Après le covid et les cancers, les promesses de Moderna concernant le virus respiratoire syncytial
Santé
AbonnéLa biotech américaine a présenté mardi de très bons résultats à la suite des essais cliniques sur un vaccin à ARN messager contre le VRS. La substance active serait produite à Boston et en Valais. Entretien avec son patron, Stéphane Bancel

Après le Covid-19, puis le mélanome, Moderna s’attaque au virus respiratoire syncytial (VRS), un pathogène très contagieux qui s’est largement propagé cet hiver et pouvant engendrer des bronchiolites chez les plus petits et des pneumonies chez les adultes.
Ce 17 janvier, la biotech américaine a annoncé les conclusions (non encore revues par les pairs) de son essai de phase 3 pour son vaccin appelé mRNA-1345 et conduit auprès de 37 000 adultes de 60 ans ou plus dans 22 pays. Son efficacité est estimée à 83,7% contre les formes légères (deux symptômes) et 82% contre les formes graves (plus de deux symptômes) de VRS. Des résultats salués par son patron, Stéphane Bancel, interrogé en marge du sommet du Forum économique mondial à Davos et qui nous a accordé quinze minutes d’entretien top chrono.
Le Temps: Pourquoi Moderna a-t-elle choisi de se pencher sur le VRS après le Covid-19?
Stéphane Bancel: Cela fait des années que l’on se focalise sur le VRS qui était, avant la pandémie, la seconde cause d’hospitalisation chez les personnes âgées après la grippe. Notre vision est que la plateforme à ARN messager est très bien adaptée à toutes les maladies respiratoires. Nous travaillons d’ailleurs sur une dizaine d’autres virus tels que la grippe, dont les résultats de l’essai de phase 3 devraient tomber encore cet hiver, mais aussi des pathogènes moins connus du grand public, comme le métapneumovirus humain (hMPV), le virus para-influenza de type 3 (PIV-3), et le coronavirus OC43.
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Votre objectif est de parvenir à produire un vaccin unique pouvant agir contre différents virus, pourquoi n’est-il toujours pas à l’essai?
Tout simplement car nous sommes obligés, au niveau réglementaire, de les tester les uns après les autres pour évaluer leur efficacité. Une fois cette étape réalisée, il sera possible de conduire des études beaucoup plus restreintes, sur environ 1000 personnes, pour évaluer la question de la tolérance de la combinaison, ainsi que le maintien des anticorps sur la durée. Nous avons toutefois déjà un vaccin covid-grippe et un autre combinant covid, grippe et VRS en clinique.
Le VRS a particulièrement touché les nourrissons cet hiver, avec des complications parfois importantes ayant nécessité des hospitalisations. Prévoyez-vous de tester votre vaccin également auprès de cette population?
Le vaccin contre le VRS est actuellement testé dans le cadre d’un essai de phase 1 sur des populations pédiatriques. Comme on a pu le voir durant la pandémie, malgré le besoin clinique et de santé publique très important, la mise sur le marché d’un vaccin va toujours plus lentement chez les enfants, car nous devons tester des doses plus petites et nous assurer qu’il n’y ait aucun problème de sécurité.
Savez-vous déjà s’il faudra administrer plusieurs doses de ce vaccin contre le VRS, comme pour celui contre le covid?
Nous envisageons, dans un premier temps, de proposer ce vaccin aux personnes âgées de plus de 50 ans, sous forme d’une dose unique de rappel, sachant que nous avons tous été infectés plusieurs fois par le VRS au cours de notre vie. Ce qui n’est pas encore clair, à ce stade, est quelle en sera la fréquence, la durée de la protection immunitaire étant toujours en cours d’évaluation clinique. Il est possible que la protection soit plus longue que contre le Covid-19 ou la grippe, car le VRS est un virus très stable, qui mute peu.
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Disposez-vous des matières premières et des ingrédients pour en produire en suffisance rapidement?
C’est toute la beauté de l’ARN messager: nous utilisons les mêmes matières premières quels que soient les vaccins [à savoir des lipides notamment, une matière grasse qui encapsule la substance active, ndlr]. Nous pouvons donc monter en puissance très vite, et en commander en suffisance, d’autant qu’elles ne sont pas forcément rares. Ce vaccin serait fabriqué à Boston et à Viège, en Valais, où se trouvent nos deux usines qui fabriquent les substances actives des vaccins de Moderna.
La Chine a un gros problème avec le covid actuellement et vous avez l’un des vaccins les plus efficaces. Discutez-vous avec les autorités chinoises?
Nous menons des discussions avec la Chine depuis plus d’un an et demi mais elles ne débouchent sur rien pour l’instant et aucun accord n’est signé. Nous aimerions aider la Chine pour protéger sa population, mais aucune usine n’est présente sur le territoire chinois et aucun plan dans ce sens n’existe à ce jour. En Asie, nous avons une usine de flaconnage [la mise en capsule de la substance active du vaccin, ultime étape avant la commercialisation, ndlr] en Corée, chez Samsung.
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Que faites-vous à Davos?
Comme chaque année, je discute avec certains gouvernements pour des contrats existants et pour de nouveaux contrats, mais aussi pour des implantations industrielles. Nous avons des usines en construction en Angleterre, au Canada, et en Australie. Nous sommes aussi en discussions avancées pour la construction d’une usine au Kenya. Nous parlons par ailleurs également avec des associations caritatives et d’autres industriels.