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Finalement, je suis devenue…
Professeure de démographie et sociologie du parcours de vie à l’Université de Lausanne. Je suis aussi vice-présidente du conseil de la recherche du Fonds national suisse (FNS) à Berne.
Concrètement, cela consiste en quoi?
Comme démographe par exemple, j’ai suivi depuis 2012 une trentaine de familles monoparentales en Suisse romande. Il s’agissait de mener des discussions pour mieux comprendre leur évolution, leurs choix familiaux ou professionnels… Un autre projet a consisté à analyser la place des mères célibataires sur le marché du travail dans notre pays. Au FNS, mon travail consiste à forger le cadre pour que la recherche en Suisse soit à la fois compétitive et diversifiée, notamment en ce qui concerne les sciences humaines et sociales.
Pourquoi mon travail est-il d’actualité?
Etudier les familles qui ne correspondent pas à la norme de la famille traditionnelle permet de mieux comprendre les changements de société. Les enfants élevés avec un seul parent ont longtemps eu une vie plus précaire que les autres. Mais leur profil a changé: ils sont de plus en plus nombreux en Suisse, et l’autre parent est plus présent grâce à la garde partagée. Les familles changent aussi plus souvent de statut, car les parents célibataires se remettent davantage en couple qu’avant. Pendant la pandémie, notre étude a aussi livré des informations très intéressantes sur la manière dont ces familles se sont organisées, montrant que l’expérience de la monoparentalité représentait un potentiel de résilience et de flexibilité face aux adversités.
Quel est mon meilleur souvenir de chercheuse?
Cela remonte à 2000, année de mon doctorat. J’ai vécu plus de deux mois sur les bords du lac Nyanza, au Kenya, une région polygame où la mortalité liée au sida touchait 40% de la population adulte. Je participais à une enquête sur les comportements sexuels et la connaissance des mécanismes de transmission de la maladie, financée par un fonds de recherche américain. Dans les questionnaires que je récoltais, de nombreuses femmes expliquaient que leur mari les trompait sans se protéger, mais qu’elles-mêmes n’avaient aucun risque d’être contaminées. Pourquoi donc se croyaient-elles intouchables? J’ai trouvé la réponse quelque temps après: elles-mêmes étaient fidèles et donc moralement irréprochables, ce qui leur faisait penser qu’elles ne contracteraient jamais le VIH. Cette découverte fut publiée par la suite et a pu aider à la communication de la prévention dans cette région.