Alors que nous sommes en plein dans la saison des tiques, le risque de morsure s’accroît, tout comme celui de contracter une pathologie transmise par ces acariens: la maladie de Lyme. Or un nouveau rapport américain vient mettre en garde contre certaines thérapies utilisées au long cours contre cette affection. Le dernier bulletin épidémiologique des Centres américains de contrôle et de prévention des maladies (CDC) rapporte la survenue d’infections graves, dont une mortelle, chez cinq patients présentant des symptômes chroniques attribués à la maladie de Lyme et recevant un traitement de longue durée par antibiotiques.

La maladie de Lyme est causée par la bactérie Borrelia burgdorferi transmise par les tiques. Elle se manifeste par de la fièvre, des maux de tête et parfois une rougeur cutanée au point de piqûre. Un traitement antibiotique est alors recommandé pendant 2 à 4 semaines. Non traitée, l’infection peut évoluer et provoquer des manifestations neurologiques ou articulaires. Ce n’est que plus tard, en l’absence de traitement ou en cas d’antibiothérapie non adaptée, qu’apparaissent des signes neurologiques et articulaires plus graves et persistants.

Thérapies pas adaptées

La croyance existe selon laquelle B. burgdorferi peut provoquer des symptômes invalidants alors que les résultats de deux tests sanguins diagnostiques (sérologie) sont négatifs. Les patients présentent des symptômes persistants comprenant une fatigue, des douleurs musculosquelettiques généralisées et un déficit cognitif, en l’absence de signes d’une infection en cours. Certains praticiens n’hésitent pas à utiliser des tests sérologiques non validés ou d’autres critères pour porter le diagnostic controversé de «maladie de Lyme chronique».

Les patients concernés peuvent se voir proposer diverses prises en charge médicales pas forcément adaptées, comme un traitement antibiotique à suivre pendant plusieurs mois ou années, des séances d’électromagnétisme, des anti-parasitaires, ou la consommation d’ail pour ses propriétés antibactériennes. Aux Etats-Unis, des apprentis sorciers proposent même des transplantations de cellules souches…

«Je suis réellement choqué par cette série de cas. Administrer des cocktails d’antibiotiques pour cette soi-disant maladie est irresponsable et dangereux»

Stefan Erb, infectiologue à l’Hôpital universitaire de Bâle

Un des cas rapportés par les CDC concerne une jeune femme se plaignant de fatigue et de douleurs articulaires. Son médecin diagnostique trois infections transmises par des tiques: une maladie de Lyme, une babésiose et une infection à la bactérie Bartonella. Les symptômes s’aggravent malgré plusieurs cures d’antibiotiques par voie orale. On lui pose un cathéter veineux central, fine tubulure servant à administrer des médicaments en continu. Après trois semaines d’antibiothérapie, les douleurs articulaires ne cèdent pas. Puis sa tension artérielle s’effondre. Malgré une réanimation intensive, son état empire. La patiente décède d’un choc septique, une complication redoutable d’origine infectieuse, une infection s’étant développée sur le cathéter.

Méconnaissance d’un autre diagnostic

Autre cas dramatique: celui d’une quinquagénaire présentant une faiblesse musculaire progressive. Malgré les traitements suivis pendant cinq ans, l’état de la patiente ne s’améliore pas. Un diagnostic est alors posé, celui de sclérose latérale amyotrophique, une affection neurologique qui atteint les neurones assurant la motricité volontaire.

C’est alors que la malade consulte un autre médecin et s’entend dire qu’elle souffre de trois infections distinctes causées par des tiques, dont de maladie de Lyme chronique. La patiente est traitée par des plantes et par homéopathie. Sans effet. Les traitements antibiotiques prolongés provoqueront une infection digestive sévère rebelle à tout traitement. La patiente décédera deux ans plus tard des complications… d’une sclérose latérale amyotrophique.

«Aucune preuve scientifique»

Enfin, les trois autres cas présentés par les CDC concernent un choc septique, une infection de deux vertèbres thoraciques et un abcès dans la région lombaire. «Je suis réellement choqué par cette série de cas, déclare le Dr Stefan Erb, infectiologue à l’Hôpital universitaire de Bâle. Un traitement antibiotique prolongé pour une entité qui n’existe pas, la «maladie de Lyme chronique», est un phénomène vraiment inquiétant mais que nous observons malheureusement dans notre pratique. Administrer des cocktails d’antibiotiques, parfois en intraveineux, pour cette soi-disant maladie est irresponsable et dangereux. Il n’y a absolument pas de preuves scientifiques soutenant cette pratique. Une antibiothérapie doit être prescrite avec prudence et uniquement dans une indication claire.»

Au moins cinq études ont pourtant montré qu’un traitement antibiotique prolongé n’améliore pas le pronostic des patients atteints d’une maladie de Lyme. Selon Stefan Erb, ce type de traitement fait l’objet d’une intense promotion sur des sites internet qui profitent de la médiatisation de la maladie et de la détresse de certains patients pour diffuser «des informations non sérieuses qui contribuent à effrayer les gens».