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Faut-il vacciner les enfants contre le Covid-19?

Les essais cliniques se multiplient afin de tester l’efficacité et la sécurité des vaccins contre le Covid-19 auprès des adolescents et des plus jeunes enfants. Autorités et spécialistes se disent favorables à l’élargissement de la vaccination à cette catégorie de la population

Si une majorité des enfants touchés ne développent pas une forme sévère de la maladie, pour un petit pourcentage d’entre eux, le Covid-19 peut entraîner des complications importantes. — ©  SHAWN ROCCO/DUKE HEALTH/VIA REUTERS
Si une majorité des enfants touchés ne développent pas une forme sévère de la maladie, pour un petit pourcentage d’entre eux, le Covid-19 peut entraîner des complications importantes. — © SHAWN ROCCO/DUKE HEALTH/VIA REUTERS

Avec l’avancée de la campagne de vaccination contre le Covid-19, la question est désormais sur la table: faut-il également vacciner les enfants? Pour la Commission fédérale pour les vaccinations, qui s’est exprimée par l’intermédiaire de son président Christoph Berger lors de la conférence de presse de l’Office fédéral de la santé publique qui s’est tenue le 20 avril, l’objectif est clair: «Pour le moment, les essais cliniques sont encore en cours, mais dès que les données seront suffisantes, il sera primordial de vacciner les enfants aussi rapidement que possible.»

Alors que sait-on pour l’heure des études concernant la vaccination chez les plus jeunes, et quels seraient les avantages de vacciner également les enfants? Sur quelle base Swissmedic va-t-il prendre une décision? Le point en quatre questions.

1) Pourquoi vacciner aussi les plus jeunes?

Plusieurs facteurs plaident en faveur de la vaccination des enfants, selon les spécialistes. D’une part, on sait désormais – notamment grâce à une étude de séroprévalence conduite à Genève sur 1000 enfants entre 0 et 18 ans et dont les résultats ont été publiés en février dans The Lancet Infectious Diseases –, que les enfants de plus de 6 ans sont tout autant touchés que les adultes par le Covid-19.

L’arrivée massive du variant B.1.1.7, dont sont actuellement infectés la presque totalité des cas positifs déclarés en Suisse, semble encore avoir accentué ce phénomène. Lors de la semaine du 12 au 18 avril, ce sont en effet surtout les groupes de 10 à 39 ans qui ont été les plus concernés, avec près de 200 cas pour 100 000 habitants.

© OFSP
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«Le premier objectif de la vaccination était de diminuer la mortalité et les épisodes sévères chez les personnes âgées, souligne Blaise Genton, médecin-chef du Service des maladies infectieuses à Unisanté (Lausanne). Le fait de vacciner la population générale ainsi que les enfants va de son côté permettre de participer à la diminution de la circulation du virus. Les enfants ne sont probablement pas des super-propagateurs, mais ils sont tout de même des vecteurs du virus avec des charges virales similaires à celles des adultes. Ils sont en outre très souvent asymptomatiques, ce qui complique l’identification des individus infectés.»

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«Les mutations du virus SARS-CoV-2 nous préoccupent, et plus le réservoir humain est important, plus le virus a des chances de muter, ajoute de son côté Alessandro Diana, médecin et expert à Infovac, la plateforme d’information sur les vaccinations en Suisse. C’est un aspect à prendre en considération lorsqu’il est question de vacciner les plus jeunes.»

Eviter les possibles complications

Par ailleurs, si une majorité des enfants touchés ne développent pas une forme sévère de la maladie, pour un petit pourcentage d’entre eux, le Covid-19 peut entraîner des complications importantes. Parmi les jeunes entre 0 et 19 ans, environ un cas positif sur 1000 développe ce que l’on appelle un syndrome inflammatoire multisystémique post-covid, qui nécessite une hospitalisation.

«Lorsque l’on commence à avoir une incidence très importante de la maladie, comme au Brésil par exemple, on se rend compte que le nombre d’enfants gravement touchés ou qui décèdent du Covid-19 augmente aussi, déplore Blaise Genton. C’est également dans les situations où l’accès aux soins est plus compliqué, ou en cas de maladies chroniques ou d’obésité qui sont des facteurs de risque connus, que la vaccination des enfants se révèle très importante.»

La communauté scientifique commence aussi à reconnaître l’existence de covids longs chez les enfants, une affection qui, selon les données de l’Office national de la statistique britannique, concerne 13 à 15% des enfants ayant contracté le Covid-19 et chez qui des symptômes (fatigue, maux de tête, problèmes cognitifs, cardiaques et respiratoires) peuvent persister durant plusieurs semaines, voire plusieurs mois après l’infection initiale.

«Je trouverais difficile, sur un plan éthique, de vacciner des enfants uniquement pour atteindre un taux de couverture vaccinale suffisant à faire diminuer la circulation du virus dans le cas où une proportion d’adultes trop importante ne souhaiterait pas se faire vacciner, pointe Claire-Anne Siegrist, cheffe du centre de vaccinologie des Hôpitaux universitaires de Genève. Il pourrait cependant y avoir un bénéfice à vacciner les plus jeunes dans le but d’éviter, notamment, les covids longs. On ne peut, en outre, pas exclure la survenue d’un variant plus agressif chez les jeunes, si bien qu’il me semble tout à fait justifié de mener des études pour pouvoir disposer d’un vaccin utilisable chez les enfants et les adolescents, si l’évolution de la pandémie le rendait nécessaire.»

