médecine
L’acide hyaluronique connaît un vif succès comme traitement anti-âge. Visite d’un centre de production situé en France voisine

Avec ses bâtiments d’entreprise et ses parkings, la zone artisanale de Pringy, près d’Annecy, n’a rien de glamour. Pourtant, derrière la porte de la société Allergan, on découvre une hôtesse d’accueil avenante, une moquette lilas et des portraits de femmes au teint radieux. L’entreprise américaine fabrique ici des gels d’acide hyaluronique, un produit de comblement des rides au succès grandissant. Elle a convié plusieurs médias, dont Le Temps, à visiter son usine.
C’est la directrice du site, la Québécoise Claudie Allaire, qui accueille les journalistes. Visiblement fière de son usine, qui emploie 200 personnes, elle explique que 5 millions de seringues d’acide hyaluronique y auront été fabriquées au cours de l’année 2013. La société les commercialise dans 88 pays différents. «Le marché est en pleine expansion et nous avons entamé des travaux afin de pouvoir doubler notre production d’ici à trois ans», indique encore Claudie Allaire.
L’acide hyaluronique, composé d’un assemblage de molécules de sucres, est un composant naturel de notre corps. Il joue un rôle de soutien dans nos tissus, et y retient l’eau, comme le ferait une éponge. Mais il a malheureusement tendance à disparaître avec l’âge; à 50 ans, nous en possédons déjà environ 40% de moins que pendant la vingtaine. Et cette raréfaction entraîne un affaissement et un creusement du visage.
En injectant de petites quantités d’acide hyaluronique sous la peau, on redonne donc du volume au visage et on comble les rides. L’approche est différente de celle de la toxine botulique (comme le Botox), autre substance très utilisée pour lutter contre le vieillissement du visage, qui, elle, paralyse les muscles. «La toxine botulique est plutôt utilisée pour traiter les rides du haut du visage, alors que les gels d’acide hyaluronique servent à reconstituer ses formes, notamment celles des pommettes et des joues», explique la doctoresse Marva Safa, de la clinique La Jouvence à Neuchâtel, invitée par Allergan à témoigner devant les journalistes.
A Pringy, la visite se poursuit dans la zone de production. Malheureusement, les machines sont à l’arrêt entre deux lots; derrière les vitres des laboratoires, les employés, portant blouse, gants et charlotte sur la tête, sont en train de ranger et de préparer les instruments. Tant pis, c’est sur un écran qu’on découvrira les étapes de fabrication des gels. D’abord, ceux-ci sont synthétisés en mélangeant à de l’eau un acide hyaluronique issu d’une autre usine et obtenu par fermentation bactérienne. «Mais le gel se présente alors sous une forme très liquide, qui disparaît rapidement si on l’injecte telle quelle», précise Pierre Lebreton, responsable de la recherche et développement (R&D) de l’usine. C’est pourquoi, pour augmenter la durée de vie du produit, on y ajoute un «agent de réticulation», en fait une molécule chimique qui stabilise le gel. Enfin, celui-ci est purifié, avant d’être stérilisé et emballé.
Même s’il est stabilisé, l’acide hyaluronique est progressivement dégradé par le corps après injection. Son effet disparaît au bout de six mois à un an, voire un an et demi avec les produits les plus récents et coûteux. Le traitement doit donc être répété régulièrement, ce qui constitue une bonne affaire pour les fabricants. Mais le fait que ces gels soient résorbables est aussi sécurisant pour les patients. En effet, l’utilisation de certains produits de comblement des rides permanents s’est parfois accompagnée, par le passé, de réactions allergiques graves. «Aucune allergie à l’acide hyaluronique n’a été documentée jusqu’à présent», assure Wassim Raffoul, médecin-chef du Service de chirurgie plastique et de la main du CHUV, à Lausanne, contacté à l’issue de la visite de l’usine d’Allergan. Au pire, certains patients développent-ils de petits hématomes temporaires à l’endroit des injections.
La méthode est-elle donc si sûre? «Oui, si l’on prend certaines précautions, commente Pierre Quinodoz, chirurgien plasticien à Genève et vice-président de la Société suisse de chirurgie plastique, reconstructive et esthétique. Les patients qui ont déjà subi des injections dans le visage doivent le mentionner à leur médecin, car il y a un risque de réaction négative. Par précaution, on ne traite pas non plus les femmes enceintes ou les personnes souffrant de maladies auto-immunes.» Le spécialiste recommande enfin de privilégier les produits qui portent la labellisation de l’autorité de contrôle européenne, pour s’assurer de la qualité du produit.
Wassim Raffoul estime lui aussi que l’acide hyaluronique a un bon niveau de sécurité: «Cependant, il appartient à la catégorie des dispositifs médicaux: il a donc subi une évaluation moins stricte qu’un médicament avant sa mise sur le marché, et on manque d’informations sur son innocuité à long terme.» L’utilisation comme agent de réticulation d’une molécule appelée BDDE, soupçonnée d’être cancérigène, peut ainsi soulever des inquiétudes. «Nos études montrent que cet agent est facilement détruit par le corps et n’est donc pas dangereux pour l’organisme», affirme cependant Pierre Lebreton, qui reconnaît que des recherches sont en cours pour tenter de le substituer par d’autres substances.
«Les gels d’acide hyaluronique sont utilisés en esthétique depuis le milieu des années 1990 et depuis plus longtemps encore dans d’autres indications médicales, notamment ophtalmiques, fait pour sa part valoir Pierre Quinodoz. Nous disposons donc déjà d’un bon recul par rapport à leur innocuité.» Le médecin rappelle toutefois aux patients intéressés l’importance de bien se renseigner avant d’opter pour ces traitements, finalement loin d’être anodins.
Le fait que ces gels soient résorbables est sécurisant pour les patients