Une substance corrosive pour l’organisme
Dans tous les cas, il ne faut ni ingérer ni s’injecter des produits désinfectants. «Ces substances chimiques s’attaquent aux parois des virus ou des bactéries et dénaturent les protéines qu’elles contiennent», détaille Thierry Buclin, médecin-chef du Service de pharmacologie clinique du CHUV. Mais elles sont aussi nocives pour les cellules humaines, en particulier celles des muqueuses. «Nous pouvons supporter l’application de certains désinfectants sur la peau, parce que sa surface n’est pas totalement vivante, précise-t-il. L’épiderme comporte une couche cornée, composée de cellules mortes qui forment une sorte de barrière et évitent ainsi le contact de l’alcool, par exemple, avec les cellules vivantes.»
Contrairement aux désinfectants à base d’alcool, l’eau de Javel ne provoque pas une sensation de brûlure immédiate
Thierry Buclin, médecin-chef du Service de pharmacologie clinique du CHUV
Sur son site, la fondation Tox Info Suisse, qui gère le numéro d’appel d’urgence en cas d’intoxication, rappelle les effets sur l’organisme de l’hypochlorite de sodium, communément appelé eau de Javel. En cas d’ingestion, elle peut notamment être à l’origine d’une irritation de la bouche et de la gorge, de nausées, de vomissements, de maux de ventre, et de diarrhées. Elle peut aussi provoquer des brûlures et des irritations en cas de contact avec la peau, les yeux ou d’inhalation.
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Mais ces effets dépendent surtout de la concentration en eau de Javel des produits utilisés. «Les produits ménagers classiques présentent une concentration comprise entre 1 à 3%, qui ne cause pas de lésions graves, puisque les gens se mettent à vomir avant. Mais cela peut se produire avec des produits industriels qui sont plus concentrés», souligne Colette Degrandi, médecin chez Tox Info Suisse.
En cas d’ingestion, l’organisme conseille de boire 2 à 3 décilitres d’eau pour les adultes et 1 à 1,5 décilitre pour les enfants et d’utiliser la ligne d’urgence (145) pour plus de conseils. «Contrairement aux désinfectants à base d’alcool, l’eau de Javel ne provoque pas une sensation de brûlure immédiate, précise Thierry Buclin. Les gens ont le temps de l’avaler avant que l’action corrosive débute et qu’ils présentent donc des brûlures au niveau des muqueuses de la bouche et la gorge, mais aussi de l’œsophage et de l’estomac.»
Une hausse des appels vers les centres antipoisons
Suite à l’intervention de Donald Trump, la ligne d’appel d’urgence médicale du Maryland a noté une hausse des questionsconcernant l’utilisation de l’eau de Javel et des désinfectants. Mais cette tendance est antérieure à ces déclarations. Les Centres pour le contrôle des maladies et la prévention américains (CDC) se sont intéressés au lien entre les recommandations sanitaires pour éviter la propagation du virus et les appels vers les centres antipoisons. Entre les mois de janvier et de mars 2020 ils ont enregistré une hausse de 20,4% des appels pour intoxication aux produits nettoyants et désinfectants, par rapport à la même période en 2019 (16,4% par rapport à 2018).
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Les auteurs indiquent cependant que leurs données ne permettent pas d’établir un lien direct entre ces appels et la pandémie. Mais ils notent également que l’eau de Javel, les désinfectants pour les mains et les désinfectants sans alcool sont les produits pour lesquels les appels ont le plus augmenté. Autre point important, tous les modes d’exposition (contact oculaire, avec la peau, inhalation ou ingestion) ont connu une augmentation, mais l’inhalation de ces produits est celui qui a le plus augmenté. La hausse des cas s’observe pour toutes les tranches d’âge, mais est plus marquée chez les enfants de moins de 5 ans.
Cette hausse du nombre d’appels liés à des intoxications aux produits désinfectants est aussi constatée sur la ligne d’urgence de Tox Info Suisse, sans que la voie d’exposition ne soit distinguée. «Nous avons aussi noté une augmentation du nombre de demandes concernant l’ingestion accidentelle de désinfectants alcoolisés par les petits enfants», note Colette Degrandi. Sur son site, l’organisme met aussi en garde contre l’utilisation sans prescription médicale et le surdosage d’hydroxychloroquine (un des médicaments présentés comme un traitement contre le Covid-19; actuellement testé, son efficacité n’a pas été prouvée).