Avec «Tête chercheuse», Le Temps donne la parole aux scientifiques de Suisse romande, pour comprendre ce qui les occupe, les inspire, les fascine et les mobilise dans leurs recherches.

Retrouvez les précédentes têtes chercheuses dans notre dossier.

Pascal Gygax est l’auteur de Le Cerveau pense-t-il au masculin? avec Sandrine Zufferey et Ute Gabriel, paru chez Le Robert.

Quand j’étais enfant, je rêvais de…

Devenir joueur de tennis professionnel! Ma foi, il arrive que des carrières se brisent assez tôt (rires), bien que j’aie obtenu un titre d’interclub junior suisse au tennis. Parallèlement, j’ai toujours été très intéressé par les mathématiques. J’hésitais avec la psychologie, car j’avais travaillé avec des enfants et des adultes en situation de handicap, dans le cadre d’entraînements de tennis. Après un échec en première année de mathématiques, je suis allé étudier la psychologie en Angleterre.

Ce qui m’a donné envie d’être chercheur…

A l’Université, j’étais fasciné par les travaux de Paul Gilbert, spécialiste de la dépression. Je suis allé le voir pour lui demander comment faire pour travailler en psychologie clinique. Ce jour-là, celui-ci m’a répondu: «Pascal, dans mon service de l’hôpital universitaire, si quelqu’un vient et se tape la tête contre un mur volontairement, au niveau actuel de connaissance en psychologie tout ce que je peux faire, c’est lui donner un casque!» A ce moment-là, j’ai su qu’il fallait que je fasse de la recherche, car je voulais obtenir des réponses à ces interrogations.

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Finalement, je suis devenu…

Psycholinguiste expérimental! J’étudie le lien entre le langage et la pensée, nos représentations mentales et le langage inclusif, c’est-à-dire une manière non genrée de s’exprimer à l’orale comme à l’écrit. Par exemple, est-ce que le mot «infirmer» ou «infirmière» évoque des représentations différentes chez les enfants et adultes et comment cela affecte leurs choix professionnels futurs. J’ai fait tout mon parcours en fonction des gens qui m’inspiraient. Quand je suis allé me présenter pour un poste de thèse, mon dernier entretien était avec Jane Oakhill et Alan Garnham, deux psycholinguistes expérimentaux de l’Université du Sussex. J’y suis allé avec deux de leurs livres à faire signer, j’étais tellement emballé de les rencontrer! Je regardais ces personnes comme des demi-dieux et des demi-déesses. Finalement, je n’ai pas osé sortir mes livres tellement j’étais nerveux; j’ai eu le poste et c’est avec elles que j’ai commencé à travailler en psycholinguistique.

Mon travail est d’actualité parce que…

François Jolivet, politicien français, a récemment proposé une motion à l’Assemblée Nationale stipulant que l’usage du langage inclusif dans des documents administratifs officiels devait être interdit et passible de 5000 euros d’amende. Ce n’est qu’un exemple, parmi d’autres, qui montrent qu’en ce moment, le langage inclusif et plus largement les recherches à ce sujet subissent énormément d’attaques. Néanmoins, le langage inclusif est une porte d’entrée vers un questionnement global sur l’égalité et les manières de l’atteindre.

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