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Au-delà des conditions climatiques, la manière dont on utilise le sol et la végétation a une influence non négligeable sur la propagation des feux, explique Alexander Held, expert de l’European Forest Institute

Après la Suède et la Grèce, c’est au tour de la Californie et du Portugal de faire face à des incendies de grande ampleur. A l’échelle européenne, les surfaces ravagées par le feu en 2018 sont proches de celles de l’année dernière à la même époque – le Portugal avait alors été particulièrement touché. Année après année, l’exposition au risque d’incendie augmente et nécessite des adaptations. Alexander Held, expert de l’European Forest Institute, plaide pour une évolution en profondeur des pratiques.
Comment le risque d’incendie va-t-il évoluer, dans le contexte des changements climatiques?
Les climatologues s’accordent sur des tendances à la hausse de conditions de chaleur et de sécheresse extrêmes. Cela amènera certains pays européens, jusqu’alors peu exposés, à affronter des conditions favorables aux incendies sur de longues périodes, comme ce fut le cas ces dernières semaines en Suède, mais aussi en Grande-Bretagne ou en Allemagne.
Les forêts sont-elles les écosystèmes les plus exposés au risque d’incendie?
C’est vrai que l’appellation «feux de forêt» est régulièrement utilisée, mais en réalité il s’agit de feux de végétation. Les landes et les espaces agricoles sont aussi touchés par les incendies. Ces derniers cas sont moins bien documentés car les cultures sont rapidement resemées après avoir brûlé. Si l’on s’intéresse en particulier aux espaces boisés, il faut garder en tête que la vulnérabilité d’une forêt dépend de sa structure et de sa composition en essences d’arbres. Une monoculture de pins sur un sol sableux couvert de fougères est plus vulnérable au feu qu’une forêt de montagne suisse très diversifiée, où le sol garde l’humidité, par exemple.
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Quels sont les facteurs qui favorisent les incendies?
Les fortes chaleurs combinées à de faibles précipitations participent à une certaine sécheresse des milieux, et les sols et les végétaux deviennent des combustibles d’autant plus inflammables qu’ils sont desséchés. Mais notre gestion de la végétation joue aussi un rôle important. C’est un facteur sur lequel on a peut-être plus facilement prise que sur l’évolution du climat. L’Espagne ne connaissait pas de problème d’incendie il y a une soixantaine d’années, par exemple. Cela s’explique en majeure partie par un usage des sols qui était différent, avec une activité d’élevage beaucoup plus développée. La végétation étant consommée au fur et à mesure par le bétail, elle ne s’accumulait pas.
Ce constat est généralisable à l’ensemble de l’Europe: il y a aujourd’hui plus de végétation disponible en tant que combustible. Et plutôt que d’adapter la gestion forestière et agricole, on se repose trop sur les services des pompiers. A l’avenir, si les feux se multiplient, ce ne sera pas la bonne approche. L’exemple des Etats-Unis parle de lui-même: les moyens de lutte augmentent d’année en année, mais les pompiers ne peuvent pas faire face à des feux de plus en plus nombreux et intenses.
Comment rendre nos territoires moins vulnérables?
Il y a un objectif central à garder en ligne de mire: limiter autant que possible la «végétation-combustible». Pour cela, il existe toute une palette d’outils que sont le pâturage mais aussi les «feux contrôlés», encadrés par des personnes formées et réalisés dans des conditions favorables à la maîtrise du feu, ou encore l’installation de pare-feux, soit par débroussaillement soit par l’installation d’une végétation qui ne propage pas le feu.
Dans le domaine plus précis de la gestion forestière, certaines pratiques sont à proscrire, comme la réalisation de coupes à blanc sur de grandes surfaces, car la végétation qui reste au sol est alors exposée au plein soleil, donc à la sécheresse. Mais tout dépend vraiment des conditions locales: les solutions ne sont pas les mêmes pour les forêts méditerranéennes et scandinaves.
Vous insistez sur la responsabilité des pouvoirs publics à adopter une démarche de prévention.
Comprendre le risque est la première étape d’un travail qui doit commencer dès aujourd’hui. Il n’y a pas assez de moyens mis en œuvre. Or l’élaboration d'une carte d’évaluation du risque d’incendie est nécessaire pour cibler les zones les plus exposées.
Il existe des exemples inspirants, comme la politique de prévention développée en Afrique du Sud via le programme FireWise notamment. Son action principale est la formation de volontaires dans les communautés exposées aux incendies, afin qu’ils entretiennent les interfaces entre les villages et les terrains attenants. Ce n’est qu’un exemple, mais toute l’Europe doit se pencher sur la question, sans plus attendre.