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Le risque de maladie de Chagas croit en Suisse

Un cas fatal a été enregistré, parmi de nombreuses atteintes cardiaques sévères. Depuis le 1er janvier, les centres de transfusion sanguine prônent la tolérance zéro

«Etes-vous né(e) dans un pays extra-européen, y avez-vous grandi ou vécu pendant plus de six mois? Si oui, dans quel pays? Si oui, depuis quand vivez-vous en Europe? Votre mère est-elle née dans un pays extra-européen, y a-t-elle grandi ou vécu pendant plus de six mois? Si oui, dans quel pays?» Depuis le 1er janvier 2013, les centres de transfusion sanguine de Suisse ont intégré – avec la bénédiction de Swissmedic – ces questions supplémentaires au traditionnel formulaire d’information que doivent remplir les quelque 400 000 donneurs que compte le pays. Objectif: circonscrire la contagion d’une infection parasitaire appelée maladie de Chagas. «Il s’agit d’une affection émergente, dont on ne se préoccupait qu’accessoirement il y a encore cinq ans, mais qui est aujourd’hui devenue importante, car de plus en plus présente sur notre territoire», résume Rudolph Schwabe, directeur de Transfusion CRS Suisse, qui regroupe 13 services régionaux et dispose de près de 60 centres de prélèvement fixes dans les plus grandes agglomérations du pays. Un cas fatal et de nombreuses atteintes cardiaques sévères ont été enregistrés.

La maladie de Chagas est également connue sous le nom de trypanosomiase américaine. A en croire la paléoparasitologie, elle affecte l’être humain depuis plus de 8000 ans. Trypanosoma cruzi, le protozoaire flagellé qui en est à l’origine, est notamment responsable de complications cardiaques (risque accru de 20 à 40%) et digestives. Il se transmet par vecteur (une punaise), voie congénitale, produits sanguins et biologiques, et peut, dans certains cas, provoquer la mort. A ce jour, près de 300 cas de cette maladie urbanisée – au point que plus de la moitié des chagastiques vivent dans les villes – ont été décelés en Suisse.

L’augmentation de la prévalence sur le territoire helvétique avait déjà été constatée par les spécialistes en la matière, Yves Jackson et François Chappuis, des Hôpitaux universitaires de Genève. Dans une étude publiée en novembre 2011 dans la revue Forum médical suisse , ces derniers qualifient la maladie de Chagas d’infection parasitaire majeure en Europe occidentale, conséquence de l’arrivée de plus de 2 millions de migrants latino-américains ces dix dernières années.

Environ 10 millions de personnes dans le monde sont concernées par ce mal, principalement en Bolivie, au Brésil et en Argentine. Actuellement, plus de 40 000 ressortissants latino-américains sont établis en Suisse. Mais leur nombre réel, suggérait déjà l’étude à l’époque, doit vraisemblablement être multiplié par deux, compte tenu des résidents sans permis de séjour. Bilan: les experts estiment entre 2000 et 4000 le nombre de porteurs potentiels de la maladie de Chagas sur le territoire helvétique.

Parmi les cas déjà dépistés, nous enseigne l’étude genevoise, «de nombreux patients ont présenté une atteinte cardiaque sévère nécessitant des soins durables et coûteux». Et à Genève, 79% des personnes diagnostiquées – certaines avec des symptômes chroniques – ignoraient qu’elles étaient infectées.

Autre surprise: en effectuant des tests, les scientifiques ont découvert plusieurs cas de malaria ignorés ou latents, notamment dans les cantons de Genève et de Neuchâtel. «Normalement, ces tests sont indépendants, mais ils ont été combinés pour des raisons de coûts et d’efficacité, nous précise-t-on. «Comme nous ne tenons pas de statistiques centralisées, il est impossible de dire combien de patients cela représente», indique Annette Koller, du CRS. D’après les chiffres de l’Office fédéral de la statistique, deux fois plus de cas de paludisme ont été enregistrés depuis le début de cette année, par rapport aux cinq premières semaines de 2011 et de 2012.

Explication: la Suisse est un pays particulièrement en résonance avec les phénomènes de migration. Avec environ 10% de sa population qui vit à l’étranger, il y a, par exemple, plus de Suisses aux Etats-Unis que dans le canton du Jura. A quoi il faut ajouter près d’un quart de résidents en territoire helvétique originaires d’un autre pays. A titre d’exemple, l’école primaire des Pâquis, à Genève, enseigne à des enfants provenant de 85 nationalités différentes. Raison pour laquelle la Suisse vient de décider d’enclencher son mécanisme de tolérance zéro, pour les transfusions sanguines notamment, sous l’égide de l’Organisation mondiale de la santé.

Autre surprise:les scientifiques ont découvert plusieurs cas de malariaignorés ou latents