Des panneaux solaires blancs mis au point par le CSEM
ÉNERGIE
Le Centre suisse d’électronique et de microtechnique (CSEM) de Neuchâtel a dévoilé mardi ses nouveaux panneaux solaires blancs. Ils sont conçus pour mieux s’intégrer dans l’architecture

Le solaire se marie à l’architecture
Energie Le Centre suisse d’électronique et de microtechnique (CSEM) a dévoilé de nouveaux panneaux blancs
Ils sont conçus pour mieux s’intégrer aux bâtiments
«Les gens peuvent choisir n’importe quelle couleur pour la Ford T, du moment que c’est noir», a déclaré un jour Henry Ford. On pourrait dire la même chose pour les panneaux solaires… C’est en substance le propos tenu par Mario El-Khoury, directeur général du Centre suisse d’électronique et de microtechnique (CSEM) de Neuchâtel, ce mercredi, lors de la présentation à la presse d’une «révolution» dans le domaine de l’énergie solaire. L’objet de cette révolution? Des panneaux solaires… blancs, spécialement conçus pour être intégrés avec harmonie aux bâtiments et aux maisons.
A bien y réfléchir, c’est vrai, les panneaux solaires ont le plus souvent une teinte noire ou bleutée. La raison en est simple, les surfaces sombres absorbent bien plus de lumière que les surfaces claires. Dans leur quête des panneaux solaires au rendement le plus élevé possible, les ingénieurs ont donc logiquement délaissé le blanc. Mais il faut l’avouer, le critère esthétique des panneaux solaires noirs laisse parfois à désirer. «C’est un véritable frein à leur acceptation par le public, surtout en Suisse où bon nombre de propriétaires ne veulent pas défigurer leur maison», confirme Pascal Affolter, directeur associé de Solstis, entreprise lausannoise qui conçoit et installe des panneaux solaires. D’un côté, des ingénieurs qui ne jurent que par le noir. De l’autre, des architectes qui veulent du blanc. Comment satisfaire les goûts et les couleurs de tout le monde? Le CSEM apporte une réponse.
Le panneau solaire développé dans ses laboratoires est parfaitement blanc, uniforme, sans aucune cellule ni connecteur apparent. Pourtant, la cellule solaire utilisée est tout ce qu’il y a de plus classique. Il s’agit d’une couche de silicium cristallin conçue pour être spécialement sensible à la lumière infrarouge. La surface est tapissée par un revêtement de polymères qui fait office de filtre: lorsque la lumière le traverse, seul passe le rayonnement infrarouge, tandis que le reste du spectre lumineux visible est réfléchi, ce qui lui donne cette teinte blanche.
On le devine, toute la subtilité consiste à obtenir le meilleur filtrage de la lumière. De quoi est composé ce revêtement? «Il s’agit d’un polymère qui ressemble au PET», lâche Laure-Emmanuelle Perret-Aebi, cheffe de secteur au CSEM. Mais encore? «Il est ensuite vaporisé avec une solution de nanoparticules.» Secret industriel oblige, impossible d’en savoir plus. Ce revêtement blanc peut être utilisé de deux manières, soit en l’appliquant sur un panneau déjà existant, soit en l’intégrant lors de sa construction. «A l’avenir, il sera possible d’acheter un rouleau de ce revêtement et de l’appliquer sur ses propres panneaux solaires», prédit Laure-Emmanuelle Perret-Aebi.
Pour ce qui est du design, le pari semble gagné. Aucun connecteur n’est en effet visible, on imagine parfaitement de tels panneaux se fondre dans le paysage urbain. Mais qu’en est-il des performances? Bien entendu, un tel type de film diminue la quantité de lumière captée. «En appliquant le revêtement sur un panneau photovoltaïque classique noir avec un rendement de 18%, on tombe à environ 10%», précise Laure-Emmanuelle Perret-Aebi. La durée de vie, elle, ne devrait pas poser de souci. D’après les tests effectués en laboratoire, elle avoisinerait les trente ans, une durée compatible avec cet objectif d’intégration architecturale. Quant au coût, le CSEM estime que les panneaux blancs seront commercialisés aux alentours de 150 à 200 francs le mètre carré, contre 100 à 150 francs pour un panneau noir classique.
Un rendement presque réduit de moitié, un surcoût non négligeable… Le panneau blanc a-t-il de l’avenir? Pour Jean-François Guillemoles, de l’Ecole nationale supérieure de chimie de Paris, «cela peut intéresser les architectes, surtout dans le contexte de l’évolution vers des bâtiments à énergie positive. Quant au prix, il est à comparer ici à celui des matériaux auxquels le panneau se substituerait, en incluant la pose.» De son côté, Pascal Affolter, de Solstis, se dit très enthousiaste à l’idée d’installer de tels panneaux solaires. Même constat pour Roger Nordmann, président de Swissolar, l’association des professionnels du secteur. Ce dernier se réjouit d’ailleurs que «la Suisse fasse preuve de son savoir-faire en intégration architecturale des panneaux solaires, domaine dont elle est désormais spécialiste».
Les premiers modèles blancs devraient arriver sur le marché d’ici à 2015, avec d’autres coloris. D’ici là, le CSEM espère nouer des partenariats avec un maximum d’acteurs de la filière solaire, «bien entendu à l’étranger, mais en Suisse avant tout», conclut Mario El-Khoury.
«Il sera possible d’acheter un rouleau de revêtement et de l’appliquer sur ses panneaux solaires»