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2) Comment fonctionnent les essais cliniques incluant des enfants?

Les essais cliniques chez les enfants fonctionnent de la même manière que ceux conduits sur les adultes, le défi particulier étant de trouver la dose idéale qui déclenche une bonne réponse immunitaire sans générer trop d’effets secondaires. Une fois cette dernière identifiée, plusieurs milliers de participants sont divisés en deux groupes, l’un recevant les doses de vaccins, l’autre une injection de placebo. Les chercheurs suivent ensuite les enfants pendant plusieurs mois, voire plusieurs années, afin d’étudier l’innocuité et l’efficacité des vaccins. Tout comme pour les adultes, un consentement doit être obtenu auprès des enfants et des parents.

«Il est exclu de commencer une vaccination en pédiatrie avant qu’elle n’ait montré son efficacité et sa bonne tolérance chez les adultes, précise Claire-Anne Siegrist. Dans le cadre d’essais cliniques, on procède classiquement par «descente des âges», à savoir en commençant par les personnes âgées de 16 ans et plus, puis entre 12 et 15 ans, 6 et 11 ans, 2 et 5 ans, etc.» Après avoir mené un essai clinique sur les 12 à 15 ans, Pfizer/BioNTech a ainsi entrepris fin mars les essais sur une cohorte d’enfants âgés de 5 à 11 ans, et comptait débuter les essais sur les 2 à 5 ans début avril.

3) Que sait-on déjà de l’efficacité et de la sécurité des vaccins contre le Covid-19 chez les plus jeunes?

Bien que plusieurs essais cliniques soient actuellement en cours chez les plus jeunes, pour l’heure seule la compagnie pharmaceutique Pfizer/BioNTech a communiqué les résultats préliminaires de son étude de phase 3 conduite auprès de 2260 adolescents âgés entre 12 et 15 ans aux Etats-Unis. Première conclusion: durant l’essai, 18 cas de Covid-19 ont été observés dans le groupe placebo, contre aucun dans le groupe vacciné, ce qui à ce stade débouche donc sur une efficacité de 100%.

Cette cohorte semble également développer des niveaux nettement plus élevés d’anticorps que les 16 à 25 ans après l’injection de deux doses standard. Les effets secondaires sont similaires pour les deux groupes, à savoir principalement des douleurs au niveau du site d’injection (84,1%), de la fatigue (62,9%), des maux de tête (55,1%), des douleurs musculaires (38,3%), des douleurs articulaires (23,6%) ou encore de la fièvre (14,2%).

«On sait déjà, depuis les études de phase 3 chez les adultes, que les personnes jeunes ont davantage d’effets secondaires, explique Blaise Genton. Ceux-ci sont liés à une immunoréactivité bien meilleure que chez les personnes âgées, dont le système immunitaire est un peu moins efficace. Les chiffres annoncés par Pfizer/BioNTech, qui sont basés sur un nombre relativement petit de participants, ne permettent pas encore de tirer des conclusions absolues, mais cela donne déjà une bonne idée de l’efficacité et des effets secondaires les plus fréquents. Dans ce sens, on peut être rassuré.»

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On ne sait pas encore comment les inquiétudes liées aux cas de caillots sanguins survenus à la suite de l’administration des vaccins d’AstraZeneca et de Johnson & Johnson vont affecter, sur le long terme, les essais pédiatriques, mais les deux compagnies ont décidé de suspendre, pour l’heure, ceux en cours chez les jeunes âgés de 6 à 17 ans.

4) Comment les autorités de surveillance des médicaments vont-elles prendre leurs décisions?

Pfizer/BioNTech a annoncé fin mars qu’elle allait soumettre prochainement les données de son étude à l’Agence européenne des médicaments et à son pendant américain, la FDA, afin de demander à ce que soit modifiée l’autorisation d’utilisation d’urgence de son vaccin. Le but étant, selon la compagnie, qu’il puisse être administré aux adolescents entre 12 et 15 ans avant le début de la prochaine année scolaire.

Pour que l’usage des vaccins soit étendu en Suisse, des demandes d’autorisation devront également être déposées par les laboratoires pharmaceutiques auprès de Swissmedic. «Etant donné la situation, celles-ci seront traitées avec une grande priorité, précise Lukas Jaggi, porte-parole de l’Institut suisse des produits thérapeutiques. Les essais portant sur les enfants ne comptent certes que quelques milliers de participants, et non des dizaines de milliers comme c’était le cas chez les adultes, mais nous avons déjà accumulé énormément de connaissances sur les questions d’efficacité et de sécurité, ce qui pourrait nous permettre d’autoriser la vaccination des plus jeunes plus rapidement.»

Encore une fois, Israël pourrait bien faire figure de précurseur. Le pays aurait en effet annoncé vouloir débuter la vaccination chez les adolescents au début du mois de mai.