«La mission est perdue», a déploré Stéphane Israël, le président d’Arianespace, société chargée de l’exploitation et de la commercialisation des lanceurs européens. «Environ 2 minutes et 27 secondes après le décollage, une anomalie s’est produite sur le Zefiro 40», le deuxième étage du lanceur, «mettant ainsi fin à la mission Vega-C», a précisé la société dans un communiqué. «Des analyses de données sont en cours pour déterminer les raisons de cet échec», a ajouté Arianespace. Un point presse est prévu mercredi à Kourou, à 12h locales (16h GMT).
Satellites assurés
Si la multiplication du nombre de lancements spatiaux ces dernières années, sous l’impulsion notamment de l’américain SpaceX, a tendance à banaliser l’exercice, l’échec européen rappelle la complexité de cette entreprise. «Tellement désolé d’apprendre ça. Les petits lanceurs, c’est bien plus compliqué que ce que la plupart des gens pensent», a tweeté Peter Beck, patron du mini-lanceur Rocket Lab.
Vega-C devait placer en orbite deux satellites d’observation de la Terre d’Airbus, Pléiades Neo 5 et 6, permettant d’imager n’importe quel point du globe plusieurs fois par jour avec une résolution de 30 cm. C’est aussi un coup dur pour le géant européen, qui a développé sur fonds propres ce programme, dont les services sont vendus tant aux entreprises qu’aux militaires. Les satellites apportant des revenus commerciaux sont généralement assurés. Sollicité par l’AFP, Airbus n’a pas fait de commentaires.
Initialement prévu le 24 novembre, ce vol avait été repoussé d’un mois en raison d’un élément défectueux «lié à la coiffe», a précisé à l’AFP Stéphane Israël. Sans rapport a priori donc avec l’échec de cette nuit. Il s’agissait du premier vol commercial de Vega-C après son tir de qualification le 13 juillet.
Avio dans la tourmente
Capable de mettre 2,2 tonnes sur une orbite polaire de référence, Vega-C est présentée comme la petite soeur d’Ariane 6, dont elle utilise des éléments communs pour permettre à l’Europe d’être plus compétitive dans un marché en pleine expansion. Quelque 24.500 satellites devraient être lancés d’ici 2031, près de cinq fois plus qu’au cours de la décennie écoulée, selon le cabinet spécialisé Euroconsult.
Vega-C - C pour «consolidation» selon son maître d’oeuvre industriel, l’Italien Avio - est une version améliorée du lanceur léger Vega, qui a connu deux échecs en 20 lancements depuis 2012. Le cours de Bourse d’Avio plongeait de 9,45% peu après 10H00. L’étage Zefiro 40, en cause dans l’échec du lancement, a été spécifiquement mis au point pour Vega-C, contrairement à d’autres parties du lanceur, communes avec Ariane 6 (l’étage principal P120C) ou avec Vega.
Un déboire de plus
Pour l’Agence spatiale européenne (ESA), responsable des programmes de lanceurs européens, c’est un déboire de plus. Il ne reste plus que deux Ariane 5 à lancer et le report à fin 2023 du vol inaugural d’Ariane 6, initialement prévu pour 2020, prive les Européens d’accès à l’orbite géostationnaire, à 36 000 kilomètres d’altitude, et de la capacité d’envoyer les charges les plus lourdes dans l’espace.
Et faute d’accès au lanceur moyen Soyouz, dont Arianespace commercialisait les missions pour le compte de clients internationaux jusqu’en février, l’ESA a ainsi été contrainte de se tourner vers SpaceX pour lancer deux missions scientifiques. Vega-C doit assurer une partie des missions auparavant dévolues à Soyouz. Douze lancements sont prévus dans son carnet de commandes, ainsi que deux lancements de Vega, la précédente version.