Espace
La NASA a dévoilé mardi après-midi les premiers clichés capturés par le télescope spatial James Webb. Ils révèlent toute la beauté de l’Univers tel qu’il existait peu après sa naissance. Fascinant

Parti découvrir les pans les plus secrets de l’Univers, le télescope James Webb – instrument spatial le plus puissant (et le plus cher) jamais construit – a révélé ses premières images ce mardi 12 juillet. Et la beauté du spectacle valait assurément les années d’attente.
Lancé en décembre, ce petit bijou technologique se trouve désormais à 1,5 million de kilomètres de la Terre. Grâce à son immense miroir principal de 6,5 mètres et ses instruments percevant les signaux infrarouges, James Webb est capable non seulement de sonder l’Univers très ancien, tel qu’il existait peu après sa naissance il y a plus de 13 milliards d’années, et ce même à travers les nuages de poussière, mais aussi de scruter les exoplanètes en détectant des signatures moléculaires de méthane, d’ammoniac et d’autres composants organiques possiblement présents dans l’atmosphère de ces dernières. Tout cela beaucoup plus rapidement que n’en étaient capables les télescopes précédents, comme Hubble.
Les premières images dévoilées ont été sélectionnées par un comité international composé de représentants de la NASA, de l’Agence spatiale européenne (ESA), de l’Agence spatiale canadienne et du Space Telescope Science Institute.
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SMACS 0723
SMACS 0723 est la toute première image révélée mardi, dans la nuit, du télescope spatial James Webb. Elle montre l’amas de galaxies SMACS 0723 tel qu’il est apparu il y a 4,6 milliards d’années. «Il s’agit de l’image infrarouge la plus profonde et la plus claire jamais prise de l’Univers lointain jusqu’ici», selon la NASA. Cette dernière a été prise en un temps d’observation de 12,5 heures et on peut y observer des milliers de galaxies, dont la forme ou la couleur varient. Certaines sont de teinte orange, d’autres sont blanches. La plupart des étoiles sont bleues et sont parfois aussi grandes que les galaxies plus lointaines qui apparaissent à côté d’elles.
On peut voir une étoile très brillante à la gauche du centre de l’image. Entre ses pointes situées entre 4 et 6 heures se trouvent plusieurs galaxies très brillantes faisant partie de l’amas SMAC 0723. Si certaines galaxies semblent courbées, c’est parce que la masse combinée des amas de galaxies d’avant-plan agit comme une «lentille gravitationnelle» et courbe les rayons lumineux des galaxies plus éloignées derrière elle, en les agrandissant.
Cette tranche de l’Univers couvre un pan du ciel dont la taille correspond approximativement à celle d’un grain de sable qui serait tenu à bout de bras par une personne au sol.
La nébuleuse de la Carène
La nébuleuse de la Carène, appelée aussi NGC 3372, a été découverte par l’astronome français Nicolas-Louis de Lacaille en 1752 depuis le cap de Bonne-Espérance en Afrique du Sud. Il s’agit d’une des nébuleuses les plus grandes (elle se déploie sur un peu plus de 300 années-lumière) et les plus brillantes du ciel, située à environ 7600 années-lumière dans la constellation australe de la Carène.
Ce qui ressemble à des montagnes escarpées par un soir de lune est en fait le bord d’une jeune région de formation d’étoile, NGC3324, dans la nébuleuse de la Carène, appelée «falaises cosmiques». La zone caverneuse a été creusée dans la nébuleuse par le rayonnement ultraviolet intense et les vents stellaires provenant de jeunes étoiles extrêmement massives et chaudes. Le rayonnement à haute énergie de ces étoiles sculpte la paroi de la nébuleuse en l’érodant lentement.
Les nébuleuses sont des pépinières stellaires où se forment les étoiles. La nébuleuse de la Carène abrite au moins une douzaine d’étoiles brillantes dont la masse est estimée à 50 à 100 fois celle de notre Soleil.
La nébuleuse de l’anneau austral
La nébuleuse de l’anneau austral, appelée aussi nébuleuse des «huit éclats» ou NGC 3132, est une nébuleuse planétaire, à savoir un nuage de gaz en expansion entourant une étoile mourante. Sa taille est estimée à près d’une demi-année-lumière de diamètre et elle est située à environ 2000 années-lumière de la Terre. C’est l’une des nébuleuses planétaires connues les plus proches.
