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Glaces et océans en péril: la nouvelle alerte des vigies du climat

Fonte des calottes glaciaires et élévation du niveau des mers s’accélèrent au fur et à mesure que notre planète se réchauffe, met en garde le nouveau rapport du GIEC, qui appelle une fois de plus à l’action afin d’éviter le pire

Les océans ont absorbé quelque 90% de la chaleur générée par les changements climatiques ainsi qu’un quart du CO2 émis en excès dans l’atmosphère. — © Lucas Jackson/REUTERS
Les océans ont absorbé quelque 90% de la chaleur générée par les changements climatiques ainsi qu’un quart du CO2 émis en excès dans l’atmosphère. — © Lucas Jackson/REUTERS

En pleine crise climatique, les responsables politiques temporisent; les scientifiques, eux, enfoncent le clou. Alors que le sommet de l’ONU sur le climat qui s’est tenu en début de semaine à New York n’a débouché que sur de timides avancées, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) vient de publier un nouveau rapport glaçant, portant sur l’effet des changements climatiques sur les océans et sur la cryosphère, soit tous les éléments gelés sur Terre.

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C’est le troisième «rapport spécial» publié par le GIEC en une année, après celui de 2018 consacré à la différence entre un réchauffement de 1,5 et de 2°C et un autre plus récent qui soulignait l’importance de protéger les sols et de revoir notre alimentation. Plus de 100 auteurs issus de 36 pays ont passé en revue quelque 7000 études scientifiques pour dresser cet état des lieux, dont le résumé a été approuvé par les représentants des Etats à l’issue de plusieurs jours de négociations à Monaco.

«Notre travail montre que l’empreinte des changements climatiques est perceptible depuis le sommet des montagnes jusqu’au fond des océans et rappelle que les choix que nous faisons aujourd’hui sont critiques par rapport aux évolutions à venir», met en garde la climatologue française Valérie Masson-Delmotte, codirectrice d’un des groupes de travail du GIEC.

Au cœur de la machine climatique

Le nouveau rapport démontre à quel point les océans sont au cœur de la machine climatique. «Ils ont absorbé quelque 90% de la chaleur générée par les changements climatiques», relève Alexandre Magnan, chercheur à l’Institut français du développement durable et des relations internationales (Iddri). Les températures terrestres ont globalement augmenté de 1°C depuis un siècle, mais la situation serait nettement plus sévère sans leur contribution.

Des événements catastrophiques qui ne survenaient auparavant qu’une fois par siècle vont se répéter chaque année ou chaque décennie

Hélène Jacot Des Combes, Université du Pacifique-Sud

Les océans ont aussi pompé un quart du CO2 émis en excès dans l’atmosphère. «Malheureusement ces services ont un coût: les eaux se sont acidifiées et les vagues de chaleur marines se multiplient, comme celle qui a sévi en 2011 sur la côte ouest de l’Australie et qui a eu un impact dévastateur sur les écosystèmes», relève Thomas Frölicher, chercheur à l’Université de Berne et coauteur du rapport.

Réceptacle de l’eau douce issue de la fonte des glaces, la mer monte aussi à grande vitesse. L’élévation du niveau des océans est environ 2,5 fois plus rapide en ce début de XXIe siècle que durant le siècle précédent, d’après les experts. Le niveau des océans va encore s’élever de 43 à 84 centimètres d’ici à 2100, selon que des mesures seront prises ou non pour lutter contre le réchauffement. Des centaines de millions de personnes vivant dans des grandes villes côtières ou sur des îles risquent de souffrir de ce phénomène.

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En Antarctique, de mauvaises surprises

«On imagine souvent la montée du niveau des océans comme un phénomène lent. Mais dans le cadre des changements climatiques, cette élévation est couplée à un accroissement du nombre d’événements extrêmes comme les cyclones, indique Hélène Jacot Des Combes, professeure à l’Université du Pacifique-Sud aux îles Fidji, une des coauteurs du rapport. Dans certaines régions du monde, des événements catastrophiques qui ne survenaient auparavant qu’une fois par siècle vont se répéter chaque année ou chaque décennie.»

C’est la fonte de la calotte du Groenland qui participe actuellement le plus à l’élévation du niveau des mers: elle y aurait contribué de quelque 11 centimètres depuis 1990, contre 7 centimètres pour la calotte antarctique. Cette dernière pourrait cependant réserver de (mauvaises) surprises. «Il existe de grandes incertitudes quant à l’évolution de l’Antarctique, dont la fonte pourrait s’accélérer à partir de 2100, en particulier au niveau des glaces de mer de l’ouest du continent», alerte Konrad Steffen, de l’Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage, qui a aussi participé au rapport.

Les glaciers en mauvaise posture

Quant aux glaciers situés dans les zones montagneuses, ils se trouvent également en mauvaise posture partout dans le monde. D’ici à la fin du siècle, ils vont perdre de 18 à 36% de leur masse en moyenne, en fonction de notre niveau d’action, révèle le GIEC. Alors que certains petits glaciers sont d’ores et déjà condamnés, y compris en Suisse, l’ensemble des glaciers européens, tout comme ceux du Caucase, d’Afrique de l’Est, des Andes tropicales ou encore d’Indonésie, pourraient s’affiner de plus de 80% d’ici à 2100 si rien n’est entrepris pour limiter les émissions de gaz à effet de serre.

La haute montagne sera aussi profondément transformée du fait de la raréfaction de la neige et de la fonte du pergélisol, la partie du sol qui est normalement gelée en permanence. Les plantes et animaux adaptés aux écosystèmes de montagne vont continuer de migrer vers de plus hautes altitudes. Glissements de terrain, avalanches et autres éboulements vont se multiplier du fait de la déstabilisation des sols. Le tourisme et les activités sportives en montagne vont encore souffrir, les techniques de fabrication de neige artificielle ne permettant pas de compenser l’élévation des températures.

Systèmes d’alarme et énergies renouvelables

Face à ce tableau bien sombre, les scientifiques rappellent l’importance d’agir au plus vite. «Certains changements sont inéluctables car le système climatique réagit avec une certaine inertie. Mais les effets observés au-delà de 2050 dépendront fortement de nos émissions actuelles de gaz à effet de serre. En les réduisant drastiquement, nous aurons plus de temps pour nous adapter et plus de chances de sauver certains écosystèmes», affirme Valérie Masson-Delmotte.

Créer davantage de réserves naturelles pour protéger les milieux vulnérables, construire des digues et des systèmes d’alarme afin d’anticiper les risques de submersion, ou encore développer les énergies renouvelables marines font partie des solutions avancées par les chercheurs pour préserver les océans et les glaces, mais aussi toutes les personnes qui en dépendent – soit chacun d’entre nous, à un degré plus ou moins important.

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