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La Turquie, une région à haute sismicité

Deux séismes ont été enregistrés lundi dans le sud-est du pays, provoquant de nombreuses répliques. Si le bilan est déjà lourd, le risque majeur à long terme porte sur Istanbul, situé sur une faille très active

Le premier séisme survenu lundi matin en Turquie a réveillé une petite faille et provoqué un important tremblement de terre en début d’après-midi. — © D.Delbecq/Le Temps. Source: USGS
Le premier séisme survenu lundi matin en Turquie a réveillé une petite faille et provoqué un important tremblement de terre en début d’après-midi. — © D.Delbecq/Le Temps. Source: USGS

La Turquie a beau être l’une des régions du monde les plus étudiées par les sismologues, les tremblements de terre survenus lundi matin semblent assez inattendus. «La première secousse, puis ses répliques sont survenues sur la faille est-anatolienne qui sépare, au nord, la plaque tectonique anatolienne et, au sud, la plaque arabique, explique Quentin Bletery, chercheur IRD au laboratoire Géoazur, près de Nice, qui travaille notamment sur cette région du monde. Compte tenu des données sur l’état de cette faille, on ne s’attendait pas vraiment à un séisme de cette importance. Les grosses secousses sont plus fréquentes sur la faille située au nord de la plaque anatolienne.»

Le dernier séisme d’importance sur la faille est-anatolienne est en effet survenu au XIXe siècle. «En janvier 2020, il y a certes eu un séisme de magnitude 6,8. Mais cela représente environ 30 fois moins d’énergie que celui survenu en fin de nuit aujourd’hui.» Selon les sismologues, le déplacement des plaques tectoniques au niveau de la faille est-anatolienne est d’environ un centimètre par an. La faille semble lundi s’être déplacée de 900 centimètres. Elle aurait donc libéré de l’énergie accumulée depuis neuf siècles environ.

Quand un séisme en active un autre

Le séisme a été suivi de nombreuses répliques sur la moitié ouest de la faille est-anatolienne, d’une magnitude proche de 5. Mais à 14h24 heure locale (12h24 en Suisse), un violent séisme s’est produit de manière inattendue. D’une magnitude équivalente à celle de lundi matin – entre 7,5 et 7,8 suivant les organismes sismiques –, il correspond à un tremblement de terre à part entière, et non à une simple réplique, dont l’amplitude est généralement plus faible que le séisme primaire. «Celui-ci a vraisemblablement été engendré par le premier, mais il est survenu le long de la faille secondaire qui n’apparaissait pas majeure dans les modèles de déformation, explique Quentin Bletery. Cela montre qu’en dépit d’une étroite surveillance, la sismologie de cette région est encore imparfaitement connue.»

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A mesure que le temps s’écoulait lundi après-midi, un second cortège de répliques sur cette petite faille s’est ajouté aux répliques du séisme nocturne, laissant craindre des dégâts et des victimes supplémentaires. «Les répliques dureront probablement de plusieurs semaines à plusieurs mois, en s’espaçant progressivement dans le temps.» A 16h15 lundi, on ne dénombrait pas moins de 47 secousses depuis la première tôt le matin.

La grande crainte des scientifiques porte également sur le devenir de la faille nord-anatolienne à l’autre bout du pays, beaucoup plus active que celle qui a rompu ce matin. En 1939, un événement de magnitude 7,8 avait frappé son extrémité est, tuant plus de 32 000 personnes. En 1999, la terre a tremblé à Izmit, une ville située à l’ouest de cette faille, à une centaine de kilomètres d’Istanbul, faisant plus de 17 000 victimes. «On observe que les segments de cette grande faille rompent un par un d’est en ouest, laissant craindre que le prochain segment à rompre engendre un séisme de grande ampleur à Istanbul, qui est construite sur l’extrémité ouest de cette faille.» Une ville densément peuplée – plus de 15 millions d’habitants – qui connaîtrait d’immenses dommages en cas de secousse similaire à celle qui s’est produite lundi. Un événement hélas imprévisible.