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Le mont Fuji, distributeur d’eau en danger

L’iconique mont Fuji est une montagne à part. Fournisseur d’eau potable depuis des millénaires, il est aussi face à une baisse de la qualité du précieux liquide. Pour en savoir plus, des scientifiques ont dû enquêter pour trouver l’origine de l’eau

Le mont Fuji, novembre 2018. — © MASANOBU NAKATSUKASA / The Yomiuri Shimbun / AFP
Le mont Fuji, novembre 2018. — © MASANOBU NAKATSUKASA / The Yomiuri Shimbun / AFP

Véritable symbole du Japon, le mont Fuji, qui culmine à plus de 3700 mètres d’altitude, est au cœur de toute une mythologie religieuse, mais aussi de recherches scientifiques poussées. Une des questions qui persistent autour de ce volcan endormi concerne l’eau qui s’en écoule. Une eau très prisée pour de nombreuses industries qui y vantent ses vertus pharmaceutiques, mais dont l’origine reste assez mal connue. «Nous pensions que les réservoirs étaient uniquement près de la surface, raconte Oliver Schilling, chercheur en hydrogéologie à l’Université de Bâle. Mais il s’avère qu’il y en a d’autres beaucoup plus profonds. A plus de 500 mètres sous terre!»

Le scientifique a publié une étude dans la revue Nature Water où il analyse la provenance de l’eau du Fuji. Une question centrale car depuis quelques années l’eau montrait des signes inquiétants. «Il y avait visiblement une pollution sur les sources, résume Oliver Schilling, mais le problème, c’est que cette contamination n’était pas la même partout, ce qui sous-entendait qu’il y avait plusieurs réservoirs qui n’étaient pas touchés de la même manière.»

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Or la qualité de l’eau est surveillée de près aux abords du Fuji car elle est au cœur de tout un écosystème économique. Les industriels qui produisent du thé vert ou encore du saké vantent la présence de vanadium qui aurait un effet bénéfique sur l’organisme. Les fabricants d’eau minérale aussi sont très présents autour du Fuji, et leurs besoins en eau sont toujours plus importants au fur et à mesure que leur commerce fleurit.

Espions à base de vanadium, d’hélium et d’ADN

Mais comment savoir pourquoi certaines sources sont polluées et d’autres non? D’habitude, les scientifiques utilisent des traceurs, des marques reconnaissables qui dessinent une carte des réseaux d’eaux souterrains. Problème: l’eau qui vient de réservoirs proches de la surface est très semblable à celle qui arrive de zones plus profondes, et certains réseaux tendent à se mélanger d’une manière encore mal connue. Il est donc difficile de repérer les différents aquifères (des réservoirs d’eau) avec des méthodes traditionnelles.

C’est pourquoi le chercheur suisse et son équipe ont utilisé des traceurs innovants pour y voir plus clair. Ils ont inséré dans l’eau quelques molécules de vanadium, d’hélium et d’ADN environnemental: des espions qui ont pu être suivis précisément pour dessiner un tracé des différentes sources d’eau du Fuji. Leur rapport est clair: le Fuji a bien des aquifères proches de la surface, mais aussi d’autres plus profonds.

Une configuration particulièrement complexe qui s’explique par la situation géographique du mont. A cheval sur trois plaques tectoniques, il dispose d’une position unique sur une terre émergée. Le croisement des plaques pacifique, eurasienne et philippine a provoqué plusieurs éruptions volcaniques sur des centaines de milliers d’années, et le Fuji aurait ainsi été formé suite à quatre événements distincts. Cette montagne aujourd’hui mythifiée par sa symétrie parfaite est donc le résultat d’un agrégat de plusieurs éruptions destructrices et créatrices. Si l’extérieur semble parfait et modelé avec soin, l’intérieur garde les vestiges de ces ravages et présente un visage bien plus irrégulier.

Réservoirs peu profonds pollués

«Ce que cette étude nous apprend, détaille Oliver Schilling, c’est que l’eau du Fuji est extrêmement atteinte par la pollution, en tout cas sur ses réservoirs peu profonds. Les autres sont encore préservés.» Cette pollution vient de l’agriculture intensive aux alentours, mais aussi de la fabrication du papier, sans oublier le tourisme. Autrement dit, le même type de causes qui se retrouvent partout dans le monde.

«Nos traceurs peuvent être utilisés ailleurs, assure Oliver Schilling. Jusqu’à récemment, la technologie n’était pas assez précise pour permettre de les suivre correctement, mais désormais nous pouvons mieux comprendre comment le changement climatique influence les aquifères souterrains.»

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L’ADN environnemental, notamment, est un composé de plus en plus utilisé dans le monde de la recherche et qui peut dire précisément quels organismes vivent dans un milieu donné. Dans les Alpes par exemple, la fonte des neiges avait tendance à nourrir les aquifères souterrains, mais comme la neige devient moins abondante, l’écosystème est modifié. Cette technique pourrait donc expliquer comment la population de microbes a évolué, et à quel point l’eau des réservoirs est polluée.