Les mille et une vertus d’Ariès, herboristerie magique
Jardin extraordinaire
A Bioley-Orjulaz (VD), Christophe Perret-Gentil travaille avec 75 producteurs et fournit chaque année quatre tonnes de plantes sèches à des restaurateurs, hôteliers et pharmacies

Quiétude et sérénité se dégagent de l’herboristerie Ariès, au cœur du village de Bioley-Orjulaz (VD). Christophe Perret-Gentil, le maître des lieux, biologiste de formation, a constitué un véritable berceau de 3000 m² permettant d’accueillir et de conserver de manière optimale les vertus thérapeutiques de près de 50 variétés de plantes médicinales. «Elles lisent en nous», affirme l’herboriste de 65 ans. En s’arrêtant devant des bourraches, il poursuit: «Les feuilles de ces plantes font penser à des poumons, comme celles du thym d’ailleurs. La bourrache recherche l’ombre car elle a très soif, mais est aussi avide de lumière. Cette plante soigne un poumon par ses caractéristiques. Elle restitue dans l’organisme ce qu’elle a appris dans le sol, son premier interlocuteur.»
Ecouter les explications de Christophe Perret-Gentil dans notre galerie commentée: Des herbes pour soigner et à savourer
Dans ce jardin bucolique, avec prairie, étang, zone graveleuse et espace didactique, un chemin en spirale, de 72 mètres, permet au visiteur de découvrir, au gré de sa promenade, «une plante qui lui donnera un reflet de sa situation intérieure». «Nous avons créé un jardin de démonstration que l’on présente aux élèves de notre école d’herboristerie ou aux visiteurs qui viennent s’approvisionner en thé, miel, baumes ou huiles essentielles dans notre boutique», précise Christophe Perret-Gentil.
Les producteurs sélectionnés par les oiseaux
Les plantes ne sont pas cultivées sur place, même si tous les éléments sont réunis pour recréer un environnement propice à leur croissance. Un plan d’eau, une zone sèche et, au centre, une ferme datant de 1846 recouverte d’un crépi naturel. Et surtout, le chant des oiseaux et la visite de tritons, lézards, grenouilles et abeilles. Des chouettes, gardiennes des lieux la nuit et des faucons, qui prennent le relais le jour, nichent sur une paroi de la ferme. «Regardez ce jeune faucon qui vient de s’envoler. Il appelle ses parents», dit-il en rassurant le rapace, qui s’est perché sur le toit de sa voiture.
L’herboristerie Ariès, née en 1979, travaille avec 75 producteurs de plantes, principalement en France mais aussi en Suisse, en Grèce, en Italie, à Madagascar ou au Sénégal. Ils fournissent chaque année près de quatre tonnes de plantes sèches, dont 250 kilos de verveine. La PME de 12 personnes, qui a aussi sélectionné des distillateurs et des apiculteurs, choisit ses fournisseurs en fonction notamment de la valeur bio-indicatrice des oiseaux présents sur les sites de production. Chaque volatile correspond à un certain nombre de points en fonction de la valeur qu’il apporte à la biodiversité. La présence d’un pigeon ramier ou d’une mésange bleue vaut un point alors qu’un coucou gris, une alouette lulu ou une fauvette grisette offrent 4 points au producteur. «Au total, il faut obtenir un minimum de 70 points pour être sélectionné chez Ariès. Lorsqu’il y a des cultures intensives ou que l’environnement n’est pas sain, vous n’entendrez pas chanter une alouette ou un pic-vert», explique Christophe Perret-Gentil.
L’émotion de l’angélique
Lorsque les plantes arrivent en vrac à Bioley-Orjulaz, elles sont notées en fonction de différents critères de qualité. Puis, elles sont stockées dans la grange avant d’être préparées et expédiées aux clients. Des restaurateurs comme la cheffe étoilée Anne-Sophie Pic commande par exemple de la rose, de l’angélique ou du sureau.
Des hôtels, pharmacies, magasins bio ou cliniques anthroposophiques s’approvisionnent également chez Ariès. L’herboristerie prépare ses propres formulations huileuses ainsi que ses mélanges pour tisane. Plus récemment, elle a développé la gemmothérapie, une thérapie par les bourgeons des végétaux. Ces derniers sont mis à macérer pendant plusieurs semaines et mis en flacon. «Les macérats de bourgeons exercent des actions stimulantes, régénérantes et drainantes sur l’organisme humain en procédant à une véritable lecture de notre situation intérieure», affirme Christophe Perret-Gentil.
«Un bénéfice modeste»
Ariès, c’est aussi une PME qui réalise un chiffre d’affaires de 1,1 à 1,2 million de francs par année. «A l’exemple de la nature, le résultat est équilibré avec un bénéfice modeste», ajoute son fondateur et responsable technique, qui prévoit de publier un livre sur les témoignages qu’il dit avoir recueillis pendant sept ans auprès de 144 plantes en écriture automatique.
Au milieu du jardin, se trouve une tonnelle. L’herboriste s’y installe. Ce défenseur et admirateur de la nature se remémore ses souvenirs d’enfance. A 10 ans, un jour de Pâques, il a reçu un livre sur les rapaces, qu’il a lu en boucle. Puis, il vouera une véritable passion pour les petits rongeurs et enfin les oiseaux. C’est aussi un spécialiste des reptiles, au point d’en faire un travail de diplôme. Finalement, ce sont les plantes qui ne l’ont plus quitté. «Aujourd’hui, j’ai un côté monastique car la nature me nourrit, dit-il en sortant de sa tonnelle. On m’appelait le «Schtroumpf poète» à l’armée.»
D’un pas décidé, il s’arrête devant une angélique. «J’affectionne tout particulièrement cette plante qui pousse dans les marais et peut atteindre jusqu’à 2 mètres de haut. Elle semble sortir de sa carcasse pour aller vers l’ange. Quand je la vois, je suis ému aux larmes.»
Episodes précédents:
- A Leysin, le jardin Gentiana et ses plantes qui soignent
- A Soral en campagne genevoise, là où prospèrent les aromates