Alors que les nappes de pétrole continuent à se répandre dans le golfe du Mexique en quantités terrifiantes, les efforts de BP pour colmater la brèche semblent désespérés. Sans compter que la vraie catastrophe naturelle pourrait bien être celle que l’on ne voit pas encore: de probables ravages dans les fonds sous-marins.

«Que se passe-t-il au fond du Golfe du Mexique? se demande Science & Vie, qui détaille les tenants et aboutissants environnementaux de la marée noire au large de la Louisiane. Toute l’attention se porte désormais «à 1500 mètres de profondeur, où le puits qui alimentait la plateforme naufragée Deepwater Horizon n’en finit pas de fuir. «Il y a des quantités impressionnantes de pétrole sous la mer, comparé à ce qui se trouve à la surface», constate une chercheuse de l’Université de Géorgie» en mission sur place. Ce pétrole «tend à pomper l’oxygène disponible en raison d’une activité microbienne décuplée par la présence de l’hydrocarbure, explique-t-elle. A certains endroits, le taux du gaz si précieux à la vie aurait déjà chuté de 30%. Une baisse inquiétante, qui laisse penser qu’une partie des fonds marins pourrait être transformée en zone morte si les fuites ne sont pas colmatées.» Mais comment du pétrole, plus léger que l’eau, questionne le même article, peut-il rester au fond de l’océan? Un comble: «Ce serait en raison de l’usage massif, sur les fuites, de produits dispersants qui, en réduisant la taille des gouttelettes, les empêcherait de remonter […] vers la surface.»

Mais «les chercheurs s’avouent pour l’instant incapables de mesurer la densité et l’étendue des nappes sous-marines». Ce pétrole peut en tout cas «priver l’eau du golfe du Mexique d’oxygène, enchaîne l’agence russe RIA Novosti, ce qui aura pour conséquence de tuer la majorité de la faune marine dans la zone»: «Plus de 600 espèces animales sont menacées», chiffre Nord Eclair. «Le pire reste invisible», conclut TF1. L’administration a aussi émis des réserves dimanche concernant le système de siphonnage du pétrole mis en place par BP pour endiguer la marée noire», indique L’Express. «La compagnie pétrolière a réussi, grâce à des robots, à insérer un tube dans le puits accidenté […] et à recueillir du pétrole et du gaz à la surface.» Elle dit «avoir bon espoir d’arrêter le flux de manière définitive d’ici une semaine environ», mais l’administration Obama en doute fort.

Le pétrole, décrit 20 Minutes, a «été stocké à bord d’un navire de forage […], tandis que le gaz naturel a été brûlé à la surface. Le test a toutefois été écourté car le tube s’est déplacé de son ancrage. C’est «décevant» mais pas surprenant, ont affirmé les autorités […], soulignant qu’une telle opération n’avait jamais été testée […] à de telles profondeurs.» Actuellement, «les nappes de pétrole qui se répandent dans le golfe, dont une de 16 kilomètres de long sur 5 de large et 90 mètres d’épaisseur illustrent l’ampleur de la catastrophe», selon les chiffres du New York Times, même si «la marée noire a jusqu’ici épargné le littoral». Quoique. Des boulettes de brut sont «visibles sur certaines îles et sur une dizaine de plages de Louisiane, de l’Alabama et du Mississippi.»

«Bien qu’il ne collecte pas tout le pétrole qui s’écoule», explique Le Journal du dimanche, l’outil mis en place par BP «constitue une étape importante», selon la compagnie, «qui agit sous la pression du gouvernement américain» et ajoute «qu’elle tentera également d’injecter de la boue dans le puits». «Mais, même si elle réussit à colmater la brèche, [elle] n’est pas tirée d’affaire. Et il lui faudra rendre des comptes.» Sur le plan des responsabilités, cependant, chaque entreprise rejette la faute sur l’autre devant la commission parlementaire américaine: «BP accuse l’entreprise suisse Transocean qui achevait la construction de la plateforme […]. Quant à cette dernière, elle s’en prend à Halliburton», la multinationale chargée de réaliser la cimentation et le bouchon du puits.

Barack Obama qualifie de «spectacle ridicule» cette «patate chaude» que les uns et les autres se refilent, après que le directeur général de BP, Tony Hayward, eut en plus «provoqué la colère […] en minimisant la portée de la catastrophe» par ces mots: «Le golfe du Mexique est très grand. La quantité de pétrole et de dissolvant que nous y injectons est minime par rapport au volume total d’eau», a-t-il déclaré au Guardian, lequel relève aussi la raideur de la pente que BP aura à remonter pour préserver un brin de sa réputation «verte» (lire en page 13).

Pendant ce temps, au milieu des chars du carnaval de La Nouvelle-Orléans, les Louisianais dansent et rient, écrit le Times-Picayune. Mais derrière l’allégresse du mégaconcert «Gulf Aid» organisé pour soutenir les pêcheurs sinistrés, la colère sourd: «BP se moque de nous.» De quoi finalement tirer deux leçons, résume La Presse de Montréal: l’une, «optimiste, selon laquelle la marée noire qui s’étend dans le golfe du Mexique marque un tournant qui forcera les Etats à mieux surveiller les forages en mer – quitte à mettre la pédale douce sur l’extraction du pétrole du fond des océans»; et l’autre, «pessimiste, selon laquelle, après quelques changements cosmétiques, notre dépendance au pétrole aura fatalement raison» de tous les enseignements apportés par la catastrophe.