A l’échelle atomique, la réalité est gouvernée par le hasard et semble échapper au bon sens. «Le Temps» vous propose cinq incursions dans le monde quantique pour tenter d’y voir plus clair.

Premier épisode: Dans l’infiniment petit, une étrangeté fondamentale

La lumière est une onde, elle se propage à l’image du son dans l’air ou de vaguelettes à la surface d’un étang. Cette onde, appelée électromagnétique, est caractérisée par une longueur d’onde, soit l’espacement entre deux vagues. En fonction de cette distance, qui correspond à différents niveaux d’énergie, nous aurons affaire à de la lumière visible, des ondes radio, de l’infrarouge ou encore des rayons X.

La preuve de ce caractère ondulatoire a été apportée par Thomas Young en 1801. Faisant passer des rayons lumineux à travers deux fentes rapprochées, il observe sur un écran situé derrière celles-ci que se dessinent des bandes lumineuses. Elles s’expliquent par le fait que l’onde lumineuse est modifiée par son passage dans les trous, comme une vague dans l’entrée d’un port: la partie qui a traversé l’une des fentes interagit avec celle qui a traversé l’autre pour créer ce motif d’interférence.

Passer par deux trous en même temps

Pourtant, la lumière est aussi faite de particules, les photons, découverts et formalisés au début du XXe siècle. C’est là que tout se complique, car lorsqu’on lance des particules, imaginons de minuscules balles, à travers le dispositif imaginé par Young, elles devraient en toute logique passer par l’une ou l’autre et frapper l’écran au bout de leur trajectoire sans être influencées par le fait qu’il y ait un second trou.

C’est justement là que la physique quantique vient démentir notre intuition. Si des particules sont envoyées une à une à travers les deux fentes, elles vont bien s’écraser une à une sur l’écran, mais, surprise, la superposition des impacts forme un motif d’interférence. Seule explication possible, la particule isolée est en même temps une onde et passe donc par les deux trous en même temps, puis interagit avec elle-même.

Encore plus étrange, si on déploie un dispositif permettant de mesurer dans laquelle des fentes passe la particule, celle-ci se comporte effectivement comme une petite balle, faisant disparaître les motifs d’interférences. L’explication est la suivante: avant qu’on ne mesure la position de la particule, celle-ci n’était nulle part en particulier, elle avait juste différentes probabilités d’être à différents endroits. Au moment de l’observer, on la «force» à se localiser, à adopter une position précise et elle se comporte ensuite en conséquence. Les physiciens parlent de réduction de la fonction d’onde.

Vision trompeuse

De nombreux physiciens ont contribué à la compréhension de cette opposition onde-corpuscule de la lumière, une dualité qui se retrouve d’ailleurs pour tous les éléments constitutifs de l’univers. Mais cette vision peut être trompeuse, «la dualité onde-particule, c’est du jargon ancien, une manière dont on se représente les choses pour les relier au monde qui nous entoure. C’est une description de convenance», précise Nicolas Brunner, professeur de théorie quantique à l’Université de Genève. En réalité, c’est à la fois plus simple et conceptuellement plus compliqué, il n’y a pas deux choses différentes superposées. Juste un objet quantique unique.