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Protéines et ADN: la nature a inventé des hélices parfaites

Des mathématiciens ont constaté que les spirales formées par les molécules chimiques ont une géométrie idéale

Les mathématiques et la biologie sont deux disciplines rarement associées. A tort, semble-t-il, selon deux articles publiés jeudi dernier dans la revue britannique Nature. Les chercheurs, qui ont examiné en détail la structure de différentes protéines et de l'ADN, le support de l'hérédité, arrivent en effet à la conclusion que les hélices moléculaires qui font fonctionner les êtres vivants frisent la perfection idéalisée dans les modèles mathématiques.

Une équipe italo-américaine s'est d'abord penchée sur la structure secondaire des protéines. Ces grosses molécules chimiques, constituées par une succession d'acides aminés, ne sont pas linéaires. Ces rubans sont très souvent entortillés sur eux-mêmes pour former une spirale – les spécialistes parlent d'hélice alpha – un peu comme le fil qui prolongeait, il n'y a pas si longtemps, les combinés de téléphone. Ces hélices se tordent ensuite à leur tour pour donner la structure tertiaire de la protéine, qui est d'une importance capitale pour assurer leur fonction.

Hélice la plus compacte

En examinant en détail l'emplacement des atomes de carbone qui forment la colonne vertébrale des protéines, les chercheurs ont constaté que l'hélice alpha qu'ils dessinent n'est pas n'importe quelle hélice. C'est l'hélice la plus compacte qu'il est possible de réaliser avec un cylindre: les spires se touchent – comme le fil du téléphone au repos – et ne laissent pas de trou à l'intérieur – contrairement à ce même fil (voir le schéma). «Il s'agit, du point de vue strictement mathématique, d'un cas très particulier dans la grande famille des hélices», affirment Andrzej Stasiak, du Laboratoire d'analyse ultrastructurale de l'Université de Lausanne, et John Maddocks, du Département des mathématiques de l'EPFL, à qui la revue Nature a demandé d'écrire un second article pour mettre ce travail en perspective.

Etant spécialistes de la structure de l'ADN, les deux chercheurs lausannois se sont en effet posé les mêmes questions au sujet de la fameuse double hélice qui forme la structure secondaire de l'ADN. Dans ce cas, la nature satisfait-elle également aux idéaux mathématiques? Eh bien oui. Les deux brins d'ADN s'enroulent également sur eux-mêmes de façon à ce que les spires se touchent, ne laissant d'espace ni entre elles, ni au centre de l'édifice.

Pourquoi ces grosses molécules se tordent-elles ainsi sur elles-mêmes? «Sans doute pour occuper moins de volume», explique Andrzej Stasiak, en rappelant que chaque noyau cellulaire doit abriter quelque deux mètres d'ADN. «De plus, la structure en hélice augmente la rigidité, donc la stabilité, de l'édifice moléculaire», ajoute John Maddocks.

Mais pourquoi avoir atteint la perfection géométrique? Les chercheurs l'ignorent. Peut-être y a-t-il eu plusieurs essais d'enroulement, infructueux, qui ont été éliminés durant l'évolution? Ou peut-être Dieu est-il mathématicien?