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Et si la clé de la vie sur Mars se trouvait en Espagne?

Pour trouver des organismes sur Mars, une méthode consiste à dénicher des environnements équivalents sur Terre. Un désert espagnol a subi un processus d’assèchement similaire à celui de la planète rouge, ce qui le rend extrêmement intéressant

Le rover Perseverance Mars le 27 septembre 2021, sur Mars. — © HANDOUT / AFP
Le rover Perseverance Mars le 27 septembre 2021, sur Mars. — © HANDOUT / AFP

Au centre de l’Espagne, à une centaine de kilomètres au sud de Madrid, se trouve un paysage aride, désertique et terriblement plat: la Laguna de Tirez. C’est là qu’une équipe de chercheurs espagnols s’est rendue pour une série d’analyses, avec l’espoir de retracer l’histoire du climat de Mars.

Leur étude, parue dans Nature Scientific Reports le 8 février dernier, décrit comment ce paysage espagnol peut être utile pour mieux comprendre Mars. «Tirez est un analogue astrobiologique temporel de Mars, résume le principal auteur, Alberto Fairén, du Centre d’astrobiologie de Torrejon de Ardoz. Ce n’est pas une comparaison à un instant donné, mais plutôt le théâtre d’un processus qui a eu lieu sur la planète rouge.»

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Derrière cette définition complexe se cache en réalité une explication assez simple. Pour étudier Mars, les scientifiques ont souvent recours à des lieux terrestres, nommés analogues, qui rappellent la planète rouge et qui ont l’avantage d’être accessibles. Par exemple, le désert du Nevada, particulièrement aride, est pratique pour étudier comment la vie peut éclore dans ces conditions. L’Antarctique, et ses températures glaciales, est aussi un bon laboratoire pour étudier l’écosystème d’une planète plus éloignée du Soleil.

Mais l’équipe d’Alberto Fairén a cherché un lieu qui a connu une histoire similaire à celle de Mars, ce qui est le cas de Tirez. Dans cette région, la lagune est aujourd’hui complètement asséchée, mais il y a une vingtaine d’années, il y avait un lac qui s’est évaporé. Ce qui a eu lieu sur Mars entre le noachien et l’hespérien, il y a environ 4 milliards d’années.

«Nous pensons que cette transition a eu lieu lorsque Mars a perdu son eau, résume Alberto Fairén. Alors nous voulons savoir s’il y a eu un autre point commun: est-ce que des micro-organismes habitués aux milieux salés et humides ont pu se retrouver dans les sédiments secs?»

A la recherche de vestiges de vie aquatique

L’avantage est que Tirez est largement documentée, avec des prélèvements réguliers réalisés ces vingt-cinq dernières années. Et si l’étude repose sur une hypothèse très hasardeuse, à savoir la présence de vie sur Mars, elle a l’avantage d’apporter un souffle nouveau sur la discipline.

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«C’est intéressant car ce n’est pas du tout la même manière d’utiliser les analogues, considère Axel Noblet, étudiant en planétologie à l’Université Western Ontario, au Canada. Habituellement, nous visons un environnement terrestre qui ressemble à Mars à une époque donnée, mais, eux, ont cherché une transition, ce qui ouvre la porte à de nouvelles possibilités.»

Ainsi, l’équipe de Fairén s’attelle à étudier les biomarqueurs présents dans le lac, les traces de lipides par exemple, qui pourraient représenter les vestiges d’une ancienne vie aquatique. Avec l’espoir, toujours, de pouvoir identifier les mêmes processus sur Mars, notamment avec les échantillons préparés par le rover Perseverance qui ont été prélevés dans un ancien lac asséché. D’après leurs conclusions, les lipides ont une meilleure résistance à l’assèchement, et devraient être les molécules à rechercher en priorité sur Mars pour trouver des vestiges d’une vie passée.

Un concept exportable

«Il y a tout de même quelques limites à prendre en compte, prévient Axel Noblet. Sur Mars, le processus a eu lieu, sur l’échelle géologique, pendant des millions d’années. Ici, c’est une période qui se compte en décennies, ce qui est très différent.» Une nuance qui n’a pas échappé à Alberto Fairén: «Nous tentons de comprendre le phénomène sur quelques années, puis nous le traduisons pour des processus plus longs. C’est un peu le même principe que pour les analogues habituels: il y a toujours des différences avec Mars, mais elles sont prises en compte pour dégager des informations.»

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Une autre limite concerne la qualité des analyses. Les prélèvements datés de 2002 ne sont pas aussi précis que ceux plus récents, la faute à une technologie moins avancée à l’époque. Et comme les conditions ont changé, il est impossible de les refaire à l’identique.

Malgré tout, les chercheurs espèrent bien que ce type d’analyse inspire d’autres études sur des analogues temporels, ailleurs sur la planète. «Maintenant que le concept a été proposé, espère Alberto Fairén, il pourrait y avoir des recherches sur d’autres environnements changeants de la Terre. Notamment ceux dont les transformations sont liées aux bouleversements climatiques.»

Mais en attendant de trouver ces autres lieux, l’équipe guette la Laguna de Tirez et un hypothétique retour de l’eau, ce qui serait une bonne occasion d’observer comment le nouvel écosystème s’adapte face à des conditions plus favorables au développement de la vie.

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