«Un temps glacial est attendu ces prochains jours, avec des minima de –10° et une température ressentie de –15°.» Ce bulletin météo vous glace les veines, mais que veut-il dire exactement? Et que signifie cette notion de froid ressenti?

Les températures sont mesurées sous abri à deux mètres du sol dans des conditions très normées. Elles sont utiles et bien comprises par la population, mais ne disent pas tout de la situation météo globale et de son impact sur le corps humain. Les météorologues utilisent donc des indices complémentaires pour approcher cette notion de froid ressenti. En hiver, ils calculent le facteur éolien qui combine les températures et la force du vent. Concrètement, une température de –5° combinée à une bise de 50 kilomètres à l’heure donne une température ressentie de –15°, et une température de –10° associée à un vent de 60 km/h donne une impression de froid de –23°. «Ce sont des conditions que l’on pourrait rencontrer vendredi, selon les dernières prévisions», explique Philippe Jeanneret, prévisionniste à la Télévision suisse romande.

En été, le Graal de la météo est le «heat index». Pour évaluer le stress causé au corps humain par les conditions climatiques, il combine la chaleur et l’humidité.

L’utilisation de ces indices est-elle pertinente d’un point de vue physiologique? «Notre corps émet un air chaud et humide qui va former une couche protectrice sur la peau, décrit le Dr Beat Walpoth, responsable de la recherche fondamentale et clinique en chirurgie cardiovasculaire aux HUG. Le vent va enlever cette couche et accélérer le refroidissement du corps.» Il existe trois façons de refroidir un être humain: la conduction (par contact), la radiation (par rayonnement) et la convection (gaz ou fluide en mouvement). Ce dernier est le plus efficace et correspond à l’effet du vent. C’est pourquoi le facteur éolien, bien que rustique, est un bon indicateur de la sensation de froid.

L’humidité est également importante, mais moins que le vent en hiver. «L’humidité joue un rôle de conducteur, explique le Dr Mauro Otto, spécialiste de l’hypothermie thérapeutique à but neuroprotecteur au CHUV. «Quand l’air est humide, le corps se réchauffe ou se refroidit plus rapidement en fonction de la température extérieure.»

L’importance de l’humidité grimpe avec la température, car elle empêche la peau de transpirer. C’est pour cela que le corps peut supporter une chaleur très élevée dans un sauna, mais beaucoup moins dans un bain turc. «Chez nous, cependant, l’air demeure relativement sec en cas de canicule, tempère Lionel Fontannaz, prévisionniste à MétéoSuisse. Quand l’humidité monte, c’est qu’un orage va éclater et que la température va donc baisser.»

Un indice thermique universel est en cours de développement pour évaluer toute l’année l’impact des conditions météorologiques sur le corps humain: l’UTCI. Ce dernier prend en compte la température, la force du vent et le taux d’humidité. Pour reprendre les prévisions de cette fin de semaine, une température de –5° associée à une bise de 50 kilomètres à l’heure et à une humidité de 30% (vraisemblable dans ces conditions) donne un ressenti de –41°, soit un stress de froid extrême selon les tables de calcul. L’indice pondère l’importance du vent et de l’humidité en fonction des températures. Il n’utilise toutefois pas exactement le même calcul que l’indice éolien, et leurs valeurs ne sont pas vraiment comparables.

«Ces indices sont intéressants pour les spécialistes, car ils évaluent le danger des conditions météorologiques pour le corps humain et ils permettent, par exemple, de prévenir les hôpitaux, explique Lionel Fontannaz. Mais ils ne sont pas très éclairants pour le grand public.» L’UTCI est en phase de test et devrait être intégré par MétéoSuisse dans le cours de l’année. Si les températures et le vent sont relativement prévisibles, le taux d’humidité varie passablement au cours de la journée, ce qui ne facilite pas l’emploi de cet outil.

Pour la première fois cet hiver, MétéoSuisse transmet régulièrement des prévisions basées sur cette notion de froid ressenti aux médecins cantonaux romands pour que ces derniers puissent prendre les mesures adéquates. La situation est ainsi classée «grand froid» mercredi et passe à «froid extrême» dès jeudi. Les valeurs prises en compte sont les minima nocturnes, les maxima diurnes, de même que la force du vent. Lionel Fontannaz déplore qu’il n’existe pas encore de plan «grand froid», alors que des plans canicule sont mis en place. «Pourtant, les aînés sont également en danger dans ces situations, déplore-t-il. Combien de fois ai-je dû m’arrêter pour aider des personnes âgées à traverser des plaques de verglas?» Une vingtaine de personnes au moins sont décédées du froid en ce début de semaine en Europe centrale et orientale, où les températures ont frôlé les –30 degrés la nuit. (AFP)