Comme chaque année au début du mois d’octobre, la planète scientifique est en émoi à l’approche de l’annonce des Prix Nobel. Quelles sont les personnalités qui recevront le fameux coup de fil matinal du Comité Nobel leur annonçant qu’elles figurent parmi leurs lauréats? Alors que les prix scientifiques ouvrent le bal (lundi, médecine et physiologie; mardi, physique; mercredi, chimie), suivis par les Prix Nobel de littérature (jeudi), de la paix (vendredi) et d’économie (lundi 11 octobre), les spéculations vont bon train.

Certains imaginent une édition 2021 marquée par la pandémie de Covid-19. Un ou plusieurs prix – qui doivent récompenser des personnes «ayant contribué au bienfait de l’humanité», selon le souhait d’Alfred Nobel – pourraient ainsi être remis aux inventeurs des vaccins à ARN messager. Parmi les noms qui circulent figurent ceux de la Hongroise Katalin Kariko et de l’Américain Drew Weissman, dont les travaux ont pavé la voie à la conception de ces vaccins déjà administrés à plus d’un milliard de personnes à travers le monde.

Valeurs sûres

Problème: de nombreux autres chercheurs ont également contribué à leur mise au point. Et le Prix Nobel ne peut être remis qu’à trois scientifiques par discipline. Dans ces conditions, le Comité Nobel pourrait choisir d’attendre avant de désigner «ses» champions des vaccins à ARNm, et privilégier d’autres profils, moins risqués. Cela d’autant plus que la pandémie n’est pas encore terminée, et qu’elle peut donc encore réserver de mauvaises surprises…

J’écris sur les Prix Nobel de physique depuis 15 ans et aujourd’hui – comme toujours –, je peux dire avec honnêteté que je n’ai aucune idée de qui va gagner

Le journaliste Hamish Johnston, de la revue spécialisée

Les Prix Nobel sont généralement remis à des valeurs sûres, soit des recherches effectuées il y a plusieurs années, voire décennies, dont les retombées sont incontestables. Certaines récompenses sont ainsi assez prévisibles. Les noms des découvreurs suisses d’exoplanètes Michel Mayor et Didier Queloz étaient ainsi déjà évoqués quand ils ont reçu le Prix Nobel de physique en 2019, aux côtés de l’Américain James Peebles.

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Mais il arrive aussi que le Comité Nobel distingue des profils et des thèmes situés hors des radars médiatiques. En 2017, quand Jacques Dubochet a reçu le Prix Nobel de chimie avec Joachim Frank et Richard Henderson pour ses travaux de cryomicroscopie électronique, de nombreux commentateurs ont été pris de court.

«J’écris sur les Prix Nobel de physique depuis 15 ans et aujourd’hui – comme toujours –, je peux dire avec honnêteté que je n’ai aucune idée de qui va gagner. Et je suis content que ce soit ainsi. Pour moi, cette incertitude est ce qu’il y a de plus excitant dans les Prix Nobel», écrit dans son blog le journaliste Hamish Johnston, de la revue spécialisée Physics World.

Malgré tout, certains s’essaient au jeu des pronostics, que ce soit en consultant la liste des récipiendaires de certains autres grands prix scientifiques, comme les Prix Albert-Lasker, ou en sondant la communauté de la recherche sur ceux qu’elle considère comme papables. Quant à la société d’analyse Clarivate, elle a recours à une méthode plus scientifique: elle analyse le nombre de citations des articles scientifiques, afin d’identifier les auteurs les plus influents au niveau international.

Candidatures féminines

Cette année, elle a révélé une liste de 16 noms de chercheurs «nobélisables», issus des 6 pays différents. Parmi eux, le spécialiste français des neurorécepteurs Jean-Pierre Changeux, pour le Prix Nobel de médecine, le Russo-Américain Alexei Y. Kitaev et ses travaux sur l’ordinateur quantique topologique, pour le Prix Nobel de physique, ou encore l’Américain Barry Halliwell, expert des radicaux libres, pour le Prix Nobel de chimie.

Aucun Suisse ne figure sur la liste, ni aucun scientifique ayant contribué directement à la lutte contre la pandémie. Une seule femme y apparaît: l’Américaine d’origine cubaine Carmen M. Reinhart, pour le Prix Nobel d’économie. Depuis leurs débuts il y a 120 ans, seules 57 femmes – sur 930 lauréats – ont reçu un ou plusieurs Prix Nobel. Peut-être le Comité Nobel surprendra-t-il cette année en privilégiant davantage de candidatures féminines, comme cela lui est souvent demandé?

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