Pandémie
Des solutions visant à pallier la pénurie de matériel de protection avec peu de moyens se développent et se partagent librement à travers le monde

Confrontés au manque de matériel médical à l’échelle mondiale, médecins et chercheurs mettent au point des solutions simples mais innovantes destinées à se prémunir contre le virus. Découverte de quelques-unes de ces inventions «do-it-yourself», dont l’efficacité est en cours d’évaluation.
Hsien Yung Lay, anesthésiste au Mennonite Christian Hospital à Taïwan, a imaginé une boîte en plastique destinée à protéger les médecins lors de l’intubation des patients atteints du Covid-19, une manipulation associée à un important risque de contamination par le coronavirus. Son dispositif est destiné à pallier le manque de PAPR (appareil respiratoire à adduction d’air filtré) utilisés pour protéger ceux qui les portent d’un air contaminé.
Le principe de cette invention, baptisée Aerosol Box, est très simple. Il s’agit d’une boîte en plastique qui se place au-dessus de la tête du patient pour éviter la projection de gouttelettes si ce dernier tousse. Deux trous sont pratiqués pour permettre aux médecins d’y glisser leurs mains pour réaliser l’intubation. Selon Hsien Yung Lay, le dispositif ne coûte que quelques dizaines de dollars et peut être réutilisé à condition d’être désinfecté. Le médecin a mis en ligne les plans de cette boîte.
Dans une lettre publiée sur le site du New England Journal of Medicine, des médecins de Boston (Massachusetts) rendent compte d’une expérience pour évaluer l’efficacité du dispositif. A l’aide d’un ballon rempli d’un liquide fluorescent placé à l’intérieur d’un mannequin, ils ont simulé une toux pour observer la projection de gouttelettes avec et sans le dispositif. L’utilisation de la boîte permet d’éviter la contamination des équipements de protection portés par le praticien, à l’exception des gants placés à l’intérieur du dispositif.
Les auteurs indiquent tout de même que les conditions de cette expérience ne reproduisent pas les effets d’une toux réelle, notamment la projection d’aérosol. Pour son usage, des équipements de protection individuels traditionnels restent nécessaires en plus de l’utilisation. Ils soulignent également que la boîte peut entraver les mouvements du médecin s’il ne s’est pas entraîné à l’utiliser.
Des objets détournés de leur usage premier
Cet exemple n’est pas unique. Un consortium coordonné par le Centre national français de la recherche scientifique (CNRS), auquel participe notamment l’EPFL, a indiqué mardi 14 avril dans un communiqué s’être lancé dans la production industrielle d’adaptateurs permettant d’équiper de filtres antiviraux des masques de plongée de la marque Decathlon. Des masques également destinés aux professionnels de la santé en contact avec des patients atteints du Covid-19.
L’idée est venue de l’équipe du professeur Manu Prakash, enseignant en bio-ingénierie à l’Université de Stanford, qui a utilisé une imprimante 3D pour développer cet adaptateur. Là encore, les données de cette innovation ont été mises en ligne en open source.
Les masques de la marque Decathlon avaient déjà été détournés par un médecin de Brescia en Italie pour servir à équiper des appareils d’assistance respiratoire. Aux Etats-Unis, ABC News se faisait également l’écho d’une initiative visant à utiliser des appareils destinés à la surveillance à distance des bébés pour observer les patients tout en limitant les contacts.
Ces solutions ont en commun un développement qui nécessite peu de moyens et une diffusion libre. Elles prennent souvent ancrage dans la communauté des makers, ces personnes qui inventent ou détournent des objets en créant leurs propres techniques et avec les moyens du bord. Cette communauté s’est fortement mobilisée pour imprimer en 3D des supports pour des visières en plastique à destination des soignants. Développées dans l’urgence, ces inventions doivent cependant encore être testées de manière rigoureuse, avant que leur efficacité soit validée scientifiquement.