Une partie provient de phénomènes naturels, comme les vagues dans les océans. «Elles sont enregistrées même au milieu des plus grands continents, poursuit Jérôme Vergne. Et il y a une autre partie qui est issue des activités humaines: le trafic routier, ferroviaire, les générateurs ou, plus localement, des personnes qui vont marcher à proximité des capteurs.» C’est donc l’ensemble de ces vibrations que désigne le terme de bruit sismique.
Un phénomène mondial
Une première observation de la réduction du bruit sismique causé par l’homme a été partagée sur Twitter le 20 mars dernier par Thomas Lecocq, sismologue à l’Observatoire royal de Belgique. D’autres chercheurs ont ensuite fait part d’observations semblables au Royaume-Uni et à Los Angeles. Le phénomène se mesure dans les pays où un confinement de la population été mis en place. C’est donc aussi le cas en Suisse comme le montre une publication sur le même réseau social de l’Institut des sciences de la Terre de l’Unil.
La fermeture du campus due au coronavirus réduit drastiquement le bruit environnemental, causé par la communité UNIL. Un sismomètre dans le bâtiment Géopolis montre que depuis le 13.03 la vibration ambiante est aussi faible que lors d'un week-end habituel @unil @FGSE_UNIL pic.twitter.com/GdXLd5nddY
— Institut des Sciences de la Terre - UNIL (@ISTE_UNIL) 7 avril 2020
La réduction du bruit sismique s’observe aussi au Népal, pays où l’activité sismique est intense. Dans le cadre d’un projet d’éducation de la population aux observations et risques sismiques, des capteurs ont été installés dans des écoles népalaises à l’initiative de György Hetényi, géophysicien à l’Institut des sciences de la Terre, et de Shiba Subedi, doctorant à l’Unil originaire du pays. «Au Népal, une station a enregistré une réduction de bruit sismique de l’ordre de 80%, c’est l’une des plus importantes au monde à ce jour. Mais tout dépend de la localisation de l’appareil et des activités qui avaient lieu à proximité», souligne György Hetényi.
Effet majeur dans les centres-villes
La localisation des sismomètres a une influence sur la manière dont ils captent le bruit sismique. «Sur le territoire métropolitain français, il y a environ 150 stations permanentes qui suivent l’activité sismique, détaille Jérôme Vergne. Cette diminution de l’amplitude du bruit sismique s’observe sur la majorité de nos stations, qu’elles soient installées dans des centres-villes, où l’effet est majeur, ou dans des lieux plus éloignés de l’activité humaine.» En règle générale, la majorité des capteurs ne sont pas installés en ville pour éviter les vibrations liées à l’activité humaine, mais elles restent perceptibles à longue distance.
Le confinement n’est d’ailleurs pas le seul moment où le bruit sismique diminue. «Il existe une différence au niveau des mesures entre le jour et la nuit, note György Hetény. Au Népal, on observe aussi une réduction très claire du bruit sismique lors des festivals religieux.»
Des retombées scientifiques limitées
A l’image de la pollution sonore ou de la pollution visuelle, le bruit sismique couvre, en temps normal, une partie des mouvements naturels du sol. La diminution de l’ampleur de ce phénomène permet d’observer de petits séismes qui sont d’ordinaire indétectables. «Quand on parle de petits séismes, ou que le capteur est éloigné loin du lieu du séisme, les mouvements du sol sont faibles. Dans ces cas, leur amplitude est du même ordre de grandeur, voire inférieure, que le bruit sismique, précise Jérôme Vergne. Enregistrer les petits séismes qui se produisent plus ou moins en continu permet de mieux connaître le risque sismique à l’échelle d’un territoire.»
Au niveau international, les sismologues de différents pays échangent sur le phénomène et se communiquent leurs données. Pour autant, les quelques semaines de diminution du phénomène provoquée par la pandémie de Covid-19 ne devraient pas engendrer de changement majeur dans le domaine de l’étude des mouvements terrestres. «L’impact scientifique de ces observations est très limité parce que cette période de confinement, heureusement pour nous, ne va pas durer, et elle sera courte comparée à l’échelle à laquelle on observe les phénomènes sismiques», souligne Jérôme Vergne. Elles pourraient tout de même permettre de mieux comprendre quelles sont les origines du bruit sismique, et quelle part ou quel type d’activités humaines génèrent ces vibrations.