Floraison précoce dans les vergers
agronomie
Sous l’effet des hautes températures, les bourgeons enflent dans les vergers. Avec des risques de pertes en cas de gel tardif

Floraison précoce dans les vergers
Agronomie Sous l’effet des hautes températures, les bourgeons des arbres fruitiers enflent déjà, avec des risquesde pertes en casde retour du froid
Un phénomène de plus en plus fréquent avec les changements climatiques
Il y a comme un air de printemps ces jours-ci en Suisse. Sous l’effet de températures très douces pour la saison, les oiseaux gazouillent déjà, les primevères pointent le bout de leurs fleurs et les êtres humains retrouvent le sourire. Quant aux arbres fruitiers, ils s’empressent de bourgeonner. Ce qui n’est pas sans risque, car un coup de froid peut encore survenir et leur être fatal. Les arboriculteurs ont heureusement des parades pour protéger leurs vergers. L’adaptation est nécessaire, car les changements climatiques s’accompagnent de floraisons de plus en plus précoces.
«La floraison des abricotiers est très en avance cette année, indique Danilo Christen, spécialiste de l’arboriculture à l’institut de recherche agronomique Agroscope, à Conthey. Les bourgeons sont à un stade de développement qu’ils n’atteignent normalement qu’un mois plus tard!» Même son de cloche dans le Jura: «Les vergers de damassines sont déjà en plein bourgeonnement», témoigne Victor Egger, responsable de la station d’arboriculture de la Fondation rurale interjurassienne, à Courtemelon.
L’éclosion des bourgeons au printemps, ou débourrement, est causée par l’allongement de la durée du jour et par la montée des températures. Or, ces dernières ont été exceptionnellement clémentes ces dernières semaines, et le froid n’est toujours pas prévu d’ici à la fin du mois. MétéoSuisse estime d’ores et déjà que cet hiver aura été le troisième plus chaud depuis le début des mesures, il y a 150 ans. Le bourgeonnement précoce des fruitiers est aussi lié aux conditions météorologiques de l’automne dernier. «Les températures étaient très basses en novembre et en décembre, si bien que les arbres ont accumulé une quantité de froid suffisante pour être déjà prêts à fleurir», précise Danilo Christen.
Un épisode de froid qui surviendrait dans les semaines à venir serait problématique. Si les fruitiers supportent bien les basses températures durant leur éveil, ils deviennent beaucoup plus sensibles lorsqu’ils commencent à fleurir. Les fleurs elles-mêmes peuvent geler et, par conséquent, ne jamais se transformer en fruits. «Le stade le plus sensible à cet égard est celui de la nouaison, la toute première phase de développement du fruit après la fécondation», déclare Victor Egger. Par ailleurs, avec le redoux actuel, la sève s’est remise à circuler dans les arbres. Or, en cas de forte chute des températures, elle peut geler et faire exploser les troncs. «Nous avons eu de gros dégâts de ce type sur les pruniers en février 2012», relate Victor Egger.
Diverses techniques sont employées pour protéger les fruitiers du gel printanier. L’une d’elles consiste à asperger les arbres d’eau, afin de profiter de l’apport de calories fourni par la transformation de l’eau en glace et de former un fourreau protecteur autour des bourgeons. Des bougies peuvent également être disposées entre les arbres afin de réchauffer l’air ambiant, d’après l’expert d’Agroscope.
Enfin, certains arboriculteurs utilisent des appareils qui réchauffent et brassent l’air. «En cas de grand froid, il est parfois nécessaire de circuler toute la nuit dans les vergers à bord de tracteurs équipés de ce type d’appareils», raconte Danilo Christen. Avec ces solutions, les arboriculteurs devraient toutefois être à même de maintenir leur récolte, même en cas de gel tardif, d’après le chercheur de l’Agroscope. Mais la situation entraîne pour eux un important surcroît de travail.
Il faudra pourtant s’y habituer: avec le réchauffement climatique, la floraison des arbres se produit de plus en plus tôt. «Les études que nous avons menées sur les pommiers près de Zurich montrent que leur date de floraison avance, en moyenne, de trois jours par décennie depuis les années 1960», rapporte Sibylle Stöckli, de l’institut de recherche de l’agriculture biologique FiBL, à Frick. Une observation confirmée par Danilo Christen: «Même s’il peut y avoir de fortes variations d’une année à l’autre, la tendance est à l’avancement de la floraison des arbres fruitiers.»
Outre le risque de gelées tardives, cette précocité pourrait aussi entraîner une baisse de la qualité des fruits, si ceux-ci se développent trop rapidement, d’après Sibylle Stöckli. Enfin, l’accroissement des températures favorise les parasites des cultures, qui risquent de proliférer. «D’après nos recherches, un insecte comme la carpocapse, dont la larve est le ver qu’on trouve dans les pommes, pourrait dans le futur produire davantage de générations par année», mentionne la scientifique du FiBL. Autant de défis à relever pour maintenir de bonnes récoltes de fruits dans un climat changeant.
En cas de forte chute des températures,la sève peut gelerdans les arbres et faire exploser les troncs