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Cette mésaventure, si elle se termine bien, soulève tout de même quelques questions sur la sécurité des satellites en orbite autour de la Terre. «Ces risques sont de plus en plus fréquents, assure Jean-Paul Kneib, directeur du Centre spatial (eSpace) de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL). Une fois par mois désormais, la Station spatiale internationale doit manœuvrer pour éviter le pire.» Une situation compliquée qui n’est pas près de s’améliorer tant les satellites sont chaque jour plus nombreux, tout comme les débris, et qu’aucune solution immédiate ne paraît envisageable pour réduire ce nombre.
L’IA à la rescousse
Pour certains, le salut pourrait venir de l’intelligence artificielle. A la fin 2019, l’ESA avait annoncé le développement d’un système permettant aux satellites de détecter seuls le risque de collision et d’agir en conséquence. Deux ans plus tard, lors de la conférence européenne sur les débris spatiaux, l’agence assure que leurs résultats sont positifs et que dans leurs tests, les satellites sont capables de prendre la bonne décision face au risque. Le directeur des opérations Rolf Densing avait alors déclaré: «Nos résultats ne sont pas parfaits, mais dans de nombreux cas, l’intelligence artificielle a su identifier correctement les cas où il fallait agir.» Pour l’instant, leur rôle se limite à envoyer une alerte pour que les équipes au sol pratiquent la manœuvre, mais l’idée est de les passer en 100% automatique.
«Au niveau des calculs des ordinateurs, c’est quelque chose qui reste dans nos cordes, précise Jean-Paul Kneib. Mais le principal obstacle, c’est au niveau des catalogues.» Si le but est de laisser aux ordinateurs la lourde et coûteuse tâche d’éviter les débris, il faut en effet leur donner toutes les données nécessaires. Or, ces données ne sont que parcellaires. Il existe bien des catalogues des débris spatiaux mais ils ne sont pas complets. Certains débris trop petits pour être repérés n’en restent pas moins dangereux. Des satellites militaires sont également invisibles pour des raisons de sécurité.
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Avec ces contraintes, passer en tout automatique devient compliqué selon Jean-Paul Kneib: «Sans catalogue complet, nous ne pouvons pas être sûrs que la manœuvre n’entraîne pas de nouveaux risques. En plus, le catalogue doit être dynamique et prendre en compte les changements d’altitudes des débris, ce qui est très difficile à mettre en place.»
Camion poubelle de l’espace
Pourtant, le temps presse. Actuellement, chaque mission spatiale consacre 5 à 10% de son budget à éviter les débris selon l’OCDE. Et si les risques augmentent, les coûts aussi. Ces manœuvres demandent du carburant, et plus le risque est visible tard, plus le changement de trajectoire doit être important. Sans compter la nécessité d’avoir des équipes consacrées à la surveillance 24h/24. «Dans l’idéal, il faudrait qu’une intelligence artificielle nous informe sur le risque de collision une à deux semaines avant l’impact, considère Jean-Paul Kneib. Cela laisse le temps pour changer à peine la trajectoire sans utiliser beaucoup d’énergie. Il faut minimiser le nombre d’opérations mais cela demande une grande confiance en l’ordinateur.»
L’autre solution serait de réduire le nombre de déchets, et là aussi l’intelligence artificielle apparaît comme une solution. La start-up suisse ClearSpace prépare actuellement un «camion poubelle spatial» censé remorquer un débris en orbite pour le ramener dans l’atmosphère terrestre où il brûlera lors de sa chute. Et c’est un ordinateur qui gère l’approche! Une manœuvre compliquée puisque le débris en question tourne sur lui-même et se déplace. Le projet est prometteur mais ne réduit pas le risque à court terme. «Si nous voulons exploiter l’orbite terrestre, il faut vite trouver une solution, soutient Jean-Paul Kneib. Nos satellites ne sont pas faits pour changer de route en permanence.»
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