Sonia Seneviratne est climatologue à l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich. Le 22 avril, elle et de nombreuses personnalités du monde scientifique ont fait paraître une déclaration pour appeler à voter oui à la révision de la loi CO2, en raison de l’urgence climatique.

«Le Temps»: Le monde scientifique lance un appel pour le oui à la loi CO2. Pourquoi prendre position?

Sonia Seneviratne: C’est important pour nous de nous positionner, simplement parce qu’il y a urgence à agir. Il est essentiel que cette votation passe. Le cas contraire serait catastrophique. La loi CO2 pose un cadre qui permet de commencer enfin à diminuer nos émissions. Elle donne un certain nombre d’objectifs et de mesures d’incitation qui encouragent la population à consommer moins d’énergies fossiles. L’initiative pousse à un comportement plus en adéquation avec les buts fixés notamment dans l’Accord de Paris. Un refus nous ferait prendre un retard énorme. On ne peut pas dire que la loi soit extrêmement ambitieuse, mais c’est un premier pas indispensable vers la bonne direction.

Qu’entendez-vous par «premier pas»?

Si nous voulons vraiment être en concordance avec l’Accord de Paris, nous devons mettre en place des objectifs plus audacieux. L’un des problèmes de la loi CO2 est qu’elle inclut des compensations d’émissions à l’étranger. En réalité, nos émissions carbone ne diminueront donc pas de 50% sur le territoire suisse, mais plutôt de 38%. Or, si nous voulons stabiliser le réchauffement climatique, le but est évidemment d’atteindre zéro émission. C’est le volet suivant, qui n’a pour le moment pas encore été discuté au parlement. Le Conseil fédéral a suggéré cet objectif pour 2050. Après la votation, nous devons impérativement continuer le débat, et arriver le plus vite possible au net zéro.

Le zéro net en 2050, c’est un objectif réalisable selon vous?

Je pense que si la volonté est là, on peut. Finalement, nous n’avons pas vraiment le choix. Dans le cas où on n’y arrive pas, on aura perdu la chance de pouvoir limiter le réchauffement à 1,5 degré. Il faut être conscient des conséquences. La Suisse a ratifié l'Accord de Paris, elle faisait partie des pays qui voulaient cet objectif. C’est une question de cohérence de notre politique d’avenir. En vérité, nous devrions même viser le net zéro pour 2040, si nous voulons assurer de maintenir l’élévation de la température en dessous de 1,5 degré pour un impact moindre sur le climat.

Lire aussi: Pour atteindre son objectif climatique, la Suisse mise sur la compensation carbone à l’étranger