Le groupe néo-zélandais Fonterra a révélé ce week-end que trois lots de petit-lait (lactosérum), utilisé pour la fabrication de laits maternisés et de boissons pour les sportifs, contenaient une bactérie pouvant causer le botulisme, une intoxication susceptible de provoquer la paralysie, voire la mort.

Dans la foulée, l’autorité chinoise de régulation pharmaceutique et alimentaire a enjoint dimanche à trois firmes agroalimentaires ayant utilisé ces lots de Fonterra de «cesser immédiatement de vendre» et de «rappeler tous les produits» pouvant contenir des éléments incriminés.

Soucieux de rassurer les consommateurs chinois et de préserver l’image du groupe dans le pays, où le marché des produits laitiers est en plein essor, le patron de Fonterra s’est déplacé en personne à Pékin et a présenté ses «profondes excuses».

«Nous présentons nos excuses les plus profondes aux personnes qui ont été affectées», a déclaré Theo Spierings lors d’une conférence de presse lundi, tout en affirmant que sa coopérative avait donné l’alerte dès confirmation de la contamination.

Une réponse aux vives réprimandes émises ce lundi par le premier ministre néo-zélandais John Key, pointant «les risques» pris par le groupe, qui se présente comme le premier exportateur mondial de produits laitiers.

En 2011, Fonterra, qui regroupe quelque 13 000 fermiers néo-zélandais, comptait pour 89% du lait produit en Nouvelle-Zélande. Il constitue la plus grosse coopérative laitière dans le monde en termes de production.

«Je m’étonne qu’en mai 2012, lorsque le petit-lait en question a été produit, (Fonterra) ait remarqué quelque chose lors de tests, mais que cela n’ait manifestement pas été jugé suffisamment inquiétant, puisque l’entreprise a autorisé» les lots à sortir de l’usine, a déclaré John Key, interrogé par Radio New Zealand.

De son côté, le patron de Fonterra a affirmé que les premiers signes d’une contamination des lots n’étaient apparus que lors d’analyses réalisées en mars de cette année, dix mois après l’étape de production, et que des tests supplémentaires avaient été nécessaires pour identifier «la racine» du problème et «la souche exacte» de la bactérie.

«Cela prend du temps. (Les tests) ont confirmé (une contamination) le 31 juillet. Et autant que je me souvienne, nous avons été mis au courant (de ces résultats) ce même jour et, en l’espace de 24 heures, nous avons informé comme il convenait nos consommateurs et le gouvernement néo-zélandais», a insisté le directeur général de Fonterra.

«Nous comprenons entièrement l’inquiétude chez les parents. Ils sont en droit d’être assurés d’acheter des produits «100% sains», a ajouté Theo Spierings, indiquant que la coopérative projetait de «tester tous les produits quittant la Nouvelle-Zélande, par mesure de précaution».

Parmi les entreprises visées par les autorités chinoises pour avoir acheté les lots de lactosérum incriminés, figurent l’américain Coca-Cola et le groupe chinois Wahaha – dont les processus de fabrication auront tué la bactérie, selon Theo Spierings –, ainsi que le fabricant de lait infantile Dumex, filiale du français Danone.

A la bourse de Paris à la mi-journée, le titre Danone perdait 0,71%. A la bourse de Wellington, l’action de Fonterra Shareholders’Fund a de son côté chuté lundi de 3,65%.

Réactions à travers le monde

Outre la Chine, d’autres pays destinataires des exportations de petit-lait de Fonterra ont également réagi.

Singapour et la Malaisie ont rappelé certains des laits infantiles de marques clientes du groupe néo-zélandais, indiquant le faire par précaution.

En Russie, les autorités ont annoncé l’interdiction des produits laitiers de Fonterra, tandis qu’en Arabie saoudite, un lot de lait maternisé contenant la bactérie a été saisi avant qu’il ne soit distribué sur le marché.

En Chine, la méfiance est de mise depuis un retentissant scandale du lait frelaté à la mélamine, qui, en 2008, avait tué six enfants et rendu malade 300 000. L’entreprise chinoise qui le commercialisait était contrôlée en partie par Fonterra.

La réputation de la Nouvelle-Zélande en danger

«100% pure» est le slogan mis en avant par la Nouvelle-Zélande pour vanter son agriculture. Mais cette image de marque pourrait bien souffrir de cette affaire de bactérie dans les produits laitiers.

La crise que traverse le géant des produits laitiers Fonterra risque de se répercuter sur l’ensemble du pays. La Nouvelle-Zélande est très tournée vers l’agriculture et ses produits alimentaires jouissent d’une excellente image de marque en Asie, et en Chine en particulier, note Chris Galloway, expert en relations publiques.

En Chine, des millions de familles ont été amenées à s’approvisionner en lait maternisé à l’étranger, ou à défaut à acheter les marques étrangères vendues en Chine, suite aux affaires ayant terni ces dernières années l’industrie laitière chinoise.

Environ 95% des importations chinoises de lait en poudre provenaient de Nouvelle-Zélande au premier trimestre de l’année 2013. Ce qui explique la rapide réaction de Wellington.

L’industrie laitière représente 25% des exportations néo-zélandaises et près de 3% du PIB national, selon les statistiques gouvernementales.