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Les extraterrestres, plus proches que jamais

L’Institut de recherche d’intelligence extraterrestre, le célèbre SETI, planche depuis le mois dernier sur la marche à suivre en cas de détection de vie dans l’espace. Grâce aux récentes avancées technologiques, cette éventualité est en effet hautement probable

«Autour d’une étoile sur cinq gravite une planète aux conditions semblables à la Terre», dit l’astrophysicien Frank Adam. Ici une partie du Petit Nuage de Magellan, à 200 000 années-lumière de la Terre. — © ESA/Hubble & NASA, A. Nota, G. D
«Autour d’une étoile sur cinq gravite une planète aux conditions semblables à la Terre», dit l’astrophysicien Frank Adam. Ici une partie du Petit Nuage de Magellan, à 200 000 années-lumière de la Terre. — © ESA/Hubble & NASA, A. Nota, G. D

Afin de clore une année 2022 lourde de pesanteur terrestre, et pour entamer 2023 les yeux grands ouverts, nous proposons une série d’articles sur l'espace, en sciences comme dans la culture pop. Retrouvez tous nos articles sur les questions spatiales.

Un des films événements de l’année raconte notre relation à des extraterrestres bleus. Et les Terriens sont captivés: deux semaines après sa sortie, la suite du blockbuster de James Cameron, Avatar 2, a déjà engrangé 881 millions de dollars. Un ovni dans l’histoire du cinéma, même si la fiction se passionne pour notre rencontre avec des aliens depuis 1898 et La Guerre des mondes. Un télescopage bien souvent dépeint comme une catastrophe pour la race humaine – vaisseaux lasers explosant le Capitole et autres joyeux Predators.

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Or, ce fameux premier contact ne tient peut-être plus seulement du fantasme hollywoodien: le mois dernier, le SETI, célèbre institut dédié à la recherche de vie intelligente dans l’espace, lançait son Post-Detection Hub. Un centre basé à l’Université de St Andrews, en Ecosse, chargé de répondre à cette question: «Que fera l’humanité après avoir découvert que nous ne sommes pas seuls dans le Cosmos?» Autrement dit, une vingtaine d’experts, venus des quatre coins du globe, ont été chargés de nous préparer à une découverte qui risque de tout changer. A l’aube de 2023, nous n’en serions donc plus si loin?

Les avancées technologiques de ces dernières décennies nous en rapprochent considérablement, confirme John Eliott, chercheur et coordinateur du Post-Detection Hub. «Il n’y a pas si longtemps, nous inventions la radio et aujourd’hui, nous avons le télescope James Webb! Ce qui a changé, c’est que nous sommes désormais capables de détecter d’autres planètes hors de notre système solaire, potentiellement des milliards dans notre seule galaxie. La possibilité d’une vie au-dehors devient dès lors, pour certains, de l’ordre de la certitude. C’est le moment de commencer à nous y préparer. C’est-à-dire de réfléchir à la manière dont nous partagerons la nouvelle avec tout le monde.»

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Les Terriens, ces nombrilistes

«Après 2500 ans à nous écharper sur la question, nous sommes enfin sur le point d’obtenir de vraies données», confirme Adam Frank, astrophysicien et auteur d’un livre sur le sujet (Light of the Stars. Alien Worlds and the Fate of the Earth, 2018). Et il se dit plutôt confiant. «Autour d’une étoile sur cinq gravite une planète aux conditions semblables à la Terre, propices à accueillir la vie. La nature devrait être sacrément biaisée pour que nous en soyons l’unique occurence!» Et si nos bouteilles à la mer, à l’image du disque Voyager envoyé dans l’infini cosmique en 1977, n’ont rencontré qu’un silence radio, on ne peut en tirer aucune conclusion, insiste Adam Frank. «Nous n’avons encore que très peu investi dans les recherches. En imaginant que le ciel est un océan où nous cherchons du poisson, la zone explorée jusque-là équivaut à la taille d’un jacuzzi…»

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Nous imaginer seuls dans l’immensité, ou même dignes d’attention, témoigne d’un manque cruel de modestie, estime Avi Loeb, ancien directeur du département d’astronomie à Harvard et chef du projet Galileo. Lancé l’an dernier, ce programme scientifique est dédié à l’analyse d’objets ayant pénétré notre atmosphère, dans l'espoir d'y découvrir les traces d’une civilisation qui nous aurait précédés. «Notre plus grande erreur est de nous placer au centre de l’Univers, alors que ce dernier a 13 milliards d’années et que notre espèce est née il y a seulement quelques millions d'années. C’est comme arriver à la fin d’une pièce de théâtre: elle ne tourne pas autour de nous. Mieux vaut chercher les autres acteurs!»

Ou leurs vestiges, si ces lointaines civilisations se sont éteintes longtemps avant nous. Dans ce but, estimant les programmes de recherche actuels peu ambitieux, Avi Loeb vient de lancer la Copernicus Space Corporation: une société privée visant à envoyer des milliers de sondes dans l’espace pour y traquer les traces de potentiels voisins.

Microbes ou tripodes

L’intérêt de la communauté scientifique n’est pas en reste, comme l’indique le «Rapport décennal sur les sciences planétaires», publication produite tous les dix ans à la demande de la NASA et définissant les axes prioritaires de la recherche dans le domaine. Publiée en avril dernier, la dernière édition place en tête de file la recherche de vie dans l’espace.

Une vie intelligente, ou simplement microbienne – éventualité statistiquement bien plus probable, rappelle John Eliott. Quant au risque de visiteurs belliqueux à nos portes, il reste extrêmement faible au vu de la taille de l’Univers, rassure le scientifique. «Même si nous détections un signal, les distances sont telles que le voyage jusqu’à nous prendrait une centaine de milliers d’années-lumière – bien au-delà de notre existence!»

Pas de menace urgente, confirme Lewis Dartnell, chercheur en astrobiologie à l'Université de Westminster et auteur de Origines: comment l'histoire de la Terre a façonné l'humanité (2020) – mais des bases à poser. «La préoccupation première devrait être l'établissement d'une forme d'accord international empêchant des individus ou sociétés privées de répondre indépendamment, avant même qu'il ne soit déterminé s'il est sûr de le faire et ce que nous souhaiterions dire en tant que planète.»

Au nouveau Post-Detection Hub de St Andrews, on envisage tous les scénarios en s’attelant à prévoir, pour chacun, des marches à suivre – communication de la découverte à l’ère des réseaux sociaux, mais aussi implications politiques, légales, philosophiques, psychologiques…

Tripodes machiavéliques ou microbes, l’impact de ce premier contact sur l’humanité sera profond, «en termes religieux et philosophiques, sur la manière dont nous pensons ce que nous sommes et ce que nous faisons», estime Adam Frank. Et qui sait, sur le réchauffement climatique. «Nous saurions si d’autres sont passés par là avant nous. De quoi en apprendre plus sur ce défi auquel nous faisons face.»