Le méga-centre de recherche en physique des particules se félicite d’avoir contribué à la redécouverte de cette peinture: le scanner utilisé pour parvenir à ces résultats repose directement sur des puces électroniques mises au point dans ses locaux.
Le scanner a révélé le visible, mais aussi tous les pigments cachés sous la première couche
Parmi les maîtres de la Renaissance, Raphaël est sans doute celui qui avait le plus «industrialisé» son travail. Peintre parmi les plus en vue à Rome, il croulait sous les commandes et les sollicitations de l’Eglise et des princes, si bien qu’il dut ouvrir un important atelier et s’entourer d’une cinquantaine de collaborateurs. Il n’intervenait parfois que dans quelques détails et dans la signature de l’œuvre, ce qui explique que nombre d’entre elles font aujourd’hui l’objet de discussions quant à leur paternité réelle.
C’était notamment le cas de cette Vierge à l’enfant. D’abord en possession du Vatican, puis saisie par les armées de Napoléon, la peinture a fini par arriver dans une collection privée à Prague dans les années 1930. Pour savoir si Raphaël avait peint ou non cette toile, et dans quelle mesure, les ingénieurs d’une start-up tchèque spécialisée, InsightART, l’ont passée au crible d’un scanner à rayons X.
Scanner robotisé
Les œuvres d’art font régulièrement l’objet de telles analyses permettant de déduire la composition chimique d’une toile et notamment les pigments employés, ce qui s’avère utile pour déterminer la provenance ou la datation exacte d’une toile.
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La particularité du scanner utilisé ici est qu’il repose sur les rayons X (et non sur la fluorescence comme c’est souvent le cas), et qu’il était entièrement robotisé. Monté sur deux bras articulés, il a en effet pu analyser l’intégralité de la toile (2 mètres carrés), alors que les examens par fluorescence se contentent habituellement de petites zones localisées.
Quant aux rayons X, ils permettent de dévoiler toute la composition spectrale du tableau, c’est-à-dire de voir tous les composés chimiques présents sur la toile, «ceux qui sont visibles, mais aussi tout ce qui se cache sous la première couche de peinture», affirme Aurélie Pezous, responsable du transfert de connaissances au CERN.
Né dans les accélérateurs
Si ce scanner a vu le jour, c’est bien grâce à une technologie développée dans le domaine de la physique des hautes énergies. Pour leurs recherches dans les accélérateurs linéaires, les physiciens du CERN ont en effet conçu en 2006 un instrument d’électronique nommé Timepix qui leur permettait de déterminer l’énergie et les propriétés des particules détectées dans leurs appareils souterrains.
Depuis, Timepix est sorti de l’enceinte du CERN. «On l’utilise notamment pour suivre les rayons cosmiques qui parviennent sur la Station spatiale internationale», illustre Aurélie Pezous. Le CERN en possède la propriété intellectuelle, dont il octroie des licences à diverses fins, éducatives ou, comme ici, pour analyser et authentifier des œuvres d’art.
Pour cette analyse, la toile a été prise en sandwich entre deux bras robotisés identiques: le premier porte une source de rayons X, et le second, qui contient le scanner, suit les mouvements du premier comme son ombre. Les ingénieurs tchèques ont ainsi balayé toute la toile et produit 11 images de très haute définition prises à différentes longueurs d’onde (250 mégapixels chacune, pour une précision de 50 micromètres).
Grâce à une telle précision, des experts internationaux indépendants, spécialistes de Raphaël, ont pu analyser jusqu’au moindre coup de pinceau, ou encore le tissage de la toile, ce qui leur a permis d’affirmer que le maître italien était bien l’auteur de la peinture. L’histoire ne s’arrête pas là: pour prouver que la technique a de l’avenir, les équipes impliquées ont l’intention de s’attaquer à une peinture très similaire, dont la paternité de Raphaël fait débat, La Sainte Famille de François Ier, exposée au Louvre. On saura bientôt si elle est l’œuvre du maître, ou de ses élèves.