A New York, où l’on vaccine 24 heures sur 24
États-Unis
Le vaccin Johnson & Johnson a été administré au milieu de la nuit, pour ne pas perdre de temps, dans trois immenses centres de vaccination de masse. En montant en capacité, les Etats-Unis injectent désormais 2,4 millions de doses chaque jour

Administrer des doses de vaccin contre le covid 24 heures sur 24? A New York, trois sites de vaccination massive, gérés par l’Etat, ont franchi le pas: le Javits Center, à Manhattan, le stade des Yankees dans le Bronx et le Parc des expositions, du côté de Syracuse. Ce projet pilote a été mis en place dès que les Etats-Unis ont autorisé le recours à un troisième vaccin, celui de Johnson & Johnson. But: ne pas perdre de temps et vacciner le plus de monde possible pour pouvoir passer à la catégorie suivante des personnes «éligibles».
Déjà plus de 100 millions de doses
L’immense Javits Center est le centre de convention dans lequel Hillary Clinton espérait percer le plafond de verre et célébrer sa victoire en novembre 2016. Au cœur de la pandémie, quand des camions frigorifiques servaient de morgues de secours, il a été transformé en hôpital de campagne. Désormais, les New-Yorkais y reçoivent des doses du vaccin Pfizer durant la journée. Puis, entre 21 heures et 6 heures du matin, des doses de celui de Johnson & Johnson y ont été administrées, pendant quelques jours, jusqu’à l’épuisement du stock.
Joe Biden a par contre mis en place une stratégie de distribution précise, efficace, avec de nouveaux fonds et des centres fédéraux
Même mode opératoire du côté du stade des Yankees, surveillé par des soldats de la Garde nationale. Avec des horaires un brin différents. La journée, ceux qui ont rendez-vous – uniquement des résidents du quartier, qui répondent aux critères d’éligibilité actuellement en vigueur – reçoivent du Pfizer et le soir, entre 20 heures et 7 heures, du Johnson & Johnson. C’était du moins le cas jusqu’à la semaine dernière. Du côté de Syracuse, ce vaccin était administré entre 22 heures et 6 heures du matin.
En lançant ce projet pilote, le gouverneur de l’Etat de New York, Andrew Cuomo, a précisé que ces vaccinations nocturnes auraient lieu jusqu’à l’épuisement des doses commandées à Johnson & Johnson. C’est désormais le cas, avec près de 165 000 doses utilisées. Mais ces vaccinations de nuit pourraient reprendre dès la livraison de nouvelles doses, et s’étendre à d’autres centres. Le président Joe Biden vient justement de donner un coup d’accélérateur à la campagne de vaccination, en commandant 100 millions de doses supplémentaires au fabricant américain. Il a promis que tous les Américains adultes devraient, d’ici au 1er mai, pouvoir s’inscrire pour un rendez-vous, alors que le cap des 100 millions de doses utilisées au total vient d’être franchi. Près de 22% de la population américaine a déjà reçu au moins une dose de vaccin, alors que le coronavirus a tué plus de 526 000 Américains.
De quoi donner l’exemple
Devenu un centre de vaccination de masse dès janvier, le Javits Center a battu un record samedi, avec 13 432 piqûres faites en une seule journée. De quoi réjouir Andrew Cuomo, avide de bonnes nouvelles alors qu’il fait face à des critiques sans précédent pour son attitude vis-à-vis de femmes. Quant aux vaccinations de nuit, elles ont eu du succès: en quelques heures, des milliers de rendez-vous ont été pris. Le vaccin de Johnson & Johnson a l’avantage de s’administrer en une seule dose. Une motivation suffisante pour pousser des New-Yorkais à se lever au milieu de la nuit pour se faire vacciner.
«New York, la ville qui ne dort jamais, a de quoi donner l’exemple», commente Julien Cavanagh, neurologue spécialisé dans les maladies infectieuses et auto-immunes du Massachusetts General Hospital à Boston. Au plus fort de la pandémie, il travaillait à New York, dans un hôpital de Brooklyn. Le médecin loue la stratégie de Joe Biden. «Soyons justes: Donald Trump a contribué à une conception rapide des vaccins, mais il a ensuite laissé les Etats américains se débrouiller. Joe Biden a par contre mis en place une stratégie de distribution précise, efficace, avec de nouveaux fonds pour faciliter la campagne de vaccination et des centres fédéraux pour venir en appui aux Etats. Pour l’instant, cela fonctionne: près de 2,4 millions de doses sont désormais injectées chaque jour.»
Julien Cavanagh ne cache toutefois pas craindre une quatrième vague, en raison du relâchement trop rapide des mesures de santé publique. Il l’espère cependant moins mortelle étant donné que les personnes à risque seront presque toutes vaccinées. L’affaire reste par ailleurs très politique: selon un récent sondage de CBS, un tiers des républicains ne veulent pas se faire vacciner, contre 10% des démocrates.
Exemple unique
Vacciner de nuit est pour l’instant une quasi-spécificité new-yorkaise. Un seul autre centre procède pour l’instant ainsi aux Etats-Unis, aux abords du stade de football des Cardinals, à Glendale, en Arizona. Les injections se font dans un immense parking. Les patients restent dans leur voiture. A Seattle, sur la côte Ouest, il y a bien eu, en janvier, de curieuses scènes nocturnes devant deux hôpitaux de la ville, avec des personnes en pyjama prêtes à se faire vacciner. Mais c’était pour une tout autre raison: un réfrigérateur contenant 1600 doses du vaccin Moderna était tombé en panne et il fallait écouler les doses rapidement. A 3h30 du matin, toutes avaient d’ailleurs trouvé preneur.
L’idée de vacciner de nuit pour accélérer l’immunisation de la population est en discussion au Canada. Il en a aussi été question en Angleterre. Mais pour l’instant, les Américains sont les seuls à l’avoir pratiqué. Chaque Etat américain vaccine à un rythme et avec des critères différents. Depuis le 10 mars, dans l’Etat de New York par exemple, tous les plus de 60 ans, les individus ayant des facteurs de comorbidité et certaines catégories de travailleurs essentiels peuvent prétendre au vaccin. L’Alaska vient de franchir un cap: c’est le premier Etat à ouvrir l’accès au vaccin à tous les plus de 16 ans. Le Mississippi lui emboîte le pas dès ce mardi.
En Europe aussi, en Italie, en Allemagne et au Royaume-Uni notamment, des stades, des patinoires, des musées et même des cathédrales ont été réquisitionnés pour devenir des centres de vaccination de masse. Un récent article du New England Journal of Medicine estime qu’ils sont essentiels pour enrayer la propagation de la pandémie. Depuis le 11 mars, l’UE a donné son feu vert à son quatrième vaccin, celui de Johnson & Johnson, en commandant, dans un premier temps, 200 millions de doses. Une décision qui, malgré les difficultés actuelles, devrait accélérer le rythme des vaccinations. Et, qui sait, peut-être permettre de s’inspirer un peu de New York, qui voit toujours les choses en grand.
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