Le Temps: Y a-t-il des risques psychiques associés à l’utilisation des casques à réalité virtuelle?

Yasser Khazaal: Bien qu’on manque encore de recul vis-à-vis d’une utilisation à grande échelle et prolongée, on ne peut pas exclure du tout qu’il puisse exister des effets néfastes pour la santé. On peut s’attendre concrètement à des troubles qui sont peu ou prou similaires à ceux que l’on observe chez certaines personnes avec une addiction aux jeux vidéo.

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Pour la petite fraction de joueurs avec un usage compulsif, il y a une fuite en avant, une tentative d’échapper aux soucis quotidiens et aux difficultés de la réalité. Le jeu étant l’une des principales applications de la réalité virtuelle, il est possible que les mêmes problèmes soient rencontrés voire exacerbés. Toujours en cas d’usage excessif, des troubles de l’humeur ou d’autres désordres mentaux pourraient s’associer à cet usage excessif ou le potentialiser.

Enfin, des incohérences dans les informations sensorielles reçues par le cerveau pourraient également être une source d’ennui. Le fait de lui envoyer des données contradictoires (par exemple, lui faire croire que l’on est en mouvement alors qu’on est assis, ndlr) provoque ainsi des nausées à faible dose. Dans le cadre d’une utilisation prolongée et répétée, on ne peut pas exclure la survenue de phénomènes de dépersonnalisation ou d’altération des perceptions qui devraient, a priori, être transitoires.

– Est-ce à dire que la réalité virtuelle est mauvaise pour la santé?

– Non, au contraire. Cela fait d’ailleurs de nombreuses années que plusieurs centres médicaux utilisent la réalité virtuelle comme outil de traitement, surtout pour soigner les troubles liés à l’anxiété. Prenons l’exemple d’un arachnophobe. En le plaçant dans un environnement virtuel contenant des araignées, sa perception est fortement stimulée, on peut déclencher chez ce patient des réactions d’anxiété qu’il va apprendre à maîtriser au fil des expositions.

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La réalité virtuelle permet de recréer à loisir des environnements sécurisés et immersifs qui permettent d’agir sur ces réactions émotionnelles. De manière préliminaire et prometteuse, ces approches sont aussi utilisées dans d’autres domaines telles que les addictions ou les troubles alimentaires. On peut, par exemple, placer les patients dans des environnements virtuels qui déclenchent des envies, afin qu’ils expérimentent et acquièrent de meilleures manières d’y faire face.

Tout cela est très encourageant d’autant que la marge de progression demeure importante, mais la technologie ne fait pas tout, le succès repose sur la bonne intégration clinique de ses approches et sur l’accompagnement par le personnel médical et soignant.

– Quels conseils donner aux premiers acquéreurs de casques à réalité virtuelle?

– Il faut faire preuve de bon sens, en commençant et en continuant par toujours développer la partie de sa vie «hors connexion». Ces technologies ont fait beaucoup de progrès. Elles peuvent amener des bénéfices importants autant pour les expériences ludiques que pour les thérapies ou l’apprentissage. C’est très réjouissant, pour autant qu’on les applique à la réalité ou qu’on les utilise pour potentialiser celle-ci et non pas pour s’en isoler. Le risque serait qu’elles nous coupent vraiment de la vie réelle.