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A l’EPFL, l’univers à portée de main

Interactive et immersive, l’exposition «Cosmos Archaeology» munit le visiteur de lunettes 3D et autres iPad pour un voyage à des milliards d’années-lumière de la Terre, à travers les mystères du temps et de l’espace

«Space Time Elastic», une installation qui permet d'expérimenter la distorsion de la lumière. — © Courtesy of LASTRO and eM+
«Space Time Elastic», une installation qui permet d'expérimenter la distorsion de la lumière. — © Courtesy of LASTRO and eM+

Afin de clore une année 2022 lourde de pesanteur terrestre, et pour entamer 2023 les yeux grands ouverts, nous proposons une série d’articles sur l'espace, en sciences comme dans la culture pop. Retrouvez tous nos articles sur les questions spatiales.

D’entrée, une image troublante absorbe le regard. Une pelote de filaments fluo vert et jaune enveloppe peu à peu la Terre, telle une gigantesque toile d’araignée. L’installation interactive n’est pas un énième blockbuster apocalyptique mais une histoire bien réelle basée sur les données de la NASA et sur celles d’autres agences spatiales. Elle recense les satellites lancés depuis 1957 dans l’espace et retrace les orbites d’une myriade de débris spatiaux – plus de 130 millions actuellement selon la NASA. Dit ainsi, le chiffre n’évoque peut-être pas grand-chose. L’image de la planète prisonnière de filaments fluo, elle, suscite de l’inquiétude. Tout comme ces bruitages, entre les cris d’un violoncelle enragé et les pleurs d’une ferraille déchirée, qui imitent le fracas que ces épaves produiraient si on pouvait les entendre au-dessus de nos têtes. Histoire de rappeler, de manière stridente, les explorateurs terriens à leurs responsabilités.

«Dark Cloud of Debris», de Theodore Kruczek, met en lumière les orbites des satellites lancés depuis 1957, et les trajectoires d'une myriade de débris spatiaux qui circulent désormais autour de notre planète. — © Courtesy of KeepTrack.space
«Dark Cloud of Debris», de Theodore Kruczek, met en lumière les orbites des satellites lancés depuis 1957, et les trajectoires d'une myriade de débris spatiaux qui circulent désormais autour de notre planète. — © Courtesy of KeepTrack.space

Mettre en images les données abstraites, transformer en expériences sensorielles des concepts astrophysiques complexes: telle est justement la mission de l’exposition Cosmos Archaeology: Explorations in Time and Space, qui se tient jusqu’à début février à l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL). Fruit de deux ans de recherches, entre le laboratoire d’astrophysique LASTRO et le laboratoire de muséologie expérimentale eM+, c’est une tentative inédite – et captivante – de transformer des téraoctets de datas issus de l’exploration du cosmos en installations visuelles, sonores et interactives, et qui rendent l’univers plus proche.

Des sons martiens

On peut y écouter, par exemple, des sons en provenance de Mars, dans une composition imaginaire basée sur les enregistrements du rover Perseverance, ou visiter, comme dans un jeu video, le futur plus grand télescope terrestre, Square Kilometre Array (SKA). On peut encore s’allonger dans un observatoire en miniature, les yeux levés vers le «ciel nocturne», pour y faire défiler une collection d’images des télescopes Hubble et James Webb.

Allongés dans Cosmic Collisions, un dôme immersif conçu par le laboratoire eM+, on peut faire défiler, sur un ciel virtuel, une collection d'images des télescopes Hubble et James Webb. — © Julien Gremaud
Allongés dans Cosmic Collisions, un dôme immersif conçu par le laboratoire eM+, on peut faire défiler, sur un ciel virtuel, une collection d'images des télescopes Hubble et James Webb. — © Julien Gremaud

Voici Messier 53, une poignée de diamants dispersés dans l’obscurité spectrale. Et là, le tourbillon jaune d'un des Piliers de la création, dans la nébuleuse de l’Aigle, une flambée de gaz et de poussières cosmiques. Et encore, en bleu et en rose, le portrait impressionniste d’une galaxie lointaine… Ces tableaux abstraits du cosmos n’ont jamais été si proches d’un observateur terrestre que dans ce dôme immersif conçu par le laboratoire eM+. On pourrait passer une journée – une nuit imaginaire – à les explorer, mais d’autres voyages nous attendent, pas moins saisissants.

