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Les adolescents sont plus à risque d’être touchés par le covid long

Conduite à Genève sur plus de 1000 enfants, une étude publiée dans «Nature Communications» montre que 14% des adolescents ayant des antécédents d’infection au SARS-CoV-2 présentaient des symptômes persistants après douze semaines ou plus

Image prétexte. «Notre étude met en évidence que l’augmentation du nombre de cas semble apparaître déjà à l’adolescence», explique Idris Guessous, médecin-chef du Service de premier recours des HUG, et co-instigateur de l’étude. — © Maskot /Getty Images/Maskot
Image prétexte. «Notre étude met en évidence que l’augmentation du nombre de cas semble apparaître déjà à l’adolescence», explique Idris Guessous, médecin-chef du Service de premier recours des HUG, et co-instigateur de l’étude. — © Maskot /Getty Images/Maskot

Douleurs abdominales, troubles de la concentration, perte de l’odorat, douleurs musculaires, fatigue, toux ou encore maux de tête… Près de 14% des adolescents présentaient encore au moins un symptôme associé au Covid-19 douze semaines – ou plus – après avoir été infectés par le SARS-CoV-2, selon une étude genevoise publiée ce mardi 29 novembre dans la revue Nature Communications.

Ce travail, conduit entre décembre 2021 et février 2022 sur 1034 enfants âgés entre 6 mois et 17 ans et faisant partie de la cohorte SEROCoV-KIDS, suggère également qu’un statut socioéconomique inférieur et des problèmes de santé chroniques, en particulier l’asthme, seraient associés à un risque accru de développer un syndrome post-covid, ce que l’on appelle également covid long. Les explications d’Idris Guessous, médecin-chef du Service de premier recours des Hôpitaux universitaires de Genève, et co-instigateur de l’étude.

Le Temps: Vos résultats, basés sur la présence d’anticorps au Covid-19 et des questionnaires remplis par les parents, pointent une prévalence du covid long à environ 4% chez les enfants et 14% chez les adolescents. Comment justifiez-vous ces estimations, qui sont inférieures à de précédents travaux publiés sur la question?

Idris Guessous: Plusieurs hypothèses peuvent expliquer que nous aboutissions à une prévalence un peu plus basse que certaines études parues jusqu’ici. D’une part, il est possible que d’autres infections que le SARS-CoV-2, ou même l’environnement stressant lié au contexte pandémique, puissent générer des symptômes durables comme la fatigue. Le fait de différencier les symptômes liés spécifiquement au Covid-19 à l’aide d’un groupe témoin constitué de personnes ne présentant pas d’anticorps au SARS-CoV-2 – une démarche qui n’a pas toujours été réalisée dans les travaux précédents – nous a peut-être permis d’éviter une surestimation de la prévalence du syndrome post-covid au sein de la population pédiatrique.

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De plus, la plupart des études conduites jusqu’ici reposaient sur les résultats d’infections confirmées par des tests PCR ou antigéniques, ce qui excluait les cas asymptomatiques ou ne présentant que très peu de symptômes. Cette façon de procéder peut non seulement conduire à une sous-estimation du nombre d’enfants et adolescents infectés, mais de facto aussi à une possible surestimation de la prévalence du covid long dans ces cohortes.

Enfin, il faut également noter qu’une proportion d’enfants séropositifs au SARS-CoV-2 inclus dans notre cohorte a été infectée trop récemment, ce qui a rendu compliquée l’évaluation de symptômes persistants compatibles avec un covid long.

Vous avez aussi identifié des symptômes apparentés à un covid long chez 5% des jeunes pour lesquels une infection n’a pas été détectée par sérologie. Comment expliquer ce phénomène?

Malgré l’efficacité des tests sérologiques, il n’est pas exclu que nous ayons fait face à de faux négatifs. Cela étant dit, les critères fréquemment auto-rapportés dans le groupe de jeunes séronégatifs au SARS-CoV-2 étaient la fatigue et les troubles de la concentration, que l’on retrouve désormais dans la population générale, et notamment chez les adolescents, de manière très inquiétante. Comme déjà évoqué, ces troubles peuvent notamment être associés à une infection au SARS-CoV-2, mais également à d’autres virus, ou encore être liés aux impacts de la pandémie sur notre santé mentale.

Dans votre étude, on constate que ce sont essentiellement les adolescents qui sont touchés, en quoi l’âge est-il un facteur de risque?

Il y a en effet une relation à l’âge que l’on observe dans beaucoup d’études, sans toutefois pouvoir encore en expliquer les mécanismes. Le covid long semble ainsi augmenter avec les années, avec la prévalence la plus élevée se situant entre 30 et 60 ans. Notre étude met en évidence que l’augmentation du nombre de cas semble apparaître déjà à l’adolescence. Il est néanmoins possible que certains cas soient plus difficiles à identifier chez les tout-petits, comme chez les plus âgés du reste, en raison de la nature auto-rapportée des symptômes.

Vous mentionnez également la question du statut socioéconomique. En quoi la précarité peut-elle favoriser l’apparition d’un covid long chez les enfants et les adolescents?

Cela pourrait s’expliquer par une exposition plus importante au virus, une plus grande susceptibilité à l’infection, des disparités dans les soins de santé ou la présence plus importante de comorbidités dans les groupes vulnérables, comme l’obésité ou les maladies chroniques. Une étude que nous avions publiée en janvier 2021 dans Frontiers in Public Health et conduite sur une cohorte genevoise avait permis de montrer que les foyers de contagion duraient plus longtemps dans les quartiers défavorisés, probablement en raison d’une proximité plus importante des habitations, d’une plus grande densité dans les transports publics ou encore de l’impossibilité de pouvoir s’isoler efficacement lorsqu’on est malade.

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Des mécanismes similaires pourraient expliquer la plus grande vulnérabilité face au covid long des enfants et adolescents issus de ces mêmes groupes. Par ailleurs, il faut souligner que l’adoption de la vaccination est généralement plus fréquente chez les personnes ayant un statut socioéconomique plus élevé, or la vaccination peut représenter un facteur protecteur contre le syndrome post-covid.

Et qu’en est-il de l’asthme?

Au sein de l’échantillon que nous avons analysé, le covid long semble en effet plus répandu parmi les enfants et les adolescents atteints par des maladies chroniques, en particulier l’asthme. Il convient néanmoins de rester prudent, car l’association entre cette pathologie et l’infection par le SARS-CoV-2 reste encore peu claire.

Selon vous, les résultats de votre étude devraient pousser à davantage dépister les jeunes, en particulier les adolescents, plus touchés par le covid long…

C’est important, en effet, car le syndrome post-covid pourrait encore aggraver la qualité de vie des adolescents, déjà péjorée par l’environnement général de la pandémie, et exacerber les conséquences négatives, à long terme, sur la santé, la vie scolaire ou sociale. Il est donc crucial que l’on soit très attentif à la présence possible d’un covid long au sein de cette population et de tout faire pour qu’une prise en charge efficace puisse rapidement être mise en place.

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