Pandémie
Une étude menée sur le premier foyer français de l’épidémie semble montrer que les enfants transmettent peu le virus. Toutefois, elle ne porte que sur un cas unique

Avec les annonces de réouverture des écoles, la question de savoir si les enfants peuvent contaminer le reste de la population n’a toujours pas de réponse. Une étude, largement reprise dans la presse depuis lundi, semble conclure que les enfants seraient moins susceptibles de transmettre le SARS-CoV-2.
Publiée le 11 avril dans la revue Clinical Infectious Diseases, elle porte sur le foyer épidémique de la station de ski des Contamines-Montjoie, le premier en France, détecté au début du mois de février. Un Britannique revenant de Singapour avait contaminé onze autres personnes, dont un enfant âgé de 9 ans.
Un cas unique
Cette étude repose donc sur un cas unique d’un enfant touché par la maladie. Les chercheurs ont pu identifier 112 élèves et professeurs ayant été en contact avec le jeune patient. Ce dernier, ne présentant que de légers symptômes, a continué ses activités d’une manière normale et s’est donc rendu dans trois écoles de la région ainsi que dans son club de ski. Au total 172 contacts ont été identifiés. Les tests menés sur 73 personnes considérées comme des cas potentiels, car ayant déclaré des symptômes respiratoires, n’a mis en évidence aucune contamination.
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Il ne s’agit pas du seul argument qui pourrait montrer que les enfants transmettent moins facilement le virus que les adultes. Les chercheurs notent que les deux autres enfants de la famille de l’enfant malade n’ont pas contracté le virus. En revanche, parmi les contacts testés et les trois enfants de la famille ils ont pu mettre en évidence la transmission de picornavirus (à l’origine de rhumes et de la gastro-entérite) et du virus de la grippe. Ce qui pourrait signifier selon eux que le SARS-CoV-2 se transmet moins bien.
Pour autant, les auteurs de l’étude restent prudents sur les conclusions à tirer de cet exemple. Ils indiquent notamment que certains des contacts que l’enfant a pu avoir, par exemple dans les cabines de ski de la station, n’ont pas pu être tracés. La faiblesse de la charge virale détectée chez l’enfant en question est aussi discutée. Ce dernier n’a été testé que huit jours après l’apparition des symptômes, mais cette faiblesse pourrait s'expliquer par la présence d'autres virus dans son organisme.
Les chercheurs évoquent cette idée que les autres virus détectés chez lui et certains de ses contacts aient pu provoquer une interférence virale. Ce phénomène qui empêche une nouvelle infection d’un organisme déjà touché par un autre virus a déjà été observé pour le virus de la grippe. Cette étude constate donc qu’il pourrait exister «une dynamique de transmission différente chez les enfants» pour le SARS-CoV-2, mais celle-ci reste donc à démontrer au-delà de ce cas spécifique.
Des preuves scientifiques au débat politique
Les résultats scientifiques concernant la manière dont les enfants sont touchés par la maladie attirent particulièrement l’attention. D’autant plus qu’une réouverture des écoles au mois de mai a été annoncée en Suisse et en France la semaine dernière, suscitant des protestations. Cette étude peut donner l’impression que ces décisions politiques se fondent sur des connaissances scientifiques solides. Or aucune étude scientifique rigoureuse n’a encore conclu quant au potentiel infectieux des enfants.
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Interrogé par Le Temps vendredi dernier, Philippe Eggimann, interniste, infectiologue et président de la Société vaudoise de médecine rappelait que de nombreux points restent à éclaircir. Des statistiques publiées par le Centre chinois de contrôle et de prévention des maladies montrent notamment que les enfants de moins de 10 ans ne représentaient que moins de 1% des plus de 72 000 cas recensés. Une autre étude chinoise, s’intéressant à la gravité de la maladie chez plus de 2100 cas d’enfants enregistrés, montre que 90% d’entre eux présentaient une forme asymptomatique, légère ou modérée de la maladie. Si les enfants semblent comparativement moins touchés que les adultes par le Covid-19, la question de la transmission de la maladie par les patients ne présentant pas de symptômes, et de la charge virale qu’ils peuvent transporter, n’est pas encore réglée.