On a longtemps pensé que le SARS-CoV-2 se propageait principalement par de grosses gouttelettes respiratoires, produites par la toux ou les éternuements d’individus malades, ou qu’il était transféré à partir de surfaces contaminées. Un nombre croissant de preuves permettent désormais d’établir que, comme d’autres pathogènes respiratoires, le coronavirus se propage bel et bien par des particules respiratoires microscopiques chargées de virus, les aérosols. Emises lorsqu’une personne infectée parle, chante, crie ou même respire, elles sont capables de se maintenir dans l’air jusqu’à douze heures pour les plus petites d’entre elles.

Comment éviter les contaminations par ce biais en milieu scolaire? C’est à cette question – épineuse en période de rentrée – que répond une équipe de chercheurs issus notamment de l’Institut de santé globale de l’Université de Genève et de l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire (CERN), au sein d’une étude en prépublication non encore revue par les pairs. Dans les salles de classe, où les enfants, pour la majorité non vaccinés, restent de longues heures en contact étroit, les mesures concernant le contrôle de la qualité de l’air ont été encore peu mises en place. Le port du masque pourrait même bientôt ne plus y être obligatoire.

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En adaptant un modèle de transmission des aérosols précédemment développés par des chercheurs du CERN, les auteurs ont évalué l’effet de différentes interventions (à savoir la ventilation naturelle, le port universel de masques chirurgicaux et l’utilisation de filtres HEPA) et leur combinaison, sur la concentration de particules virales dans une salle de classe de 160 m3 contenant un individu infectieux. Et autant dire que les résultats laissent songeur, surtout lorsqu’on les compare aux mesures appliquées dans les écoles à ce jour.

L’ouverture des fenêtres, mesure la plus efficace

Bilan: prise séparément, l’intervention la plus efficace s’avère être la ventilation naturelle par l’ouverture complète de six fenêtres toute la journée pendant la saison hivernale, ce qui permet de diminuer de 14 fois la dose cumulée d’aérosols absorbés. La ventilation étant influencée par les différences de température entre l’intérieur et l’extérieur, cette même mesure fait chuter d’environ 7 fois la quantité d’aérosols respirés au printemps ou durant l’été.

En hiver, l’ouverture partielle de deux fenêtres toute la journée ou l’ouverture complète de six fenêtres à la fin de chaque cours s’avèrent également être des mesures efficientes (diminution de 2 fois). Fait saillant, l’ouverture des fenêtres uniquement pendant les récréations ou la pause de midi – ce qu’appliquent de nombreuses classes à l’heure actuelle – n’aurait qu’un effet minime, puisque la quantité cumulative d’aérosols absorbés ne chute que de 1,2 fois.

L’usage de filtres HEPA, utiles par exemple lorsqu’il fait trop froid pour laisser les fenêtres ouvertes sur le long terme, ou dans le cadre de bâtiments où l’ouverture des fenêtres est entravée voire impossible, semble aussi bénéfique que deux fenêtres ouvertes partiellement toute la journée durant l’hiver (réduction de 2,5 fois de la concentration virale).

Faux sentiment de sécurité

Enfin, l’utilisation de masques chirurgicaux par les élèves et les enseignants fait partie des interventions les plus efficaces pour réduire la dose cumulée absorbée par les personnes exposées (8 fois moins de virions absorbés si la personne infectée et les personnes exposées portent un masque), d’autant plus lorsqu’elle est combinée aux autres mesures. La quantité d’aérosols absorbés chute alors de plus de 30 fois.

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«La distanciation physique et la désinfection des mains, deux mesures sur lesquelles sont souvent fondées les recommandations européennes, ne fournissent pas à elles seules la protection requise contre la transmission aérienne à longue distance, qui a été trop longtemps négligée, pointe Jennifer Villers, coauteure de l’étude et chercheuse à l’Institut de santé globale de l’Université de Genève. L’éloignement physique confère un faux sentiment de protection, alors que respirer dans une pièce mal ventilée avec un individu infecté suffit déjà à être exposé au virus.»

Associer les mesures

Face à un variant Delta plus contagieux et qui semble particulièrement atteindre les classes d’âge entre 10 et 19 ans, les scientifiques chargés de l’étude recommandent d’associer les différentes mesures évaluées, y compris le port du masque pour tous les écoliers. Si cette dernière mesure pourrait tomber dès la mi-septembre ou début octobre dans certains cantons selon l’évolution de la situation, elle est toujours recommandée par les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies américains dès l’âge de 2 ans, et dès 6 ans par l’Organisation mondiale de la santé dans les zones ou la transmission communautaire est jugée comme très importante.

«Le risque d’infection dépend énormément de la charge virale de la personne malade, dont plusieurs études ont montré qu’elle était similaire entre les adultes et les enfants, pointe Olivia Keiser, épidémiologiste à l’Institut de santé globale et coauteure de l’étude. Le problème, c’est que ce paramètre est impossible à prédire, d’autant plus face au variant Delta, plus transmissible. Si des précautions ne sont pas prises dans les écoles, il semble assuré que certaines devront de nouveau fermer ou que des quarantaines devront être mises en place. Ignorer le problème ne va pas contribuer à améliorer la situation.»