez. Cela devrait normalement être le cas.

– Fuyez le sensationnel

Il existe aujourd’hui un solide socle de connaissances au sujet du changement climatique. Si certains des mécanismes et impacts de celui-ci font toujours l’objet de discussions, en revanche son existence et ses causes ne sont plus remises en question par aucun organe scientifique compétent. Un post qui prétend que le changement climatique n’existe pas ou qu’il n’est pas causé par les activités humaines est tout simplement mensonger. Amusez-vous à pister quelles sont les personnes ou groupes d’influence qui le propagent, grâce aux outils donnés plus haut. Ne le republiez pas sans commentaire, au risque de participer à la propagation de fausses informations.


Pourquoi avoir suggéré ce sujet?

«On ne peut pas dire qu’on ne parle pas du changement climatique. Au contraire, on entend énormément de choses à ce sujet, à tel point qu’il devient difficile de s’y retrouver. On comprend juste que c’est grave, mais après on oublie. J’ai l’impression que cette manière de dénoncer n’est pas efficace, car cela n’incite pas à agir. Il est temps que tout le monde ait une représentation claire de la situation climatique.»
Othilie Cerf, 18 ans, étudiante en lettres à Fribourg, originaire de Fontenais (JU)