Au cœur de la crise du coronavirus, au mois de mars, nous écrivions un article sur les traitements contre le covid donnés par les médecins dans les services suisses de soins intensifs. A l’époque, les certitudes étaient rares et les soignants avançaient petit à petit, testant des molécules, évaluant leurs effets sur les patients, et se référant aux maigres études cliniques qui commençaient à sortir.

Aucun spécialiste, lors de notre enquête, n’avait alors évoqué les corticostéroïdes parmi la palette de médicaments utiles pour les malades. Avec le recul, celles-ci s’avèrent pourtant être les plus efficaces pour lutter contre les formes sévères de la maladie, ont révélé plusieurs études de grande ampleur.

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Très bonne nouvelle

Les chercheurs ont compilé les données de sept études cliniques randomisées sur l'usage des corticostéroïdes contre le covid chez 1703 patients critiques, la plus importante d'entre elles étant l'étude anglaise Recovery. Leurs résultats sont une très bonne nouvelle en cet automne plein d'incertitudes: ils montrent que cette famille de stéroïdes diminuent en moyenne la mortalité de 20% chez des patients aux soins intensifs pour un covid. Les résultats se confirment également chez les patients dans un état sévère, hospitalisés avec difficultés respiratoires mais pas intubés. Tous les essais en cours avec ce traitement ont été interrompus quand les premiers résultats de Recovery sont arrivés, afin que les patients qui étaient sous placebo ou qui prenaient une autre molécule puissent en bénéficier. 

Le médicament aux effets les plus significatifs semble être la dexaméthazone, un générique, suivi notamment de l’hydrocortisone. Les corticostéroïdes, qui reproduisent des hormones sécrétées naturellement dans le corps humain, sont parmi les anti-inflammatoires les plus puissants. «Ils sont connus depuis longtemps, simples à administrer et bon marché», explique Thierry Calandra, chef du service des maladies infectieuses au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), qui les donne déjà à ses malades. La prescription est en général de 6 milligrammes par jour de dexaméthazone, pendant dix jours, comme l’indique aussi la Société suisse d’infectiologie, qui l’a aussi ajoutée à ses recommandations officielles.

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Découverte tardive

En parallèle de cette méta-analyse, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a mandaté un groupe de travail sur le sujet, qui vient de rendre ses recommandations, parues également dans le British Medical Journal. Celles-ci indiquent aussi que les corticostéroïdes sont recommandés pour les cas de covid sévères ou critiques. Thomas Agoritsas, professeur au département de médecine des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), a participé à ce groupe de travail. «Les corticostéroïdes sont désormais le meilleur traitement pour les patients atteints de forme sévère du covid, confirme-t-il. Nous savons que ça marche, par contre on ne sait pas vraiment comment. Il reste beaucoup de zones d’incertitude sur la manière dont ils combattent l’infection virale et l’inflammation, et leur effet possible en combinaison avec d’autres molécules.»

Pourquoi ces stéroïdes ont-ils été déconseillés par les médecins quand le coronavirus a fait son apparition? «Les études antérieures sur l’emploi de ces médicaments dans le cadre de virus respiratoires comme le H1N1 montraient que leurs effets étaient plutôt délétères, se souvient Thomas Agoritsas. Par précaution, la communauté scientifique a préféré s’abstenir de les recommander, sauf dans des cas presque désespérés, où les médecins essayaient un peu tout ce qu’ils avaient.» Comme les spécialistes ne soupçonnaient pas l’efficacité de ces stéroïdes, la plupart des essais cliniques ne les ont pas tous testés. Ils ne sont ainsi pas évalués dans le cadre de l’essai piloté par l’OMS, «Solidarity», dont les résultats se font attendre.

Un patient avec des symptômes légers de covid ne doit pas prendre de la cortisone.

Thierry Calandra, chef du service des maladies infectieuses au CHUV

Pour les cas de covid moins graves, aucun traitement ne s’est encore démarqué dans la littérature scientifique. Au CHUV, Thierry Calandra avertit: «Un patient avec des symptômes légers ne doit pas prendre de la cortisone, car cela pourrait lui être défavorable, en diminuant sa capacité à lutter contre l’infection en réduisant la réponse inflammatoire, avec un risque d’augmentation de la mortalité. Au début de la maladie, il faut se concentrer sur des traitements antiviraux.»