Le nom de «nébuleuse planétaire» fait uniquement référence à la forme ronde que beaucoup de ces objets présentent lorsqu’ils sont examinés dans un petit télescope. En réalité, comme le rappelle la NASA, «ces nébuleuses n’ont rien à voir avec des planètes, mais sont plutôt d’énormes coquilles de gaz éjectées par les étoiles à la fin de leur vie». Ces gaz s’éloignent à une vitesse de 10 km par seconde.
«Ce que l’on est en train de voir, c’est le magnifique spectacle de la fin de vie d’une étoile, analyse Pierre Ferruit, responsable scientifique de la contribution de l’Agence spatiale européenne au télescope spatial James Webb. A la fin de sa vie, une étoile fait des pulsations, et à chaque pulsation cette dernière perd une partie de sa matière. Ce que l’on voit au centre est une naine blanche, une étoile très petite et très chaude et qui émet des rayonnements très énergétiques. La couleur bleue représente les zones excitées par le rayonnement énergétique et le rouge le gaz éjecté par l’étoile centrale.»
WASP-96b
WASP-96b est une planète géante située en dehors de notre système solaire, à près de 1150 années-lumière de la Terre dans la constellation du Phénix, dont la découverte remonte à 2014. Composée principalement de gaz, elle tourne autour de son étoile tous les 3,4 jours.
James Webb n’a pas capturé d’image directe de la planète ou de son atmosphère, il s’agit ici d’une image indirecte du spectre de l’exoplanète en transit devant son étoile. Néanmoins elle permet de mettre en avant la présence de vapeur d’eau dans l’atmosphère de WASP-96b.
WASP-96b est environ 20% plus grande que Jupiter mais sa masse est moitié moindre, se rapprochant plutôt de celle de Saturne. Cette dernière étant toutefois beaucoup plus proche de son étoile hôte que Saturne ne l’est du Soleil, sa température est étouffante, ce qui lui vaut d’être classée dans la catégorie des «Saturnes chaudes».
En 2018, une équipe de recherche de l’Université d’Exeter (Royaume-Uni) avait démontré, en étudiant la composition de WASP-96b, que cette dernière était composée de sodium et que son atmosphère était claire et sans nuage. Les données fournies par le télescope spatial James Webb ont toutefois révélé des détails de l’atmosphère de cette exoplanète encore cachés: la signature sans ambiguïté de l’eau, des indications de brume et des preuves de l’existence de nuages que l’on pensait donc inexistants d’après les observations précédentes.
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Le Quintette de Stephan
Situé à environ 290 millions d’années-lumière, le Quintette de Stephan se trouve dans la constellation de Pégase. Il s’agit du premier groupe de galaxies compactes jamais découvert, situé à environ 340 millions d’années-lumière de la Voie lactée.
Le Quintette de Stephan a été observé pour la première fois par l’astronome français Edouard Stephan, en 1878, depuis l’Observatoire de Marseille. Celui-ci fut alors catalogué comme un agrégat de nébuleuses, alors qu’il s’agit en réalité de galaxies constituées de milliards d’étoiles. Seules quatre des cinq galaxies sont situées dans une même région de l’espace et montrent des signes d’interactions gravitationnelles. On voit des filaments de gaz et d’étoiles qui s’en échappent, ce qui est la preuve des forces d’attraction en jeu.
«Les galaxies que l’on voit à droite de l’image sont suffisamment proches pour être en interaction, explique Pierre Ferruit. Il s’agit d’une sorte de danse cosmique dans laquelle les galaxies sont en train d’interagir.» En bas à droite semblent apparaître deux yeux et un sourire, «ce sont les noyaux de deux galaxies en train de fusionner», détaille ce dernier.
Par ailleurs, la galaxie la plus élevée du Quintette de Stephan – NGC 7319 – abrite un trou noir super-massif dont la masse est 24 millions de fois celle du Soleil. Il capte et agglomère de la matière activement sous l’effet de la gravitation et émet une énergie lumineuse équivalente à 40 milliards de soleils.