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Arnaud L’Huillier: «Les enfants ne semblent pas être moteurs dans la propagation du virus»

Pour le docteur Arnaud L’Huillier, pédiatre et infectiologue aux Hôpitaux universitaires de Genève, fermer les écoles n’est pas la solution la plus pertinente pour endiguer l’épidémie de coronavirus

Image d'illustration. — © KEYSTONE/Gaetan Bally
Image d'illustration. — © KEYSTONE/Gaetan Bally

France, Italie, Chine, Japon, Corée du Sud… et maintenant Suisse. Une trentaine d’Etats à travers le monde ont décidé de fermer leurs écoles afin de contenir la propagation du SARS-CoV-2. Une décision qui ne fait pas l’unanimité parmi les experts, le rôle des enfants dans la propagation de l’épidémie étant débattu. Explications d’Arnaud L’Huillier, pédiatre et infectiologue aux Hôpitaux universitaires de Genève.

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Le Temps: Les enfants présentent-ils un risque d’être contaminés par le SARS-CoV-2?

Arnaud L’Huillier: Oui, les enfants peuvent attraper ce coronavirus, mais les données dont nous disposons en provenance des pays les plus touchés, comme la Chine, la Corée du Sud et l’Italie, montrent qu’ils sont sous-représentés parmi les personnes atteintes. Une étude menée sur 44 000 personnes infectées en Chine a montré que seuls 2% d’entre elles avaient moins de 20 ans, alors que cette tranche d’âge représente 18 à 25% de la population chinoise. Un unique décès a été rapporté chez un patient chinois dont l’âge était compris entre 10 et 19 ans. Mais on ignore quel était son âge exact et s’il souffrait d’une éventuelle pathologie préexistante, qui l’aurait rendu plus fragile. Enfin, il n’y a à ce jour aucun décès documenté en raison du Covid-19 chez un enfant de moins de 10 ans, que ce soit en Chine ou ailleurs.

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Comment expliquer que les enfants soient si peu touchés?

D’une manière générale, on sait que les infections causées par les virus respiratoires tels que la grippe sont plus sévères chez les personnes âgées. Ce n’est donc pas étonnant que les enfants développent des symptômes moins graves que les adultes. Mais même en considérant cela, le SARS-CoV-2 est particulièrement peu fréquent dans les populations pédiatriques. D’après les données dont nous disposons, ce serait une caractéristique commune avec d’autres virus de la même famille. En 2014, dans une étude épidémiologique menée à Genève, nous avons montré que d’autres coronavirus fréquents dans la population circulaient également peu chez les enfants.

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La fermeture des écoles est mise en avant comme une bonne solution pour lutter contre la propagation de la grippe, est-ce aussi valable pour le coronavirus?

La fermeture des crèches et des écoles primaires ne nous semble pas être une mesure adéquate pour contenir l’épidémie. Certes, les enfants jouent un rôle important dans la propagation des virus tels que la grippe, mais ils ne semblent pas être moteurs dans celle du SARS-CoV-2. Cela peut s’expliquer par le type de symptômes occasionnés par ce virus. Il affecte surtout les voies respiratoires profondes et ne fait pas couler le nez, ce qui chez les enfants est un vecteur de dissémination important des pathogènes. Les plus jeunes ont par ailleurs une toux moins efficace que les adultes, si bien qu’ils excrètent probablement moins de virus par ce biais. D’après le rapport de l’OMS sur la situation en Chine, de nombreux enfants ont été contaminés par le coronavirus dans le cadre familial. Mais ce sont les parents qui ont infecté les enfants et non l’inverse. Ces informations sont cohérentes avec d’autres données dont nous disposons pour la Suisse. Le virus n’est détecté que chez des enfants vivant avec une personne malade.

D’autres classes d’âge vous semblent-elles jouer un rôle plus important que les enfants dans la propagation du virus?

Oui, il y a de nombreux cas parmi les jeunes adultes. A ce titre, fermer les écoles secondaires et réduire la fréquentation des lieux de récréation, tels que les restaurants et les bars, paraît plus judicieux que de cibler les écoles.

Les enfants peuvent-ils être contagieux sans présenter de symptômes?

Que ce soit chez l’adulte ou chez l’enfant, nous ne disposons pas pour l’heure de données montrant que le SARS-CoV-2 peut être transmis par des personnes qui n’ont pas de symptômes. Il est cependant possible que cela puisse se produire pendant une courte période avant l’apparition de ceux-ci, mais cela n’est clairement pas central dans la propagation de l’épidémie. D’une manière générale, même si les enfants ne semblent pas jouer un rôle prépondérant dans la transmission du virus, il importe de faire preuve de prudence et de limiter les contacts des enfants malades avec les populations à risque comme les personnes âgées.