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La méditation pour panser les plaies psychologiques du cancer

Les hôpitaux universitaires genevois et vaudois démarreront, à la fin de l’année, une étude afin d’évaluer les effets de la méditation de pleine conscience sur des patientes atteintes de cancers gynécologiques. Une première en Suisse

Image d'illustration — © FatCamera/Getty Images
Image d'illustration — © FatCamera/Getty Images

Peur de la mort, sentiment de perte de contrôle, colère, déni, tristesse, espoir ou détermination… Vivre avec un cancer signifie bien souvent faire face à une cascade d’émotions pouvant varier d’un jour à l’autre, et venant se greffer sur un quotidien déjà chamboulé par les traitements et les examens.

Face à une maladie qui affecte l’individu dans son entièreté, la médecine conventionnelle est certes de plus en plus performante, mais elle peine à répondre à l’ensemble des besoins des patients. C’est la raison pour laquelle les personnes touchées par le cancer sont de plus en plus nombreuses à se tourner, en parallèle, vers les médecines complémentaires ou alternatives. Une analyse menée dans 18 pays et publiée dans Integrative Cancer Therapies estime ainsi que près d’une personne sur deux atteinte d’un cancer fait appel à des techniques comme l’hypnose, le taï-chi ou la méditation.

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C’est sur la base de ce constat que les Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) et le Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), à Lausanne, ont décidé de lancer un programme pilote de méditation de pleine conscience destiné, dans un premier temps, aux patientes atteintes de cancers gynécologiques.

On travaille sur les émotions difficiles, en apprenant non pas à les éviter mais à les accepter dans un esprit d’auto-compassion

Linda Carlson, professeure en oncologie psychosociale à l’Université de Calgary, au Canada

Afin d’évaluer au mieux les effets de la méditation, cette étude se réalisera sous une forme randomisée, à savoir qu’un groupe de femmes bénéficiera d’une formation de dix sessions, et pas l’autre. Des prélèvements sanguins permettront aussi d’effectuer des mesures biologiques en lien, notamment, avec les processus immunitaires et le vieillissement cellulaire, tandis que des questionnaires se pencheront sur les aspects psychologiques.

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Sans jugement

«La méditation de pleine conscience est l’approche qui a été la plus étudiée jusqu’à présent, explique Marie-Estelle Gaignard, médecin au service d’oncologie des HUG et principale instigatrice de l’étude. Ses effets sur l’anxiété, la dépression ou encore les fonctions immunitaires, ainsi que sur le niveau de cortisol – à savoir l’hormone du stress –, ont tous été mis en évidence par le biais de méta-analyses.» En juin 2018, l’Association américaine d’oncologie clinique (ASCO), recommandait même son usage pour les femmes atteintes d’un cancer du sein, comme un moyen fiable d’améliorer la qualité de vie ou les troubles de l’humeur.

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Pionniers en Suisse, les HUG ont instauré la méditation de pleine conscience depuis plus de quinze ans dans leur département de santé mentale et psychiatrie, sous l’impulsion du professeur Guido Bondolfi, dont le service collabore également à l’étude qui démarrera à la fin de l’année. Laïque, cette méthode créée en 1979 par le biologiste moléculaire Jon Kabat-Zinn consiste à porter son attention sur le moment présent, sans porter de jugement. Son but initial était de prendre en charge les patients souffrant de douleurs chroniques ou de troubles engendrés par le stress, d’où son nom de Mindfulness-Based Stress Reduction (MBSR).

Méthode spécifique au cancer

Face au succès rapidement rencontré par cette technique, les indications ne tardent pas à s’étendre. C’est ainsi qu’à la fin des années 1990 Linda Carlson, professeure en oncologie psychosociale à l’Université de Calgary au Canada – qui sera présente le 17 octobre prochain à Genève dans le cadre d’un symposium sur l’oncologie intégrative –, élabore, pour les patients atteints de cancer, le programme MBCR pour Mindfulness-Based Cancer Recovery.

«Durant la formation, des sessions sont basées sur la gestion des effets secondaires, tandis que d’autres se penchent sur des techniques de respiration permettant de mieux vivre les traitements difficiles ou de mieux dormir, détaille au Temps Linda Carlson. On travaille également sur les émotions difficiles, en apprenant non pas à les éviter mais à les accepter dans un esprit d’auto-compassion.»

Reste la question de l’implantation de tels programmes au sein d’hôpitaux universitaires, aspect qui sera également étudié par le projet pilote. «Il y a clairement une ouverture de plus en plus grande des institutions à ce type d’approches, observe la professeure Manuela Eicher, infirmière consultante en recherche au département d’oncologie Unil-CHUV et responsable du volet lausannois de l’étude. Il est néanmoins important que l’ensemble du personnel soit engagé et impliqué si l’on souhaite que ces méthodes trouvent leur place à long terme.»

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Premier symposium d’oncologie intégrative, le 17 octobre 2019 à l’auditoire Marcel Jenny, HUG. Entrée libre sur inscription.