«Je raffole de la botanique: cela ne fait qu’empirer tous les jours, je n’ai plus que du foin dans la tête, je vais devenir plante moi-même un de ces matins, et je prends déjà racine à Môtiers», écrivait Jean-Jacques Rousseau à un ami, tandis qu’il occupait son exil dans le Val-de-Travers (NE) à herboriser tout en philosophant, ou l’inverse.

En 2019, Olga Cafiero gagne le concours de l’Enquête photographique de Neuchâtel en proposant de s’intéresser à la flore de ce canton, si bien qu’elle traversera confinement et pandémie en herborisant assidûment, tout comme l’auteur des Rêveries du promeneur solitaire.

Plus précisément, elle entreprend d’engager, avec le philosophe des Lumières, un dialogue sur la flore, à travers les outils photographiques d’aujourd’hui. Quels spécimens pouvait-on rencontrer à Neuchâtel au XVIIIe siècle? Lesquels ont disparu depuis? Lesquels sont menacés? Autant d’inventaires, autant de promenades. Et à chaque recension sa technique: pour les spécimens menacés par exemple, elle photographie les fleurs in situ, puis en imprime l’image à l’anthotype, un procédé de développement qui utilise un jus végétal. Mais sans traitement de conservation, les images ainsi fabriquées sont vouées à la disparition, tout comme les fleurs qu’elles représentent.

Pour les espèces disparues depuis le XVIIIe, ce sont les planches d’herbier conservées dans les archives de l’Université de Neuchâtel qu’elle reproduit dans un gris de deuil.

Quant aux spécimens qui ont su traverser les siècles, Olga Cafiero va jusqu’à les observer au microscope électronique à balayage, dans une tentative de réinvention du regard, manière de voir ces plantes comme jamais Jean-Jacques Rousseau n’a pu le faire.

En multipliant les techniques, la photographe diplômée de l’Ecole cantonale d’art de Lausanne (ECAL) trouve des solutions formelles qui permettent de dépasser le simple inventaire, et tendent à traduire le statut même des végétaux recensés, leur essence. Son enquête photographique devient alors aussi une enquête sur le médium, sur le savoir, la collection et l’oubli.

«Flora Neocomensis», Olga Cafiero, Ed. Scheidegger & Spiess, 2020, Scheidegger-spiess.ch