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Vu de la Terre, des étoiles plein les yeux

Hiver et altitude sont souvent propices à la découverte du ciel. Comment s’initier et progresser dans l’observation de la voûte étoilée? Quelques réponses avec la complicité d’Eric Achkar, président de la Société astronomique de Genève

Une protoétoile au cœur de la nébuleuse L1527, dans la constellation du Taureau, à plus de 400 années-lumière de la Terre. — © NASA, ESA, CSA, STScI, Joseph DePasquale (STScI), Alyssa Pagan (STScI), Anton M. Koekemoer (STScI) via AP
Une protoétoile au cœur de la nébuleuse L1527, dans la constellation du Taureau, à plus de 400 années-lumière de la Terre. — © NASA, ESA, CSA, STScI, Joseph DePasquale (STScI), Alyssa Pagan (STScI), Anton M. Koekemoer (STScI) via AP

Afin de clore une année 2022 lourde de pesanteur terrestre, et pour entamer 2023 les yeux grands ouverts, nous proposons une série d’articles sur l'espace, en sciences comme dans la culture pop.

Retrouvez  tous nos articles sur les questions spatiales.

Découvrir les cratères de la Lune, les anneaux de Saturne, déceler la fragile lueur de la Voie lactée ou capter la traînée fugace d’une étoile filante… Quand les nuits s’étoilent, le regard se tourne vers le cosmos, en quête d’émerveillement. Une trentaine de minutes pour s’accoutumer à la noirceur de la nuit, et le spectacle commence. Ici la Grande Ourse et sa forme en casserole, là Cassiopée, sans oublier l’étoile Polaire, qui scintille à une extrémité de la Petite Ourse. On en prend plein les mirettes, tout en se remémorant les éblouissantes images des grands instruments scientifiques, à l’image des premières lumières collectées par le télescope James Webb, désormais hissé à environ 1,5 million de kilomètres de nous.

«Le lancement du James Webb et ses premières images ont créé un vrai engouement.» Eric Achkar sait de quoi il parle, puisque cet ingénieur en aéronautique pilote la Société astronomique de Genève (SAG). Fondée en 1923 dans le sillage des efforts de vulgarisation de Camille Flammarion, la SAG rassemble aujourd’hui 160 passionnés d’astronomie. Avec le biologiste Pascal Moeschler, ancien conservateur du Muséum d’histoire naturelle de Genève, Eric Achkar a lancé l’opération La Nuit est belle, qui consiste à éteindre ou réduire l’éclairage urbain, une nuit par an. Pour la 3e édition, le 23 septembre dernier, 187 communes suisses et françaises du Grand Genève y ont participé, rejointes par une cinquantaine d’autres, notamment autour de Morbier, Chamonix et Lyon. Au total, 2000 kilomètres carrés de territoires ont retrouvé de la noirceur le temps d’une nuit. «Un membre de notre association, qui est facteur, a vu passer depuis de nombreux colis de lunettes astronomiques et de télescopes, un signe que le public se prend au jeu.»

Ne pas brûler les étapes

Justement, comment passer d’une simple observation à la découverte active? Doit-on se précipiter sur des instruments parfois coûteux? «Surtout pas, répond Eric Achkar. Il ne faut pas brûler les étapes et commencer par apprendre à repérer les planètes et les constellations. Sinon le matériel finira au grenier.» Une carte mobile, comme celle éditée par Stelvision, et une petite boussole permettent ainsi de s’orienter dans le ciel de nos contrées, quelles que soient la date et l’heure.

Dans un second temps, Eric Achkar suggère une paire de jumelles, qui offre une vision stéréoscopique, puisqu’elle sollicite nos deux yeux. «De plus, elle servira aussi le jour!» Il conseille un modèle de type 7x50. Comprendre un grossissement de 7 et un diamètre d’objectif de 50 mm. «Elles sont légères et lumineuses. Il faut choisir des jumelles de bonne qualité optique et dotées d’un pas de vis pour les installer si besoin sur un pied photo. On en trouve de très correctes entre 200 et 300 francs.»

Une partie de la nébuleuse Westerhout 5, à environ 7000 années-lumière de la Terre, photographiée par le télescope Hubble. — © ESA/Hubble & NASA, R. Sahai
Une partie de la nébuleuse Westerhout 5, à environ 7000 années-lumière de la Terre, photographiée par le télescope Hubble. — © ESA/Hubble & NASA, R. Sahai

Que peut-on voir, muni d’un tel instrument? «Il y a bien sûr la Lune et ses cratères. Les reliefs sont splendides, notamment à la limite entre ombre et lumière quand on regarde juste après le coucher du soleil, lors du premier quartier.» A la pleine lune, la lumière écrase les reliefs. «On peut aussi regarder l’amas des Pléiades, la nuit en hiver. A l’œil, on aperçoit sept ou huit étoiles. Avec des jumelles, on en observe des dizaines. Dans un ciel vraiment noir, comme dans le Jura ou en montagne, on apercevra le nuage laiteux de la galaxie d’Andromède ou le double amas Persée-Cassiopée. Dans la Grande Ourse, les jumelles révèlent que l’une des étoiles, la troisième du «manche de casserole», est double.» En revanche, voir les anneaux de Saturne exige un grossissement d’au moins 30 à 50, et donc un instrument conséquent.

La monture équatoriale, clé de la photo

Ce n’est qu’après avoir exploré le ciel à la jumelle qu’on peut envisager l’achat d’une lunette astronomique (deux lentilles) ou d’un petit télescope (un double miroir et une lentille). Tous deux révèlent d’autant plus de détails que leur diamètre est important, puisque ce sont des entonnoirs à lumière! Il existe deux types de montures pour ces instruments. La première, dite «azimutale», s’appuie sur deux axes de rotation, l’un horizontal (azimut) et l’autre vertical (hauteur). Une fois pointé sur l’objet, il faut constamment jouer sur ces deux réglages pour maintenir l’astre dans le champ de vision. «Jusqu’à un grossissement de 40, c’est tout à fait gérable, au-delà, cela devient gênant. Mais l’avantage de ces lunettes azimutales est qu’elles sont aussi utilisables le jour pour observer la nature.» Il faut compter 200 à 300 francs pour une petite lunette, et 1000 francs pour avoir un meilleur grossissement et une meilleure qualité mécanique.

La monture équatoriale, elle, simplifie la poursuite des astres, une fois l’instrument correctement calibré pour placer son premier axe parallèlement au plan de l’écliptique, celui qui englobe l’orbite terrestre autour du Soleil. Dès lors, pour suivre sa cible, un seul réglage suffit, lequel peut être aisément motorisé. Dans ce cas, la région observée reste parfaitement stable dans le champ de vision, une condition nécessaire pour l’astrophotographie, qui demande de longs temps de pose.

«Il ne faut pas hésiter à se faire aider à chaque étape, rappelle Eric Achkar. On apprend beaucoup plus vite à connaître le ciel avec un connaisseur. De même pour choisir une lunette ou un télescope, apprivoiser les réglages, découvrir les capteurs d’image ou les logiciels. C’est à cela que servent les associations comme la nôtre: partager et diffuser ce savoir, nos lectures, nos compétences, pour permettre au plus grand nombre de prendre du plaisir à observer le ciel qui se dévoile chaque nuit.»