La Chaux-de-Fonds, capitale de l'horlogerie... et de Mars
exploration
La ville horlogère accueille la 18e Conférence européenne sur Mars. Scientifiques, ingénieurs, passionnés et astronaute débattent des défis à relever pour se rendre sur la Planète Rouge

Ce week-end, les bucoliques paysages des environs de La Chaux de Fonds ont quelque chose de différent. Plus rouges, plus désertiques qu'à l'accoutumée...et pour cause: la capitale de l'horlogerie est également celle de... la planète Mars! Elle accueille au Musée international de l'horlogerie la 18e conférence européenne sur Mars, organisée par la Mars Society Switzerland. Avec une thématique toute trouvée pour la capitale suisse de l'horlogerie: le temps.
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Conférences et débats se tenaient dans l'auditorium du Musée international de l'horlogerie, sous les regards de Ptolémée, Léonard de Vinci, René Descartes ou encore Albert Einstein, tous peints sur une grande fresque. N'y cherchez pas de hippies new age venus communier avec les forces telluriques de Gaïa et de la planète rouge: la Mars Society est un think tank des plus sérieux qui milite pour une exploration de Mars et réfléchit aux moyens scientifiques, techniques et humains d'y parvenir. Sur la petite centaine de participants, on croise plutôt des ingénieurs, des scientifiques, des entrepreneurs et même un astronaute: le Suisse Claude Nicollier, attendu pour une conférence le vendredi soir.
La question des temps
«Il faut réconcilier les temps martiens et terrien», a lancé le président de la Mars Society Switzerland, Pierre Brisson, par ailleurs blogueur sur le site du Temps (le journal donc, pas le temps qui passe, enfin bref). Le mordu d'exploration spatiale a ouvert sa conférence en présentant un joli modèle d'horloge double, fabriquée par l’entreprise Vaucher Manufacture et flanquée entre autres de deux cadrans affichant respectivement l'écoulement du temps sur la Terre et sur Mars.
Mais pourquoi le temps? Notre voisine de planète ne nous réserve pas que des défis liés à l'atmosphère irrespirable, la température parfois glaciale ou l'absence de hamburgers: le temps aussi fait partie des réjouissances avec lesquelles il faudra composer. Tout d'abord parce que les jours y sont plus longs avec un différentiel de 2,75%, soit 39 minutes de plus. On les appelle d'ailleurs non pas des jours, mais des «sols». Les années y sont aussi plus longues et équivalent à 688 jours terrestres.
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De fait, soit l'on conserve les secondes terrestres (la situation actuelle) et l'on se retrouve avec des journées de 24 heures et 39 minutes et de jolis décalages, soit l'on adopte une seconde martienne, légèrement plus longue (2,75%) que la terrienne, mais qui permet de conserver des sols de 24 heures.
Tout cela pose un problème pour les instruments qui ont une horloge embarquée, c'est à dire...à peu près toutes les machines et les robots: systèmes de positionnement, de communication, etc. Seconde martienne ou terrestre, le risque de pagaille technique n'est pas à négliger. «Les commandes données aux robots sont systématiquement placées dans une chronologie temporelle. Sans une synchronisation des montres, impossible d'utiliser le moindre robot» explique Pierre Brisson qui cite le cas du rover américain Curiosity, ce robot qui arpente actuellement les collines martiennes. Les ingénieurs qui le dirigent depuis la Terre doivent composer avec deux montres au poignet, une pour Mars et pour la Terre. Et se retrouvent sérieusement jet-laggés à force d'avancer l'heure de 39 minutes par jour.
Rendez-vous le 12 Sagittaire
Mais ce n'est pas tout. Il y a aussi des problèmes à des échelles de temps plus larges, au niveau des mois et des années. Si l'on veut garder douze mois par an comme sur notre bonne vieille Terre, ça va coincer: douze fois trente jours ne suffisent pas à «remplir» une année martienne. Il est certes possible de décréter que les mois feront soixante jours environ, mais on serait alors presque toujours en décalage avec les mois terrestres.
Les experts débattent encore des solutions à adopter. Certains veulent simplement diviser l'année martienne en 12 ou 24 périodes égales. D'autres préconisent de suivre la nature et les saisons martiennes, «ce qui serait d'ailleurs plus pratique pour étudier la planète», remarque Pierre Brisson qui détaille sur son blog la proposition de Robert Zubrin, fondateur de la Mars Society et qui désire nommer les mois martiens en fonctionne des constellations du zodiaque «au devant desquelles Mars, vue du Soleil, passe en parcourant une orbite complète. Ces noms auraient l’avantage de lier Mars à l’histoire de la Terre et d’être aussi martiens astronomiquement qu’ils sont terriens sur Terre.» Les fans des pages horoscope ou des Chevaliers du zodiaque ont déjà choisi leur camp.