Sur terre, 28 000 milliards de tonnes de glace ont disparu en vingt-trois ans
Environnement
Une étude britannique a estimé la perte de glace entraînée par le changement climatique sur les vingt dernières années, alors que les alertes sur l’état des glaciers et des pôles ne cessent de se multiplier

Entre 1994 et 2017, la Terre a perdu 28 000 milliards de tonnes de glace. En combinant des observations de satellites et des modèles mathématiques, des chercheurs des universités de Leeds et d’Edimbourg et de l’University College de Londres sont parvenus à estimer l’impact du réchauffement climatique sur la glace présente à la surface terrestre. Leurs données ne prennent pas seulement en compte la glace des pôles mais aussi celle des glaciers à l’échelle mondiale.
Selon les chercheurs, depuis les années 1990 la perte annuelle de glace est passée de 800 milliards de tonnes à 1200 milliards. Mais surtout cette perte s’est traduite sur la période par une hausse du niveau global des mers d’environ 3,5 cm. Une tendance qui correspond aux prévisions les plus pessimistes du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), d’après les auteurs de l’article.
«Dans le cas de la glace reposant sur le sol, la fonte se traduit par un apport d’eau douce dans l’océan, ce qui fait augmenter le niveau global des mers, détaille Thomas Slater, un des coauteurs de l’étude. Le cas de la glace de mer (banquise) est un peu plus complexe puisqu’elle s’accroît et fond de manière saisonnière.» Cette dernière représente 56% des fontes mais ne participe pas à l’élévation du niveau des eaux. Pour s’assurer d’aboutir à des données prenant en compte ces variations au niveau des pôles, les auteurs de l’étude ont comparé des données prises en septembre, à la fin de la saison des fontes.
Moins de glace, plus de réchauffement
Le chiffre mis en avant par cette étude correspond donc à une perte définitive. Et même s’il représente une faible quantité par rapport à la masse totale de glace présente sur terre, cette fonte n’en a pas moins des effets importants. Outre l’élévation du niveau des mers, qui pourrait atteindre un mètre d’ici la fin du siècle selon les chercheurs, la disparition des glaciers menace l’approvisionnement en eau de certaines communautés. L’apport d’eau douce dans les océans pourrait aussi avoir un impact sur le climat et la météo dans certaines régions.
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La disparition de la banquise, en plus d’entraîner une diminution de certains habitats, réduit aussi l’albédo de la Terre. C’est-à-dire sa capacité à réfléchir les rayons solaires. «Quand la glace fond, elle laisse place à l’océan, qui est plus sombre et absorbe la chaleur plus rapidement», accélérant la fonte, souligne Thomas Slater. Par ailleurs le phénomène est plus marqué dans l’hémisphère Nord, selon les chercheurs.
Un point de non-retour?
Cet article, en prépublication, doit encore être validé par d’autres scientifiques avant sa publication. Les observations des chercheurs britanniques rejoignent toutefois celles d’autres études récentes sur le sujet. En effet, le 13 août dernier, une autre équipe de scientifiques américains et néerlandais publiait dans Nature un article alertant sur l’état de la calotte glaciaire groenlandaise, qui pourrait avoir atteint un point de non-retour. S’appuyant également sur des données satellitaires, ces derniers observent que le rythme de fonte de cette calotte s’accélère depuis une vingtaine d’années, tandis que les chutes de neige hivernales ne sont plus suffisantes pour permettre un renouvellement de la glace. A terme, cela signifierait donc sa disparition.
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Cette fonte globale s’observe aussi très clairement plus près de nous, sur les glaciers alpins. «La dernière étude sur la région alpine, datant de l’année passée, estime que même si l’on parvient à suivre les Accords de Paris en limitant le réchauffement global à 2°C par rapport à la période préindustrielle, on devrait perdre 60% du volume de glace actuel», rappelle Daniel Farinotti, glaciologue à l’ETH de Zurich. Dans ce scénario optimiste, les glaciers de moyenne altitude seraient condamnés d’ici à la fin du siècle.
Si les scénarios se précisent pour les glaciers de montagne et l’Arctique, des questions se posent encore concernant l’Antarctique, où la structure de la calotte est particulière. «Potentiellement, il y a un mécanisme lié à la topographie sous-glaciaire du continent qui fait que si de la glace disparaît aux marges, certaines parties de la calotte deviennent instables et le recul s’accélère, détaille Daniel Farinotti. Les yeux sont tournés vers l’Antarctique occidental, où il y a suffisamment de glace pour élever le niveau des mers de plusieurs mètres, si elle fondait.» Toutefois, ce processus prendrait des centaines, voire des milliers d’années.