Délocalisation spatiale

Avez-vous déjà entendu parler de la théorie de la gravitation et de la déformation de l’espace-temps? Vous allez enfin comprendre de quoi il s’agit. Avec le dispositif de Space Time Elastic, expérimentez la distorsion de la lumière, en vous promenant entre des galaxies avec une lentille qui aurait pu être votre propre trou noir… Effrayant? C’est pour mieux vous préparer à l’expérience suivante.

Dans The Dynamic Universe, on se retrouve notamment face aux grandes structures de l'Univers, une toile cosmique scintillante qui garde la mémoire de la naissance des galaxies. — © Courtesy of eM+/Hadrien Gurnel
Dans The Dynamic Universe, on se retrouve notamment face aux grandes structures de l'Univers, une toile cosmique scintillante qui garde la mémoire de la naissance des galaxies. — © Courtesy of eM+/Hadrien Gurnel

The Dynamic Universe est un modèle immersif de l’univers en trois dimensions, une cartographie ultra-précise créée à partir de données des observatoires terrestres et spatiaux, qu’on visite muni de lunettes 3D. S’il est amusant de se retrouver, tel un astronaute, au-dessus de la Terre, ou de s’approcher, telle une sonde spatiale, de Jupiter et de ses lunes, l’escapade devient de plus en plus vertigineuse à mesure qu’on s’éloigne de la Voie lactée. A des milliards d’années-lumière, nous voilà face aux grandes structures de l’Univers, une toile cosmique scintillante qui garde la mémoire de la naissance des galaxies… Plus loin encore, c'est l'Univers – comme si vous étiez au-dehors de lui – qui se présente à vous. en deux faisceaux de lumière, un papillon étincelant dans la nuit des temps.

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Laissons à chacun le plaisir de découvrir le sentiment de la délocalisation à l’échelle spatiale. Une chose est sûre: après avoir plongé dans l’archéologie du cosmos, on ne regardera plus jamais comme avant le ciel nocturne. Pour revenir sur Terre, deux documentaires racontent des histoires bien humaines. Celle d’Edward Dwight, astronaute afro-américain à qui la NASA n’a jamais permis d’aller dans l’espace malgré ses performances, et qui décidera de tracer sa Voie lactée dans l’art. Et celle de Jocelyn Bell, à l’origine de la découverte des pulsars, que le comité Nobel a ignorée au profit de son directeur de thèse… Une autre récompense réparera l’injustice, un demi-siècle plus tard. D’autres femmes se battront pour conquérir leur place dans l’espace.

Présentation graphique de la capture d'un fragment de Vespa, satellite mis en orbite en 2013, lors de la première mission d'élimination de débris spatiaux, ClearSpace-1. — © ClearSpace / Jamani Caillet / EPFL
Présentation graphique de la capture d'un fragment de Vespa, satellite mis en orbite en 2013, lors de la première mission d'élimination de débris spatiaux, ClearSpace-1. — © ClearSpace / Jamani Caillet / EPFL

Quant à la Terre, elle continue de tourner malgré l’amoncellement d’objets divers alentour. Mais la première mission de nettoyage spatial est prévue pour 2025, avec un robot conçu par une start-up issue de l’EPFL. Et l’image 3D de la planète bleue, de la taille d’un ballon de gym qu’on a envie de prendre dans les bras dans une des installations, fait ressentir encore davantage la fragilité de l’environnement qui a su accueillir et préserver la vie, dans un coin relativement douillet de l’Univers.


«Cosmos Archaeology: Explorations in Time and Space», EPFL Pavilions, Lausanne, jusqu’au 5 février 2023. Entrée libre.