Bref, 2022 fut une année compliquée qui a conduit à l’abandon ou au report de nombreuses missions. Parmi elles, Euclid était prévue pour 2023. Mais le télescope traqueur de matière noire devait partir avec un Soyouz et se retrouve seul. Malgré tout, même dans ce calendrier incertain, il y a des choses à espérer, avec des missions spatiales très attendues.
Juice, cap sur Jupiter
Pour 2023, la star est européenne, et elle s’appelle Juice. Cette sonde de l’ESA (Agence spatiale européenne) annoncée depuis plus de dix ans devrait enfin décoller dans l’année en direction de Jupiter et de ses satellites. Jupiter Icy Moons Explorer a prévu de survoler Callisto, Europe et Io, avant de se placer en orbite autour de Ganymède. Son but: analyser ces différents astres mais, aussi et surtout, identifier des environnements favorables au développement de la vie.
Car aussi contre-intuitif que cela puisse paraître, ces lunes jupitériennes complètement glacées pourraient être des mondes habitables, en tout cas sous leur croûte où se cacherait un vaste océan. L’idée est que la glace constitue un isolant thermique, permettant à l’eau de rester liquide, tout en étant chauffée par les mouvements du noyau, ce qui coche toutes les cases d’un environnement accueillant pour des êtres vivants.
Juice est équipée de plusieurs spectromètres chargés de scruter en détail les caractéristiques de l’atmosphère de Jupiter, ainsi que de la glace et de l’eau présente dans les différents satellites.
L’arrivée est prévue pour 2030, et la sonde passera normalement trois ans à voyager entre les différentes lunes avant de s’installer définitivement autour de Ganymède, celle qui est la plus prometteuse en ce qui concerne la recherche de vie extraterrestre.
Des astéroïdes qui jouent du roc et du métal
L'année 2022 fut marquée par la mission DART qui est allée percuter un astéroïde dans le but de le faire dévier. Et si 2023 s’annonce tout de même un peu moins spectaculaire, des missions scientifiques extrêmement intéressantes sont programmées. En premier lieu, il faudra guetter le ciel de l’Utah en septembre, puisque c’est à ce moment-là que doit revenir la sonde Osiris-Rex avec des échantillons récupérés sur l’astéroïde Bénou en 2020.
Cela n’est pas totalement inédit car une sonde japonaise, Hayabusa 2, a déjà ramené des fragments d’un autre astéroïde, mais les deux corps sont très différents. Bénou a la particularité de faire partie d’une classe d’astéroïdes extrêmement primitive, c’est-à-dire qu’il n’a subi que très peu de modifications depuis la création du système solaire, ce qui en fait une parfaite vitrine du passé.
L’observation de ses échantillons sera donc capitale pour en savoir plus sur l’histoire de notre planète et de celles qui nous entourent. Mais pas seulement: il y a aussi une dimension liée à la défense planétaire. «Savoir comment sont constitués les astéroïdes est capital, assure Raoul Behrend, astrophysicien à l’Observatoire de Genève. C’est lorsque nous connaissons la structure ou encore la taille des grains de roches que nous pouvons savoir comment dévier un tel corps ou le faire éclater si jamais il représentait une menace pour la Terre.» Dans le cas de Bénou, ces informations sont particulièrement intéressantes car des astéroïdes similaires ont tendance à passer près de la Terre, même si les risques de choc sont extrêmement limités.
Mais d’autres astéroïdes sont très différents, comme (16) Psyché. Cet objet massif de 200 kilomètres de diamètre est original car il serait essentiellement composé de métal. Une sonde de la NASA doit décoller d’ici quelques mois pour aller voir ça de plus près. Baptisée tout simplement «Psyché», cette mission est censée arriver autour de l’astéroïde en 2026 pour étudier sa structure et savoir comment un objet aussi étrange a pu se former. «C’est le type de composition qui se retrouve dans le noyau terrestre, résume Raoul Behrend. Mais il devrait y avoir des couches autour, une croûte comme pour une planète. Alors pourquoi (16) Psyché a perdu sa croûte? Nous l’ignorons et nous aimerions le savoir.»
Cela dit, il reste des incertitudes autour de la composition exacte de ce drôle de corps. Les premières observations donnaient l’impression qu’il était uniquement fait de métal, mais d’autres analyses estiment que la part réelle de métal serait en réalité autour des 60% maximum. Quoi qu’il en soit, l’astéroïde attise la curiosité et cette mission reste très attendue.
Foule sur la Lune
Après Artemis I et avant Artemis II, de nombreuses missions venues de toute la planète vont se diriger vers la Lune. Toujours pas d’humains, mais notre satellite devrait voir un peu de circulation sur sa surface et en orbite. Commençons par la sonde coréenne Danuri, qui est partie en août 2022 mais dont le début de la phase scientifique doit démarrer en février 2023.
Elle sera rejointe par SLIM, une sonde japonaise avec un atterrisseur, qui doit analyser les roches lunaires mais aussi améliorer la technologie pour atterrir en sécurité à la surface.
Sans oublier l’Inde qui veut rebondir après l’échec de Chandrayaan-2, perdu à quelques centaines de mètres du sol. Chandrayaan-3 est semblable en tous points mais avec l’espoir d’y arriver cette fois!
«Atterrir sur la Lune est toujours très difficile, prévient Bérangère Houdou, responsable à la division Human and Robotics Exploration de l’ESA. Envoyer quelque chose dans l’espace, c’est déjà une œuvre d’art en soi, mais il faut aussi prendre en compte la complexité de l’atterrissage, sans oublier la survie des instruments à la surface.»
Côté NASA, c’est le programme Commercial Lunar Payload Services qui est à l’honneur en 2023. L’agence spatiale américaine fait appel à des compagnies privées pour apporter du matériel sur la Lune. Avec la mission Prime-1, Intuitive Machines apportera un atterrisseur de deux tonnes nommé «Nova-C» ainsi que plusieurs instruments, constituant une expérience pour miner de la glace et espérer récupérer de l’eau sur la Lune.
Dans le même esprit, Peregrine, développé par Astrobiotic Technology, arrivera chargé d’une centaine de kilos d’instruments allant d’un laser à un système de navigation, en passant par des spectromètres et des engins de mesure du champ magnétique.
«Il y a un intérêt commercial, évidemment, mais aussi un aspect scientifique, précise Bérangère Houdou. Malgré les nombreuses missions, nous connaissons très mal la Lune, et surtout ses pôles qui attirent des éléments volatils et de l’eau, ce qui peut être très utile si nous voulons maintenir une présence humaine.»
Pour conclure, il reste une échéance pour 2023, mais elle est très incertaine: il s’agit de la mise à feu d’Ariane 6. Le lanceur européen annoncé pour fin 2020 subit toujours des retards. Le temps presse car Ariane 5 montre des signes de fatigue et doit pratiquer encore deux lancements (dont Juice) avant de partir à la retraite. En attendant la relève, les lanceurs italiens Vega C pourraient faire l’affaire pour envoyer des satellites, mais du sang neuf ferait du bien!